Climat

Le Met Office améliore considérablement ses prévisions hivernales

Le Met Office annonce être maintenant capable de prévoir la météo hivernale un an à l’avance. Dans un nouvel article publié dans Nature Geoscience, les scientifiques font état de progrès importants dans leur capacité à prédire l’Oscillation Nord-Atlantique (NAO), la principale source de variabilité hivernale en Europe et en Amérique du Nord.

Améliorer la prévision de l’Oscillation Nord-Atlantique permettrait de mieux anticiper les hivers dans l’hémisphère nord. C’est ce que pensent pouvoir faire des chercheurs du Met Office grâce à leur nouveau super-ordinateur opérationnel depuis 2015. Les hivers en Europe et en Amérique du Nord affichent une forte variabilité et étaient jusqu’à présent réputés trop imprévisibles pour faire l’objet de prévisions.

Les scientifiques du Met Office montrent cependant dans une nouvelle étude que la prédictibilité de l’Oscillation de Nord-Atlantique (NAO), peut être améliorée et étendue à un an à l’avance grâce à leur système de prédiction climatique. L’analyse statistique montre en outre que la variabilité du Pacifique tropical et la force du Vortex polaire stratosphérique (lié à l’activité solaire) sont les deux éléments les plus importants pour faire de bonnes prévisions.

La NAO est définie comme le différentiel de pression entre la dépression d’Islande et l’Anticyclone des Açores.  Elle a deux modes : positif et négatif, dont les effets sur le climat en Europe sont opposés. L’indice est dit positif quand la différence de pression est importante entre les deux secteurs, impliquant une circulation des vents plus zonale (d’ouest en est). Mais avec un indice négatif, la pression associée à l’anticyclone des Açores est plus faible qu’à l’accoutumée, et le différentiel moins important avec la dépression d’Islande. Si l’indice est très négatif, les hivers sont donc particulièrement froids sur l’Europe du Nord.

Source : Lamont Doherty Earth Observatory.

Source : Lamont Doherty Earth Observatory.

Les scientifiques ont pu tester leur système en remontant jusqu’aux années 1980, période à partir de laquelle les satellites nous donnent des données fiables. Ils se sont ainsi livrés à des prévisions rétrospectives, appelées « hindcast » en anglais.

Pour chaque mois de novembre depuis 1980, le Met Office a ainsi testé ses prévisions pour l’hiver suivant et celui de l’année d’après. La prévision pour le premier hiver s’est avérée exacte avec une efficacité de 62%. Pour l’hiver suivant (13 mois plus tard), la prédiction a été confirmée à hauteur de 42%. Les scientifiques ont pu prédire avec plus d’efficacité les hivers de la période 1981-1997 (atteignant 73% pour le premier hiver) que ceux de 1998-2015. Il s’agit d’un premier pas, précisent les auteurs de l’article, qui espèrent encore améliorer leur capacité à prévoir l’Oscillation Nord-Atlantique.

Autre élément intéressant de l’article, les facteurs identifiés comme affectant la variabilité de la NAO. L’étude recense quatre principales causes : le Pacifique tropical avec El Niño, les températures de surface de la mer dans l’Atlantique, la couverture de la glace dans la mer de Kara, la force du vortex polaire stratosphérique.

Le premier hiver prédit après le mois novembre est sensible à la température de surface de la mer dans l’Atlantique et à la couverture de glace dans la mer de Kara. Pour les prédictions qui s’étendent à l’hiver suivant, c’est le Pacifique tropical (ou El Niño) et la force du vortex polaire stratosphérique (liée à l’irradiation solaire) qui permettent d’obtenir les meilleurs prévisions.

Ces dernières années, on a vu deux thèses principales s’affrontent pour expliquer les vagues de froid dans l’hémisphère nord. L’une d’elles pointe le rôle majeur des Tropiques avec El Niño et l’Oscillation australe (ENSO). L’autre attribue les phénomènes extrêmes aux modifications en cours dans les régions arctiques.

Parmi les thèses les plus convaincantes, on peut citer celle de Judah Cohen, qui penche du côté d’une origine arctique des hivers extrêmes. Pour ce scientifique de l’Atmospheric and Environmental Research, les tendances météo sont étonnamment corrélés à la variabilité de l’Arctique, davantage qu’à la variabilité d’ENSO (El Niño et La Niña). Judah Cohen concède que les Tropiques ont aussi une grande influence, surtout sur les vents du Pacifique Nord. Mais pour lui, l’Arctique pèse davantage dans l’Atlantique nord. Judah Cohen a notamment observé un lien entre la couverture neigeuse en Sibérie et un autre phénomène majeur, l’Oscillation Arctique (l’indice de l’oscillation arctique mesure le différentiel de pression entre les moyennes latitudes et l’Arctique).

Une autre hypothèse crédibles paraît être celle de Jennifer Francis, de l’université Rutgers : le réchauffement important de l’Arctique et la réduction du gradient de température avec les régions plus au sud favoriserait une ondulation prononcée du jet stream, le courant d’air qui sépare les masses d’air polaires des masses d’air tempérées. Conséquence : des vagues de froid plus prononcées quand le jet stream descend très au sud.

Source : NASA

Source : NASA

Un article publié dans Nature Climate Change par James Screen et Jennifer Francis a montré en mai dernier que le réchauffement de l’Arctique accélérait lors de certaines oscillations du Pacifique.  L’impact de la glace de mer sur les températures hivernales serait en effet plus important lorsque  l’oscillation décennale du Pacifique est dans sa phase négative. La découverte du rôle d’accélérateur joué par l’oscillation décennale du Pacifique sur la fonte des glaces du nord permet de réconcilier les deux thèses, tropicale et Arctique.

Pour en revenir à la nouvelle étude du Met Office, on notera qu’elle distingue le rôle de ces différents facteurs en fonction de leur caractère prédictif : ils n’ont pas le même poids, selon que l’on cherche à anticiper le premier hiver ou le deuxième (13 mois après novembre). Le taux de réussite dans la prédiction, 62% pour le premier, et 42% pour le deuxième, laisse quand même le débat largement ouvert.

Concernant l’hiver à venir, voici la prévision du Met Office (qui n’est pas dans l’article publié mais sur le site Internet) : la probabilité pour que la température sur novembre-décembre-janvier soit au-dessus de la moyenne est de 60 à 80% en Europe.

Probabilité de températures au-dessus de la moyenne sur novembre-décembre-janvier (prévision datant d'octobre 2016). Source : Met Office

Probabilité de températures au-dessus de la moyenne sur novembre-décembre-janvier (prévision datant d’octobre 2016). Source : Met Office

6 réponses »

    • Effectivement, c’est une donnée qui mérite d’être précisée… Désolé, l’article ne faisait pas mention de cette prévision hivernale. En revanche, un compte-rendu du Met Office disait ceci : « current signals suggest that the start to winter is likely to be cooler and drier than in 2015 ». Traduction,le Met Office prévoit un début d’hiver plus froid et plus sec qu’en 2015. L’hiver 2015 a été plutôt chaud.
      Pour nov-dec-jan, les cartes de prévision du Met Office annoncent des températures au-dessus de la moyenne avec une probabilité de 60 à 80%. J’ai actualisé l’article avec la carte du Met Office à voir ci-dessus.

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        • Les deux prévisions ne sont pas contradictoires, je pense, puisque l’étude fait référence au début de l’hiver seulement. Les cartes du Met Office prévoient une anomalie chaude sur nov-dec-janv mais encore un peu plus sur dec-jan-fev. Cela semble annoncer que le début de l’hiver ne sera pas particulièrement chaud mais la seconde partie davantage. Par ailleurs, le modèle NCEP CFSV2 de la NOAA annonce que décembre sera plutôt neutre en Europe de l’ouest, janvier chaud, février très chaud, mars chaud.

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