En raison de l’émergence du phénomène El Niño, les températures devraient être très élevées dans les mois à venir. J’ai tenté de donner une estimation des anomalies représentées sur les cartes de prévision de la NOAA. Les températures prévues sont tellement élevées que les résultats obtenus grâce à la méthode de traduction des couleurs soulèvent des questions quand à leur fiabilité. Je présente ici quelques explications.
Voici les résultats de ma comparaison entre les observations de la NASA sur les 7 premiers mois de l’année et la traduction des cartes d’anomalies de la NOAA basées sur le modèle NCEP CFSv2. Les prévisions du modèle m’ont permis de pousser les estimations jusqu’au mois d’avril 2016. Si l’on en croit les prévisions de la NOAA, entre août 2015 et avril 2016 (la limite des prévisions), chaque mois serait marqué par un record (anomalies par rapport à la moyenne 1951-1980) :
NASA | Traduction NCEP | |
janv-15 | 0,81 | 0,70 |
févr-15 | 0,87 | 0,84 |
mars-15 | 0,9 | 0,89 |
avr-15 | 0,73 | 0,78 |
mai-15 | 0,77 | 0,78 |
juin-15 | 0,79 | 0,88 |
juil-15 | 0,75 | 0,71 |
août-15 | 0,86 | |
sept-15 | 1,00 | |
oct-15 | 1,08 | |
nov-15 | 1,14 | |
déc-15 | 1,18 | |
janv-16 | 1,24 | |
févr-16 | 1,28 | |
mars-16 | 1,29 | |
avr-16 | 1,29 |
1 Question n°1 : comment est réalisée cette prévision ?
J’ai pris les cartes de prévisions d’anomalies du modèle NCEP CFSv2 de la NOAA comme celle-ci :

Prévisions d’anomalies de températures du modèle NCEP CFSv2 pour le mois de Janvier 2016 (source : NOAA)
J’ai ensuite analysé les couleurs des cartes grâce à un calculateur de proportions de couleurs comme suit :
Puis j’ai calculé les anomalies en attribuant une valeur aux proportions obtenues sur la base de la légende du modèle NCEP CFSv2. J’ai ainsi pu obtenir une anomalie moyenne. Le calcul a été un peu compliqué par le fait que l’Equateur et les pôles doivent être pondérés en raison de leur importante relative dans le calcul de la moyenne. J’ai fait comme la NASA, qui divise le globe en 8 régions (4 par hémisphère) et donne un coefficient de 4 à 1 des pôles à l’Equateur. J’ai pu obtenir une moyenne finale. Comme j’ai constaté qu’il y avait une correspondance assez satisfaisante avec les observations de la NASA, je me suis dit qu’il était possible d’évaluer les températures d’après les cartes de prévision.
2 Le modèle NCEP CFSv2 est-il fiable ?
Pour les mois passés (janvier-juillet 2015) les moyennes sont établies à partir des observations des 10 premiers jours de chaque mois. Les 20 jours qui restent sont calculés par des modèles. Au final, la prévision mensuelle est de très bon niveau et correspond très bien aux observations. Prenons par exemple le mois de juillet 2015 : le modèle NCEP CFSv2 se base sur les observations des 10 premiers jours du mois de juillet puis estime les températures pour les 20 jours restants. Ce sont ces cartes que j’ai comparé aux observations de la NASA et elles sont relativement similaires.
Les prévisions actuelles (au mois d’août) vont jusqu’à avril 2016. Evidemment, il n’y a aucune certitude mais on peut quand même accorder une certaine confiance au modèle. Les prévisions de NCEP CFSv2 sont basées sur un phénomène El Niño « fort », comme la majorité des modèles actuellement. Il table sur une anomalie de température dans la région clé Niño 3.4 du Pacifique de 2,7°C pour la période octobre-novembre-décembre. Une prévision crédible puisque le niveau actuel est déjà de +2°C et El Niño prend traditionnement de l’ampleur en hiver. Le record a été établi en 1997 avec +2,6°C dans cette même région. Le phénomène en cours serait donc plus important que l’épisode El Niño considéré comme le plus important du siècle dernier. C’est cette configuration qui explique pourquoi les anomalies anticipées par le modèle NCEP CFSv2 sont aussi importantes.
Il est noter que NCEP CFSv2 n’est pas le modèle qui annonce les plus grosses anomalies pour El Niño : celui de la NASA prévoit jusqu’à +3,6°C ! La moyenne des modèles table sur +2,5°C dans la région 3.4, un niveau extrême auquel on peut maintenant donner un certain crédit. Il était un peu prématuré de prévoir un gros El Niño avant l’été mais aujourd’hui le degré de confiance est beaucoup plus important. Toute la question est de savoir quelle sera l’ampleur du phénomène.
3 Les prévisions de températures sont-elles réalistes ?
De prime abord, on serait tenté de répondre « non ». Une anomalie de +1,2°C en janvier 2016 semble délirante quand on sait que le précédent record est de +0,96°C en 2007. J’aurais tendance à dire que des anomalies aux alentours de +1°C seraient déjà exceptionnelles.
On peut se tourner vers les observations pour se faire une idée de ce qu’un gros El Niño est capable de faire en matière d’élévation des températures. Si l’on regarde ce qui c’est passé en 1998, on constate que sur la période décembre-janvier-février, la moyenne s’est élevée de 0,33°C par rapport à l’année précédente. Entre décembre 2014 et février 2015, l’anomalie a été de +0,82°C. Si l’on ajoute 0,33°C, on obtient +1,15°C, un niveau relativement proche de celui que j’ai calculé avec l’analyse des couleurs. Mais la situation est un peu différente : on part de plus haut qu’en 1997 dans le Pacifique et les prévisions sont encore incertaines.
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