Contrairement à la glace de mer de l’Arctique, dont la superficie ne cesse de se réduire, celle de l’Antarctique vient d’atteindre un niveau d’extension record. Les changements climatiques dans l’hémisphère sud sont plus complexes à interpréter que dans le nord mais plusieurs études ont récemment permis d’y voir plus clair.
La glace de mer qui entoure l’Antarctique a atteint un nouveau record d’extension le 29 juin avec plus de 2 millions de km2 au-dessus de la moyenne, selon le Groupe de recherche polaire de l’université de l’Illinois, aux Etats-Unis.
Ces données sont conformes à celles du NSIDC, le Centre américain de collecte de données sur la neige et la glace, qui a également relevé des niveaux record en juin. Cela fait maintenant une trentaine d’années que les glaces de l’Antarctique connaissent des phases hivernales de forte croissance.
La situation au sud contraste fortement avec ce qui se passe dans l’Arctique, où le mois de mai 2014 a connu la troisième plus faible extension des glaces jamais enregistrée et où la couverture de glace se réduit d’année en année.
Ces tendances opposées au nord et au sud peuvent sembler paradoxales alors que l’on parle d’un réchauffement climatique global. Mais il faut rappeler que la glace de mer que l’on trouve en Arctique n’est pas la même que celle que l’on trouve dans l’hémisphère sud. L’Arctique est un océan cerné par les terres alors que dans l’Antarctique ce sont les glaces qui entourent un continent. En conséquence, la glace de mer, moins protégée en Antarctique, diminue beaucoup plus entre l’hiver et l’été.
Cette situation n’est pas forcément la conséquence d’un refroidissement de l’hémisphère sud. Car dans le même temps, l’océan se réchauffe autour de l’Antarctique.
Pour expliquer le phénomène d’extension de la glace de mer, la théorie la plus crédible pourrait être celle de l’oscillation de l’Antarctique qui affecte les vents d’ouest soufflant autour du continent blanc. Le vortex polaire s’est en effet intensifié depuis une trentaine d’années.
Dans cette phase positive, les vents d’ouest se renforcent, favorisant l’empilement et l’épaississement de la glace. Les endroits où la glace a été balayée laissent alors à découvert l’océan dans des zones où il peut à nouveau geler en surface. C’est l’hypothèse défendue par Jinlun Zhang, chercheur à l’université de Washington.
Il n’est pour le moment pas possible de déterminer si la phase positive prolongée de l’oscillation Antarctique a été favorisée par le réchauffement climatique mais la destruction de la couche d’ozone est soupçonnée d’être liée au phénomène. En refroidissant la stratosphère, la perte d’ozone favorise les forts vents d’ouest et donc la constitution de glace de mer.
Une autre théorie, pas forcément concurrente, pourrait expliquer la tendance au pôle sud. Une équipe néerlandaise de chercheurs emmenée par Richard Bitanja a publié en 2013 une étude selon laquelle la fonte basale des glaciers de l’Antarctique était susceptible de favoriser la constitution de glace de mer.
Les analyses de l’océan menées depuis plusieurs décennies ont permis de relever une diminution de la salinité de la surface de l’océan. Le réchauffement climatique, qui entraîne la fonte de certains glaciers de l’Antarctique, apporte de l’eau douce à la surface de l’océan, ce qui entraîne une diminution de la proportion de sel.
Pour que l’eau de surface puisse plonger et se mélanger avec l’eau des profondeurs, il faut qu’elle soit salée et froide, ce qui la rend plus dense et tend à la faire couler. Depuis les années 50, l’eau de surface est moins salée et le mouvement s’est affaibli. En conséquence, de l’eau chaude stagne dans les profondeurs marines.
Le paradoxe est donc que l’extension de cette glace de mer, si l’on en croit l’étude néerlandaise parue dans Nature Geoscience, aurait été causée par la fonte accélérée des glaciers de l’Antarctique.
On peut dire la glace de mer n’est probablement pas le principal indicateur des changements climatiques, du moins dans l’hémisphère sud. Une nouvelle étude publiée par une équipe australienne dans Geophysical Research Letters résume peut-être assez bien ce qui se passe actuellement dans l’Antarctique. Paul Spence, l’un des auteurs de l’article, affirme que le renforcement des vents d’ouest contribue à la progression d’une eau chaude sous les plateformes de glace qui bordent le continent.
Pour le moment, une eau froide de surface protège apparemment l’Antarctique, et, comme l’indiquait déjà l’étude de Richard Bitanja, l’extension de la glace de mer peut donner l’illusion que le pôle sud est moins sensible au réchauffement climatique que le reste de la planète. Mais c’est sans compter avec cette eau chaude, maintenue sous le courant froid de surface, d’autant plus menaçante qu’elle attaque les glaciers à leur base. Selon les chercheurs australiens, l’impact du réchauffement sous les plateformes de glace a été sous-estimé et l’élévation du niveau de la mer pourrait être plus importante que prévu.
Il apparaît finalement, d’après l’étude de Paul Spence, que tous les phénomènes actuellement constatés, l’extension de la glace de mer, le réchauffement de l’océan, le renforcement des vents d’ouest, la libération d’eau douce à la surface de l’océan, le destruction de la couche d’ozone sont peut-être intimement liés.
Bonjour,
Voilà que la question est dans le pipe pour analyse n+1 :
https://www.nature.com/articles/s41586-020-2120-4 (accès restreint)
Depuis https://phys.org/news/2020-03-international-ozone-treaty-southern-hemisphere.html
La période de grace (effet recouvrement O₃ plus important que hausse passée et continue CO₂) jusqu’en 2016 s’achève peut-être, la mer de glace ne semble plus y suivre la même tendance haussière depuis. De « loin », j’y vois comme une inflexion : https://www.meereisportal.de/en/seaicetrends/monthly-sea-ice-anomalies-antarctic/
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