Une étude du Met Office apporte un nouvel éclairage sur la contribution des aérosols volcaniques et anthropiques au ralentissement du réchauffement climatique au début du 21è siècle.
Il y a déjà eu beaucoup d’explications sur les causes du ralentissement ou pause du réchauffement observé à la surface de la Terre au début de ce siècle. Entre 1998 et 2012, la hausse des températures a été moins importante que ne le prévoyaient les modèles (rappelons quand même que ce hiatus n’a pas empêché la période d’être la plus chaude des archives).
Une nouvelle étude du Met Office publiée dans la revue Nature Climate Change, suggère que le ralentissement pourrait avoir été causé principalement par les variations régionales dans la libération d’aérosols liés aux activités humaines, en particulier en provenance de Chine. Il ne s’agit pas d’un article de plus sur les causes du ralentissement : les auteurs pensent avoir découvert un mécanisme par lequel les aérosols modifieraient la circulation atmosphérique elle-même.
Les aérosols atmosphériques sont des particules microscopiques en suspension dans l’air, qui ont une action refroidissante sur la troposphère, en réfléchissant la lumière du soleil vers l’espace et en modifiant les propriétés des nuages. Ces aérosols peuvent avoir une origine volcanique, comme lors de la dernière grosse éruption, celle du Pinatubo, en 1991. Le refroidissement provoqué par l’éruption a été suivi d’une phase de rebond avec une élévation rapide des températures. Il y a aussi les aérosols liés aux activités humaines, dont les sources d’émission dépendent des régions plus ou moins industrialisées et peuplées.
Actuellement, le Pacifique est le principal suspect pour expliquer les variations décennales de températures. Des études antérieures ont établi un lien entre le ralentissement du rythme du réchauffement à la surface de la Terre et la phase négative de l’Oscillation décennale du Pacifique (PDO). La PDO négative est un phénomène lié à la fois à ENSO ( El Niño Southern Oscillation) et à l’évolution de la dépression des Aléoutiennes (système quasi-permanent de basses pressions dans le golfe d’Alaska).
Les caractéristiques d’une PDO négative font penser à une phase La Niña de longue durée. Inversement, lors d’une PDO positive, la carte des anomalies de températures à la surface de la mer est semblable à ce que l’on observe pendant un phénomène El Niño. Ces oscillations du Pacifique peuvent durer des dizaines d’années (avec parfois des revirements ponctuels).

Indice PDO : valeur annuelle en rouge ; moyenne sur 5 ans en bleu ; valeurs mensuelles en gris. Source : JMA.
Comme le rappellent les scientifiques du Met Office, cette PDO est bien le facteur le plus crédible pour expliquer les variations climatiques, en plus des émissions anthropiques de gaz à effet de serre. La théorie dominante pour expliquer l’évolution des températures depuis une centaine d’années est donc une tendance de fond au réchauffement sous l’impulsion constante du CO2 et du méthane, modulée par des variations naturelles à la surface du Pacifique (El Niño, la PDO) et une contribution moindre des aérosols (refroidissement) et de l’activité solaire.
Les causes de la phase négative de l’Oscillation décennale du Pacifique ne sont pas clairement établies, même si une récente étude a apporté des éléments convaincants permettant de mieux comprendre son fonctionnement.
Les aérosols pourraient avoir un rôle de premier ordre dans le déclenchement de ces oscillations. C’est à ce mystère que s’attaque la nouvelle étude publiée dans la revue Nature Climate Change. La répartition régionale des aérosols artificiels aurait entraîné des changements dans les vents sur l’océan Pacifique qui ont influencé la phase négative de l’Oscillation décennale du Pacifique, et donc le ralentissement observé dans le taux de réchauffement.
La clé de l’étude est l’impact régional des aérosols. La circulation atmosphérique peut être modifiée lorsque des régions du globe se réchauffent tandis que d’autres se refroidissent. Pendant la pause des années 2000, les émissions d’aérosols ont fortement augmenté en Chine alors qu’au même moment des réductions avaient lieu en Europe et aux Etats-Unis. La conséquence a été la modification de la dépression des Aléoutiennes, un élément déterminant de la PDO.
Les chercheurs notent que les modèles CMIP5 simulent une forte PDO négative en réponse à cette évolution régionale des émissions d’aérosols anthropiques, en accord avec les observations.
Pourquoi ? Parce qu’un réchauffement de l’Europe et des Etats-Unis implique un réchauffement plus important de l’Atlantique nord par rapport au Pacifique, modifiant la circulation atmosphérique via la différence de pression entre les deux régions. En même temps, le refroidissement chinois dû aux aérosols a lui aussi précédé l’affaiblissement de la dépression des Aléoutiennes.
Ces résultats suggèrent que le ralentissement du réchauffement aurait pu être prédit à l’avance, et que la réduction future des émissions d’aérosols anthropiques, en particulier de la Chine, pourrait favoriser cette fois une PDO positive et une augmentation du rythme du réchauffement.
Des chercheurs du NCAR de Boulder viennent de montrer dans une étude parue il y a quelques semaines comment les oscillations du Pacifique rythmaient le réchauffement climatique sur le long terme. La dernière phase marquée par un refroidissement du Pacifique est terminée, selon les auteurs de cet article. Le rythme du réchauffement devrait donc accélérer d’ici 2022, concluent-ils. Si une réduction des émissions d’aérosols se produit en Chine, cette prédiction pourrait donc encore gagner en crédibilité.
La prévision du NCAR pour 2015-2019 montre une phase d’élévation des températures au-dessus des normales dans l’est du Pacifique, s’étendant vers le nord-est. Une situation donc à l’opposée de celle observée dans les années 1998-2012. Sur la période 2013-2022, les scientifiques prévoient un réchauffement moyen de +0,22°C par décennie, trois fois plus que le rythme de +0,08°C observé entre 2001-2014.
Citation : « Role of volcanic and anthropogenic aerosols in the recent global surface warming slowdown » – Nature Climate Change – Doug M. Smith, Ben B. B. Booth, Nick J. Dunstone, Rosie Eade, Leon Hermanson, Gareth S. Jones.
Catégories :Climat
Bonjour Johan,
Je n’ai pas très bien compris les tenant et aboutissant de cette nouvelle étude à accès restreint, mais est-il possible que le forçage dû aux aérosols puissent être révisé et de permettre un plus grand rapprochement entre modèles (tempérer d’éventuelles envolées de températures ?) et les observations ?
http://science.sciencemag.org/content/early/2019/01/16/science.aav0566
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Bonjour Ghtuz,
J’ai vu ça aussi ce matin et ça m’a intéressé car les implications seraient importabtes. Du coup, je vais essayer d’en savoir un peu plus.
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Ok, car je n’avais pas vu non plus des choses très « probantes » sur nos émissions d’aérosols (surtout en asie de l’est, les émisions naturelles étant plutôt à la baisse avec l’artificialisation des sols et la déforestation) qui aurait pu faire une belle corrélation vec les années 2000 comme les 2 décennies qui ont suivie la seconde guerre mondiale.
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Ce que j’ai vu, sommairement, c’est que les aérosols ont un rôle refroidissant plus important que prévu dans les cumulus. Ce qui montrerait que le potentiel du CO2 est aussi plus important. Je me demande en revanche ce que cela implique pour les cumulus sans aérosols. A voir.
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C’est ce que je me suis autorisé à penser 🙂 d’autant plus que nos émissions et autres activités ont tendance à brouiller les pistes, la localisation et le timing de la source aurait aussi des effets bien différents.
Les implications toucheront aussi immanquablement la géo-ingénierie.
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