Climat

Vers 410 ppm de C02 en 2017

Le Met Office a publié sa prévision de concentration de dioxyde de carbone atmosphérique pour 2017. L’agence britannique suggère que l’augmentation au cours de l’année sera inférieure à celle observée en 2016, qui fut la plus importante augmentation des 50 dernières années. Les niveaux de dioxyde de carbone devraient quand même augmenter davantage que sur la dernière décennie.

En 2016, le Met Office, en collaboration avec la Scripps Institution of Oceanography, avait correctement anticipé la hausse de la concentration de CO2 dans l’atmosphère. Celle-ci avait atteint un niveau record. Scripps mesure le CO2 continuellement depuis 1958 sur le site de Mauna Loa à Hawaï.

La notion de concentration de CO2 est à distinguer des chiffres concernant les émissions de CO2. Les émissions représentent ce qui entre dans l’atmosphère en raison des activités humaines, dont la combustion des ressources fossiles et la production de ciment. La concentration indique ce qui reste dans l’atmosphère au terme des interactions entre l’air, la biosphère et les océans. Environ un quart du total des émissions de CO2 sont absorbées par les océans et un autre quart par la biosphère, tempérant l’impact des activités humaines.

Pour 2017, la prévision est une hausse de la concentration de 2,5 ppm, moins importante que celle de 3,4 ppm en 2016, mais au-dessus de la moyenne des 10 dernières années.

Concentrations de CO2 observées et prévues. La ligne noire représente les observations. La prévision du Met Office apparaît en bleu pour 2016 (Betts et al., 2016). La nouvelle prévision est en orange. Source : Met Office.

On peut voir ci-dessous la variation année par année, avec +5,5 ppm entre 2014 et 2016, contre +3,73 ppm entre 2000 et 2002.

2000 369.55
2001 371.14
2002 373.28
2003 375.80
2004 377.52
2005 379.80
2006 381.90
2007 383.79
2008 385.60
2009 387.43
2010 389.90
2011 391.65
2012 393.85
2013 396.52
2014 398.65
2015 400.83
2016 404.21

Jamais la hausse n’avait été aussi importante qu’en 2016, si l’on en croit les archives de Mauna Loa. Et pour la première fois, les niveaux mensuels ne sont à aucun moment retombés sous les 400 parties par million (ppm) lors de l’année 2016.

La hausse importante observée en 2015-2016 s’explique en grande partie par le phénomène El Niño, marqué par des régions tropicales plus chaudes et parfois plus sèches. L’absorption de CO2 a été moindre, ce qui a laissé davantage de CO2 dans l’atmosphère. Les puits de carbone ont moins joué depuis le réchauffement tropical. Les forêts ont plus mal à absorber le CO2 et de gigantesques feux de forêts ont aggravé la situation.

Même quand les émissions anthropiques n’accélèrent pas, la concentration peut ainsi être dopée par les variations naturelles.

Le pic mensuel devrait donc flirter avec les 410 ppm vers les mois d’avril-mai avant de redescendre à partir de juin, selon une variation cyclique. La période avril-mai se traduit habituellement par un petit bond de la concentration. En mars 2017, elle était de 407 ppm et les 410 ppm pourraient donc être atteints. Rappelons que le seuil dangereux de 2°C correspond à une concentration de 450 ppm.

Concentration mensuelle de CO2 à Mauna Loa entre 1958 et mars 2017. Source : NOAA ESRL.

Pout trouver de telles valeurs, il faut remonter très loin en arrière. Des analyses ont permis de confirmer qu’il y a 3 millions d’années, au Pliocène, le CO2 avait atteint 400 ppm. Soit un peu moins  qu’en ce début de XXIe siècle.  Les niveaux de CO2 sont retombés 200 000 ans plus tard à 280 ppm, un niveau semblable à celui d’avant la révolution industrielle. Aujourd’hui les 400 ppm ont déjà été dépassés mais la Terre est moins chaude qu’au Pliocène, de 2°C environ. Le CO2 lié aux activités humaines n’a pas encore pleinement exercé tous ses effets et des rétroactions sont encore à venir.

D’autres périodes passées confortent le rôle du CO2 dans les variations climatiques. Des chercheurs des universités de Southampton et de Cardiff avaient notamment publié en 2014 un article dans la revue Paleoceanography sur  la période chaude du Miocène (entre 15 et 17 millions d’années avant aujourd’hui). Cet optimum climatique aurait été plus chaud de 2 à 4°C que l’époque préindustrielle. Les scientifiques avaient conclu que les niveaux de CO2 durant l’optimum du Miocène avaient atteint 500 ppm, un niveau que le GIEC prévoit pour la fin du 21è siècle… Dans un hypothèse optimiste (les scénarios du GIEC vont de 430 à plus de 1000 ppm). Au rythme de 2,5 ppm par an, nous serions déjà à plus de 430 ppm d’ici une quinzaine d’années.

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8 réponses »

  1. 500 ppm à la fin du siècle? Ce chiffre correspond peut-être au scénario RCP 4,5 aboutissant à un taux stabilisé de 570 ppm à la fin du siècle. Selon le scénario RCP 6,0 plus proche de la réalité actuelle, on dépasserait les 700 ppm en 2100, voire même les 1000 ppm avec le scénario RCP 8,5! De quoi provoquer une extinction biologique majeure à l’échelle de quelques siècles…

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  2. Bonjour Johan,
    Dans votre article, tout comme dans la littérature scientifique en général, on mentionne régulièrement que le seuil dangereux de +2°C correspond à une concentration de 450 ppm de CO2. Je me demande souvent comment le GIEC a pu établir précisément cette correspondance là. Selon vous, comment cette correspondance a été établi ?

    Sachant qu’en 2016, la température moyenne sur la planète Terre a été de +1.1°C et que cela correspondait qu’à environ 404 ppm de CO2. Alors, ce n’est certainement pas en faisant une simple règle de 3, car on obtiendrait pour +2°C, une concentration de 734 ppm.

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  3. Bonjour à tous. Pour continuer dans la même veine, tu notes que lors du pliocène la terre était plus chaude d’environ 2 degrés par rapport à maintenant avec 400 ppm. Donc comment le GIEC peut-il arriver à un degré supplémentaire avec encore plus de co2 ? Déjà, au vu des relevés des dernières années et des récentes positions des uns et des autres, on peut douter fortement de la limite des 2 degrés, et a fortiori pour 2100.
    Enfin la durée de vie du co2 étant d’un siècle, les effets délétères se feront sentir longtemps après avoir stabilisé la situation. Alors n’en déplaise à notre amateur de kung-fu, je fais partie des gens qui pensent que le GIEC est un optimiste impénitent.

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    • Bonjour Jacques et Rudolf,
      La prévision communément admise est d’environ +3°C pour un doublement de la concentration de CO2 soit environ 560 ppm. La hausse de température est la conséquence du forçage radiatif exprimé en watts par mètre carré qui lui même varie selon la concentration de CO2. Les rétroactions comme l’albédo ont un rôle très important.
      Ces conclusions sont tirées des sources paléoclimatiques (histoire), des observations (actuelles) et des modèles (connaissance du climat). Un quadruplement de la concentration de CO2 pourrait déboucher sur 6 à 7°C de plus. Voici un graphique montrant les hausses de températures attendues pour un doublement et un quadruplement de la concentration de CO2 (source : GIEC).
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  4. J’ai toujours pensé, moi aussi, qu’il y avait une petite contradiction dans ces chiffres. Le taux de C02 atmosphérique au pliocène aurait été de 360 à 400 ppm, avec une température globale de +2 à +3°C par rapport à l’ère préindustrielle. Si on se fie à ces chiffres, et sachant que la Terre du pliocène était géologiquement quasi identique à celle de notre époque, il paraîtrait étrange qu’un doublement à 560 ppm se traduise par un réchauffement global de seulement +3°C. D’un autre côté, si le taux de CO2 peut être reconstitué très précisément à partir des carottes de glace, cette méthode ne fonctionne que pour le dernier million d’année; au delà, il faut s’appuyer sur des indicateurs indirects qui ne montrent pas toujours la même chose, donc c’est difficile de s’appuyer sur des chiffres précis en remontant dans le temps. Le taux de CO2 au miocène était-il de 400 ou 500 ppm? La température était-elle de +3 ou +4°C par rapport à celle d’aujourd’hui? On a une idée générale de la situation, mais il ne faut pas prendre ces valeurs au pied de la lettre. En remontant plus loin dans le temps, au début du tertiaire, l’incertitude est de plusieurs centaines de ppm!

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    • 3°C c’est la prévision centrale. Le dernier rapport du GIEC indique que la sensibilité se situe probablement dans une fourchette entre 1,5°C et 4,5°C. Hansen table sur 3 à 4°C.
      Il faut quand même prendre les archives paléoclimatiques avec précaution même si l’ensemble des données sembler aller dans le même sens. Elles ne sont pas infaillibles et ne suis pas particulièrement frappé par les quelques écarts observés lors des différentes époques mais plutôt par leur convergence sachant que les conditions ont à chaque fois été différentes.
      Le Pliocène, effectivement, est intéressant car la Terre avait sa configuration actuelle sur le plan géologique. Avec 400 ppm, la température aurait été 2°C au-dessus de celle d’aujourd’hui (et donc environ 3°C au-dessus de la période préindustrielle). Avec 550 ppm, on prévoit aujourd’hui 3°C au-dessus de la période préindustrielle. Le Pliocène semble donc indiquer que la sensibilité climatique serait dans la fourchette haute, même si je crois la configuration climatique était un peu différente d’aujourd’hui. Les aérosols compliquent la donne par ailleurs.
      Quand au Micocène, ont était à près de 500 ppm mais la configuration géologique n’était pas tout à fait la même.

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  5. Je ne voudrais déprimer personne, mais d’après l’index 2016 des gaz à effet de serre de la NOAA, on se retrouve avec l’équivalent de 490 ppm de CO2 une fois pris en compte le méthane, le protoxyde d’azote, les halocarbones et quelques machins hexafluorés marginaux avec des prg de 7000…

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