Climat

Le seuil des 2°C franchi dès 2023 dans le nord-est des Etats-Unis

Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’Université du Massachusetts suggère que les températures dans le nord-est des États-Unis augmenteront beaucoup plus rapidement que la moyenne mondiale. La limite de 2°C adoptée à la faveur du récent Accord de Paris sur le changement climatique sera atteinte 20 ans plus tôt dans cette région des États-Unis.

Lors de la COP 21 à Paris, les Etats se sont engagés à limiter le réchauffement climatique à 2°C par rapport à l’ère préindustrielle. Un seuil inférieur de 1,5°C a été proposé par les petits pays insulaires particulièrement menacés par l’élévation du niveau de la mer.

Il faut rappeler qu’aujourd’hui, la température globale a déjà augmenté d’environ 1°C par rapport à l’ère préindustrielle. Si l’on en croit les modèles, le seuil de +1,5°C sera atteint aux alentours de 2030. La planète franchirait ensuite le seuil des +2°C vers 2040 avec un scénario tablant sur de fortes émissions de CO2 (RCP 8.5) ou en 2050 avec un scénario modéré d’émissions (RCP 4.5). Les 3°C seraient pour 2060 avec RCP8.5, ou pour 2100 avec RCP4.5.

On peut le voir sur le graphique ci-dessous la température globale en pointillés (bleu pour RCP 4.5 et rouge pour RCP 8.5) et la température aux USA (notés CONUS pour Contiguous United States, soit les USA sans l’Alaska et l’outre-mer) en lignes continues :

Anomalies de températures annuelles pour les USA et le globe (basées sur 32 modèles du CMIP5). Source : Karmalkar, Bradley (2017).

Anomalies de températures annuelles pour les USA et le globe (basées sur 32 modèles du CMIP5). Source : Karmalkar et Bradley, 2017.

Une nouvelle étude basée sur les simulations des modèles climatiques du projet CMIP5 nous montre que localement, les seuils de 1,5°C et même de 2°C pourraient être franchis très prochainement. Concernant les États-Unis, c’est dans le nord-est que le réchauffement sera le plus rapide.

Les prévisions de précipitations régionales demeurent incertaines mais l’Est des États-Unis devrait aussi connaître des hivers plus humides, tandis que les Grandes Plaines et le Nord-Ouest connaîtront des étés plus secs.

Les perspectives climatiques pour les États-Unis ont déjà été comparées à la moyenne globale dans une étude parue en 2011. Les chercheurs annonçaient alors un réchauffement plus important aux États-Unis qu’au niveau global, les seuils proposés lors de la COP 21 étant dépassés avec une dizaine d’années d’avance. Mais il s’agissait d’une étude portant sur les États-Unis dans leur ensemble.

On apprend aujourd’hui que cela sera encore plus rapide au niveau local. Une nouvelle étude publiée dans la revue Plos One montre que le Nord-Est des Etats-Unis atteindra les 2°C dès 2023 avec le scénario RCP8.5 ou en 2026 avec RCP4.5. Le sort de cette région semble donc scellé, quel que soit le scénario d’émission de gaz à effet de serre, affirment les auteurs de l’étude, Raymond Bradley et Ambarish Karmalkar (Climate Science Center, Université du Massachusetts).

Concernant les États-Unis dans leur ensemble, le franchissement des 2°C ne se produirait que de 1 à 6 ans après avec RCP4.5 par rapport à RCP8.5. Un graphique intéressant a été publié sous Creative Commons par les auteurs de l’étude. On peut y voir le « timing du réchauffement de 2°C » pour le globe, les USA et huit grandes régions des CONUS. Parmi les huit régions des Etats-Unis passées au crible, c’est le Nord-Est qui est censé se réchauffer le plus avec +3°C au milieu du siècle, au moment où le monde franchira les +2°C. Un exemple : pour 50% des projections RCP 8.5, le nord-est atteindra les 2°C en 2023 :

Comparaison du timing de franchissement du seuil des 2°C pour le globe, les USA et les grandes régions américaines selon les projections des modèles (64 projections, dont 32 RCP4.5 + 32 RCP8.5). Source : Karmalkar & Bradley, 2017.

Comparaison du timing de franchissement du seuil des 2°C pour le globe, les USA et les grandes régions américaines selon les projections des modèles (64 projections, dont 32 RCP4.5 + 32 RCP8.5). Source : Karmalkar & Bradley, 2017.

Notons que pour minimiser l’impact de la variabilité naturelle, les chercheurs ont établi des moyennes sur 5 ans. Car si on veut établir qu’un seul à été franchi, il faut éliminer la variabilité interannuelle assez importante au niveau régional.

Pour un résultat plus robuste, les scientifiques ont en outre retenu la dernière année pour déterminer le moment où avait lieu le franchissement du seuil. 32 modèles du projet CMIP5 (le dernier en date utilisé par le GIEC)  ont été testés avec deux scénarios d’émissions, soit 64 projections au total.

6 réponses »

  1. J’ai une question. Je ne comprends pas bien en quoi l’évolution moyenne des température locale, par exemple à l’échelle d’un pays, est pertinente car ces évolutions locales de température peuvent être compensée. Peut-on donc utiliser cette étude comme un « vrai » indicateur de réchauffement global ou alors la seule conclusion que l’on peut en tirer est que cela présage des conséquences climatiques pour le pays (augmentations des tornades par exemple) ?

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    • Vous posez une bonne question ! L’étude ne dit pas que ce réchauffement local est un indicateur du réchauffement global. C’est peut-être ce que pouvait laisser entendre l’article.
      En fait, les auteurs expliquent qu’ils ont voulu permettre d’améliorer la planification au niveau local en précisant l’évolution des températures et des précipitations.
      Ils ont retenu ce seuil de deux degrés à mon avis parce qu’ils ont voulu lui donner une application plus concrète.
      En outre, ils ont aussi évalué l’évolution locale des précipitations qui accompagnera l’élévation des températures. En l’occurrence, les précipitations seront en hausse.
      L’étude n’aborde pas la question des tornades.

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      • Effectivement, j’ai été un peu induit en erreur par le rappel des 2°C de la COP21. J’ai pris un exemple de conséquence au hasard, je parcours maintenant l’article et je vois qu’effectivement ce sont des précipitations dont il est question pour les conséquences. Pour être honnête, je n’ai pas lu l’article sur PLOS One (Je suis docteur, mais pas en climatologie). Merci pour cet article et pour votre réponse rapide !

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  2. Bonsoir,

    Capté deux informations très intéressantes dans les brèves de l’émission scientifique de France Culture de ce jour (à partir de 7mn 37s environ): en gros, réévaluation à la hausse de l’élévation du niveau des mers d’ici la fin du siècle. Une donnée que j’estime essentielle, au moins autant que celle du niveau global des températures. Pouvez-vous, Johan, envisager un point à partir des deux études évoquées ici? D’avance merci, et merci aussi pour l’excellent travail d’information « à la portée de tous » (ou presque) que vous assurez.

    https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/asteroide-impact-imminent

    Petit rappel par rapport à votre dernier papier: une étude reprise par l’Office fédéral suisse de l’environnement voici quelques années montrait que la région de Sion, dans le canton de Vaud, était depuis plusieurs décennies déjà sur une trajectoire à +4 à +5°C d’ici la fin du siècle. L’ensemble des glacier alpins, sans exception, sont condamnés. Et l’on s’acharne encore à faire, à grand renfort d’eau, de la « neige de culture » pour quelques citadins en mal de glisse… Pathétique.

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    • Bonsoir Michel,
      J’ai vu passer cette information sans vraiment l’examiner, intéressé par d’autres études. Mais vous faites très bien de me le signaler, car j’ai raté quelque chose : l’étude de la NOAA à laquelle France Culture fait référence semble particulièrement étonnante. Bien vu ! J’ai entendu parler de 2,7 mètres d’élévation en 2100. C’est bien plus que ce qui était prévu jusqu’à présent, si l’on excepte les prévisions iconoclastes (mais venant des meilleurs scientifiques du climat) d’une étude récemment dirigée par James Hansen. Je vais regarder ça de plus près. Merci pour votre commentaire.

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