Cela fait maintenant 4 ans que la Californie est en état de sécheresse. D’après une étude publiée dans Nature Climate Change, le manteau neigeux des montagnes de la Sierra Nevada a atteint son plus bas niveau depuis 500 ans au moins.
La succession d’hivers sans pluie et d’étés trop chauds a considérablement réduit les réserves d’eau de la Californie. La neige stockée dans les montagnes de la Sierra Nevada assure normalement un tiers de l’approvisionnement en eau de l’Etat américain. Mais en raison de la sécheresse, il n’y a quasiment plus de neige dans ces montagnes. Le déficit en couverture neigeuse a atteint un niveau record en 2015 : seulement 5% de la moyenne. Un niveau exceptionnellement bas, sachant que le précédent record était de 25%. A Philips, la neige a même totalement disparu, un phénomène qui ne s’était jamais produit depuis 1941, date des premières mesures.
Le manque de réserve hivernale de neige peut impacter les nappes phréatiques, les rivières et les lacs. Jerry Brown, le gouverneur de l’Etat Californie, a ainsi dû annoncer pour la première fois des restrictions d’eau.
Une étude publiée le 14 septembre 2015 dans Nature Climate Change, « Multi-century evaluation of Sierra Nevada snowpack », nous permet d’apprécier à quel point le déficit en eau est exceptionnel. Les auteurs de l’article présentent dans la revue une reconstitution des variations de la quantité d’eau disponible dans les réserves de neige sur les 500 dernières années. Des études avaient déjà montré des reconstitutions historiques de la sécheresse mais c’est la première fois que le manteau neigeux fait l’objet d’une telle analyse.
Pour mener à bien leur projet, l’équipe emmenée par des scientifiques de l’Université d’Arizona s’est basée sur les cernes de chênes reflétant les anomalies de précipitations et celles d’arbres permettant de déduire les températures de février à mars en Californie. Compilées, ces données expliquent 63% de la variation de l’eau disponible dans le manteau neigeux lors de la période de contrôle entre 1930 et 2015 (c’est à dire la période où des relevés instrumentaux sont disponibles). Ces 63% sont jugés suffisants pour se permettre de reconstituer à partir des cernes d’arbres la couverture neigeuse depuis un demi millénaire.
Le niveau constaté en hiver dernier est le plus bas jamais enregistré depuis 500 ans, selon l’étude. En raison de la marge d’erreur, il est cependant possible que de tels niveaux aient déjà été enregistrés, même si la probabilité est faible. Les auteurs de l’article estiment en effet que ce type d’événement n’est pas susceptible de se reproduire avant 3000 ans. Le réchauffement climatique risque cependant d’augmenter le risque de sécheresse et la fonte précoce de neige de montagne.
Fin 2014, des chercheurs avaient montré dans Geophysical Research Letters que la sécheresse actuelle en Californie était due à la combinaison de deux facteurs : le déficit pluviométrique et des températures élevées. Daniel Griffin, de l’Université de Minnesota, et Kevin J. Anchukaitis, de la Woods Hole Oceanographic Institution, avaient utilisé des reconstructions paléoclimatiques pour le centre et le sud de la Californie afin de replacer cet événement dans le cadre du dernier millénaire. Ils avaient constaté que des périodes de précipitations déficitaires de 3 ans s’étaient déjà produites à plusieurs reprises dans l’histoire. Mais jamais, sur les 1200 dernières années, la sécheresse n’avait atteint un tel niveau et cela en raison du manque de pluie et surtout des températures élevées.
C’est qu’il fait très chaud en Californie depuis 2 ans. L’année 2014 avait déjà été la plus chaude depuis le début des relevés météo mais la période janvier-mars 2015 a été marqué par une anomalie positive encore plus importante, selon l’agence américaine NOAA. Il a fait en moyenne 11,7°C sur les trois premiers mois de 2015 en Californie. Le précédent record avait été établi en 2014 avec 10,7°C sur janvier-mars.
La circulation atmosphérique n’a pas été favorable aux précipitations ces dernières années en Californie. Un système de haute pression s’est installé durablement au nord-ouest des Etats-Unis, détournant toutes les tempêtes bien au-dessus de la Californie, tandis que l’est américain subissait par contrecoup une descente d’air froid et des températures polaires.
Dans une étude parue en septembre 2014 dans le Bulletin of the American Meteorological Society, deux chercheurs de l’université de Stanford, Noah Diffenbaugh et Daniel Swain, affirmaient que la persistance et l’intensité du système de haute pression étaient inégalées depuis 1947, date des premières données disponibles sur la circulation atmosphérique. Ils avaient mené des simulations climatiques pour déterminer comment pouvait évoluer le climat avec et sans accroissement de la quantité de gaz à effet de serre. D’après les deux scientifiques, les systèmes de haute pression comme celui des dernières années ont trois fois plus de chances de se produire sous le climat actuel que sous celui d’avant la révolution industrielle.
Avec la formation du phénomène El Niño, les Californiens espèrent que la modification de la circulation atmosphérique favorisera enfin des précipitations sur leur Etat. D’autant que le phénomène pourrait être l’un des plus forts jamais observés. Mais cela pourrait ne pas suffire pour mettre un terme à la sécheresse, selon Daniel Swain, de l’Université de Stanford : il faudra probablement plus d’un hiver pluvieux pour rétablir la situation.
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