Quel seuil de réchauffement provoquera une fonte totale des glaces de l’Arctique au cours du XXI siècle ? D’après une étude publiée dans Nature Climate Change, la banquise disparaîtrait très probablement avec 3°C au-dessus de la température préindustrielle. Une hausse de 2°C aurait 40% de chances d’anéantir la couverture de glace estivale. Une limitation à +1,5°C permettrait en revanche de conserver un minimum de banquise l’été.
Si le réchauffement climatique se limite à 1,5°C au-dessus du niveau préindustriel, il n’y a quasiment aucune chance pour assister d’ici la fin du siècle à une disparition totale de la banquise arctique l’été. La chance pour qu’une telle élévation des températures dégage l’océan arctique de toute glace estivale n’est que de 1 sur 100 000, selon un article pour la revue Nature Climate Change.
En revanche, une hausse de 2°C, l’objectif défini lors de la COP21 à Paris, n’offrirait aucune garantie. La probabilité s’élèverait en effet à 39%, d’après les auteurs de l’étude, James Screen et Daniel Williamson (université d’Exeter). Et même si l’Océan Arctique n’est pas totalement dégagé, il ne restera plus beaucoup de glace.
Pour établir les prévisions les plus fiables, les chercheurs ont comparé les simulations des modèles climatiques aux changements réellement observés depuis une décennie. Les dernières extensions, comme celle que l’on peut voir ci-dessous ont été utilisées pour sélectionner les modèles qui reproduisaient le plus fidèlement les observations.
La glace de mer atteint un maximum en hiver – de l’ordre de 14 millions de km2. C’est à la fin de l’été qu’elle arrive à son minimum. Sur la période 2007-2016, l’extension minimum en Arctique a été en moyenne de 4,8 millions de km2 (contre 6,70 millions de km2 entre 1979 et 2000). D’après James Screen et David Williamson, les modèles les plus réalistes prévoient une banquise réduite à 2,9 millions de km2 avec un réchauffement de 1,5°C et à 1,2 millions de km2 avec +2°C. On trouvera ci-dessous un rappel des dix plus faibles extensions depuis le début des relevés en 1979 (source : NSIDC).
1 | 2012 | 3.39 | ||
2 | 2016 et 2007 | 4.14 et 4.15 | ||
3 | 2011 | 4.34 | ||
4 | 2015 | 4.43 | ||
5 | 2008 | 4.59 | ||
6 | 2010 | 4.62 | ||
7 | 2014 | 5.03 | ||
8 | 2013 | 5.06 | ||
9 | 2009 | 5.12 | ||
10 | 2005 | 5.32 |
Les auteurs de l’étude précisent que par « Arctique libre de glace », il faut entendre un seuil de 1 million de km2. Même si l’Océan arctique est totalement dégagé, il restera quand même un peu de glace le long de la côte nord du Groenland et de l’île d’Ellesmere, située dans le Nunavut (Canada).
S’il n’y a déjà pas de certitude d’éviter un océan libre de glace avec +2°C, la tendance actuelle mènerait probablement à une disparition totale de la glace de mer au cours du XXI siècle. Les engagements présentés par les Etats lors de la COP21 de Paris nous conduiraient aux alentours de 3°C au-dessus de la température préindustrielle, avec 73% de voir un Arctique sans glace estivale.
Le record d’extension minimum a été établi en 2012 avec 3,41 millions de km2. En 2016, l’Arctique a connu un réchauffement sans précédent. Entre octobre 2015 et septembre 2016, l’anomalie de température à la surface des terres situées au-delà de 60° Nord a été de +2,2° C par rapport à la moyenne 1981-2010, selon le dernier Arctic Report Card. C’est de loin la moyenne la plus élevée depuis le début des mesures en 1900. Par rapport au début du XXe siècle, l’augmentation atteint 3,5°C.

Température à la surface des terres arctiques (au nord de 60°N, en bleu) et température globale à la surface des terres (en rouge) pour la période 1900-2016 par rapport à la moyenne 1981-2010. Source : CRUTEM4.
On peut voir ci-dessous la tendance des derniers mois (en bleu) par rapport à la situation de 2012 (pointillés).
L’amincissement de la glace de mer montre que la situation de l’Arctique est déjà précaire : la glace pluriannuelle ne compte plus que pour 22% du total. Désormais, 78% de la glace n’a pas plus d’une année d’existence, ce qui la rend plus fragile. En comparaison, la glace pluriannuelle représentait 45% de la couverture glaciaire en 1985.
L’âge de la glace est un indicateur important de l’état de la banquise arctique. La glace ancienne tend à être plus épaisse et donc plus résistante aux forçages atmosphériques et océaniques que la glace jeune.
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