Les engagements pris par les gouvernements avant la conférence mondiale sur le climat de décembre ne seront pas suffisants pour limiter le réchauffement de la planète à 2°C, a reconnu l’ONU. Les émissions continueront à augmenter au moins jusqu’en 2030, une trajectoire qui pourrait mener à +3°C en 2100.
Dans un communiqué de presse publié le 30 octobre 2015, l’ONU annonce que les plans présentés par 146 pays dans le cadre de la COP21 prévue à Paris permettraient de réduire les émissions de gaz à effet de serre par habitant de 8% en 2025 et de 9% en 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Selon Christiana Figueres, la responsable de l’ONU pour le climat, les promesses évaluées par l’Agence internationale de l’énergie et le Climate Action Tracker se traduiraient par une augmentation de 2,7°C, contre 4 à 5°C si rien n’est fait pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Les scientifiques estiment qu’une hausse de plus de 2°C de la température pourrait avoir des répercussions profondes et irréversibles sur le climat : inondations de nombreuses villes côtières et de pays insulaires ; sécheresses et canicules avec de graves conséquences pour l’agriculture et l’eau potable dans certains Etats.
L’ONU vient de faire le point sur les engagements soumis le 1er octobre par les pays industrialisés et les trois quarts des pays en développement, qui sont responsables de 86% émissions de gaz à effet de serre (dix nouveaux plans ont été soumis depuis lors). Dans le cadre de la préparation de la COP21, chaque pays doit rendre publique une contribution qui présente les décisions prises à l’horizon 2025-2030. Ces contributions sont appelées « INDC » pour Intented Nationally Determined Contributions.
Parmi les pays les plus attendus, il y a évidemment la Chine, qui s’est engagée à réduire ses émissions… mais seulement à partir de 2030. Les Etats-Unis ont promis de réduire leurs émissions de 26 à 28% en 2025 par rapport à 2005. L’Union Européenne va encore plus loin, prévoyant une baisse de 40% d’ici 2030. Autre acteur majeur, l’Inde, qui s’engage à réduire son « intensité carbone » (c’est à dire les émissions de CO2 relatives au PIB) de 33 à 35% en 2030 par rapport à 2005. Les pays sont soumis à des problématiques de développement très différentes et l’on ne peut évidemment pas attendre de tous les Etats une réduction de même ordre. L’Inde, par exemple, devrait voir passer sa population de 1,2 à 1,5 milliards en 2030. Et 30% des Indiens sont actuellement sous le seuil de pauvreté.
Dans son communiqué de presse, l’ONU met en avant la baisse des émissions par habitant mais dans une analyse plus détaillée, l’organisation livre des chiffres plus inquiétants : les promesses des Etats dans le cadre de cette COP21 devraient conduire à des émissions globales de 55 Mt équivalent CO2 en 2025 et de 56,7 Mt CO2 en 2030. Les émissions cumulées de CO2 atteindraient ainsi 541.7 (523.6– 555.8) Mt CO2 en 2025 et 748.2 (722.8– 771.7) Mt CO2 en 2030. Cela représenterait une augmentation de 34 à 46% en 2025 par rapport à 1990.
Parmi les quatre grands scénarios retenus par le GIEC pour tenter de prévoir l’évolution des températures à long terme, l’un d’eux, le RCP 6.0 (qui correspond à un forçage radiatif de 6 watts par m2) prévoit un réchauffement compris entre 2 et 3,7°C à la fin du 21è siècle par rapport à la période 1850-1900. Le RCP 4.5 prévoit quand à lui entre 1,7°C et 3,2°C en 2100. Comme on peut le voir ci-dessous, les émissions liées aux engagements des Etats dans le cadre de la COP21 permettraient d’éviter le pire des scénarios (le RCP8.5) mais l’incertitude demeure quand à une évolution de type RCP6.0 ou RCP4.5. Ce flou est surtout dû à la divergence des scénarios à partir de 2040.

Scénarios d’émissions de gaz à effet de serre d’ici 2100 superposés à la projection liée aux promesses des Etats dans le cadre de la COP21 (pointillés rouges). Sources : GIEC, ONU.
Les modèles basés sur les scénarios d’émissions RCP ont été accusés de surestimer le réchauffement climatique ces dernières années. Mais depuis 2014, modèles et observations sont à niveau similaire. Voici une comparaison entre le modèle RCP 6.0 et les observations de la NASA, auxquelles ont été ajoutées les prévisions du modèle NCEP CFSv2 pour la fin de l’année (prévision très incertaine qui n’est pas chiffrée par la NOAA elle-même mais que j’ai tenté de traduire sur global-climat.com) :

Comparaison entre la projection centrale des modèles RCP 6.0 et les observations de la NASA (+traduction NCEP par global-climat pour les 4 derniers mois de 2015) entre 1900 et 2015 (écart à la moyenne 1880-1900)
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D’après les recherches en paléoclimatologie, il semble que l’effet de serre actuel (en tout cas la concentration atmosphérique en CO2) est inédit depuis au moins 3 millions d’années. J’ignore si c’est aussi le cas pour le méthane ou d’autre GAS, mais je sais qu’à cette époque (Pliocène), le monde était plus chaud de près de 3°C. Il n’y avait pas de glaciers dans l’hémisphère nord, et le niveau des océans était plus élevé de 25 mètres qu’aujourd’hui.
Ça ne répond pas à la question de la rapidité à laquelle ces changements auront lieu, mais cela souligne l’urgence de la situation. Déjà, limiter l’objectif à +2°C alors qu’on sait qu’un tel réchauffement est suffisant pour faire fondre le groenland à terme, c’est jouer avec le feu. Mais si on admet que +2°C est la limite, alors il faut en avoir une traduction honnête en terme d’effet de serre. Et là, effectivement, on en est loin.
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Effectivement, limiter le réchauffement à 2°C semble un objectif difficile à atteindre avec les engagements actuels des Etats, si l’on en croit les prévisions des modèles. Les promesses des Etats dans le cadre de la COP21 sont limitées à l’horizon 2030. L’après 2030 sera déterminante pour savoir si le réchauffement atteint 3°C, 4°C ou plus.
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