Climat

Pas de hiatus dans les années 2000, selon une analyse statistique

Les années 2014, 2015 et 2016 ont établi de nouveaux records de chaleur à l’échelle mondiale. C’est la première fois depuis le début des mesures qu’une telle séquence est observée trois années de suite. Mais avant cela, les années 2000 ont été marquées par un réchauffement moins rapide. D’après une nouvelle étude, cette période de ralentissement  n’est pas statistiquement significative : elle est entièrement compatible avec la tendance de fond au réchauffement climatique depuis les années 1970.

Y a-t-il eu un ralentissement inattendu et significatif du réchauffement dans la première décennie du XXIe siècle ? Non, d’après une nouvelle étude parue dans la revue Environnemental Research Letters : les variations récentes des tendances à court terme sont bien compatibles avec la tendance observée entre les années 1970 et les années 2000. L’étude se penche sur les « pièges » de l’analyse statistique des températures mondiales.

Deux aspects du hiatus reviennent fréquemment dans les discussions : le rythme du réchauffement climatique a t-il ralenti ? Dans quelle mesure l’évolution des températures est-elle conforme aux projections des modèles ? Il s’agit de deux questions distinctes, d’après les auteurs de l’étude, Stefan Rahmstorf, Grant Foster et Niamh Cahill. L’article se penche en fait sur la première question, c’est-à-dire l’analyse des changements de tendance par rapport aux données d’observation.

Bien que de nombreuses publications scientifiques aient discuté des causes possibles du hiatus ou ralentissement, peu ont fourni une évaluation statistique pour mesurer si le changement de tendance était réellement significatif. Les auteurs de l’étude reconnaissent qu’il y a évidemment de courtes périodes où la tendance au réchauffement est plus ou moins rapide, comportant même de courtes périodes de refroidissement.  La question à laquelle les scientifiques ont voulu répondre est la suivante : est-ce dû uniquement au « bruit » climatique (c’est-à-dire à la variabilité à court terme), où cela signifie-t-il un changement réel de tendance?

Établir une accélération ou une décélération du réchauffement global revient à détecter et à confirmer une modification de tendance. Mais la tendance est distincte du bruit. Le bruit lié à la variabilité naturelle entraînera toujours des changements apparents. Distinguer ceux qui sont authentiques de ceux induits par le bruit est le but des tests de signification statistique.

L’hypothèse nulle (au sens statistique) des scientifiques est que le changement climatique et le bruit associé se sont poursuivis de manière inchangée depuis les années 1970. Pour qu’un hiatus soit significatif, il faudrait donc que les températures observées soient à un niveau improbable au regard de cette tendance passée.

Température globale avec analyse des changements de tendance. Données issues de NASA GIStemp, NOAA, HadCRUT4, Cowtan and Way, et Berkeley Earth.

Les scientifiques ont d’abord dû déterminer la tendance linéaire et l’écart-type de la température globale pendant la période de référence choisie, à savoir 1972-2000. Pour les données de la NASA, le réchauffement annuel moyen a été de 0,0173°C par an entre 1972 et 2000 avec un écart-type de 0,103°C. Le rythme a été de +0.0074 °C entre 2001 et 2014. Ensuite, des simulations statistiques ont généré 10 000 séries chronologiques respectant ce même écart-type.

Pour la période de ralentissement 2001-2014, les scientifiques ont testé combien de séries, parmi les 10 000 réalisations établies à partir de 43 ans de données (1972-2014) montraient un intervalle de 14 ans avec une tendance faible ou inférieure à celle de 2001-2014. Pour la période de ralentissement 2000-2012, les auteurs de l’étude ont aussi testé combien des 10 000 réalisations à partir de 41 ans de données (1972-2012) présentaient au moins un intervalle de 13 ans avec une tendance aussi faible ou inférieure que 2000-2012.

Les résultats montrent que, même pour les données HadCRUT (qui sous-estiment le réchauffement en raison d’une moindre couverture de l’Arctique), les chances d’obtenir une tendance aussi faible que celle observée au cours de la période 2001-2014 sont de 31%, de sorte que ce ralentissement est loin d’être significatif. Pour les données GISTEMP de la NASA, les chances de trouver une période avec une tendance aussi faible que celle observée au cours de la période 2001-2014 sont même de 73%, ce qui en fait une période tout à fait banale. Si l’on utilise l’intervalle de temps 2000-2012 légèrement différent, la probabilité atteint 96% pour GISTEMP.

En conclusion, l’étude estime que le débat sur le hiatus entre 1998 à 2014 n’est pas fondé statistiquement. D’autre part, malgré le niveau exceptionnel atteint en 2016, le réchauffement ne sort pas de ce qui était attendu au regard des observations. Le ralentissement constaté au début des années 2000 et l’accélération depuis 2014 sont bien compris dans la fourchette prévue par une tendance constante, avec un bruit lié à la variabilité naturelle.

L’étude n’écarte par les explications liées à la variabilité naturelle mais estime que ces fluctuations sont à considérer comme un bruit compatible avec la tendance de long terme tirée des observations.

Entre 1997 et 2015, l’océan a absorbé autant de chaleur qu’au cours des 133 années précédentes (1865-1997). Depuis le début de l’ère industrielle, l’océan a absorbé une quantité phénoménale d’énergie  en raison du largage massif de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Environ 93% de l’excès d’énergie lié à cet effet de serre a été emmagasiné par les océans.

obs-vs-mod-1

Prévision centrale des modèles (scénarios RCP 4.5 et RCP 8.5) en jaune ; température mondiale d’après NASA GISS (écart à la moyenne 1951-1980).

L’étude ne porte pas sur l’écart entre  le ralentissement des années 2000 et les modèles. En tout cas, l’année 2016 a été plus chaude que les prévisions centrales des dernières modélisations du GIEC. RCP4.5 tablait sur +0,92°C en 2016 alors que RCP8.5 prévoyait +0,95°C. On ne sort pas de la tendance compatible avec les prévisions des modèles. Les prochaines années permettront sans doute d’en savoir plus sur la pertinence des prévisions climatiques.

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11 réponses »

  1. Dans le même genre, il me semble avoir lu une étude qui disait que la terre n’était pas ronde, mais bel et bien plate.
    Pas la peine de confirmer, c’est évidemment sûr…

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    • Bonjour Mr Ninja.
      Je suis régulièrement les articles publiés ici et également vos commentaires.
      Que vous soyez climato sceptique cela ne pose pas de problème, chacun a le droit d’avoir ses idées. Mais de grâce, pourriez-vous nous épargnez des commentaires de ce genre.
      Si vous en êtes en désaccord avec cet article, étayez vos post avec des explications (scientifique de préférence), des références, etc.
      J’ai l’impression que vous vous croyez sur Facebook avec des niveaux de commentaires frisant les températures terrestres que vous voyez futures….
      Je tiens à remercier Johan Lorck pour tous ces articles et l’assiduité avec lequel vous entretenez ce site.
      Personnellement je suis également les chiffres mensuelles du NOAA et ils viennent tous confirmer un réchauffement qui semble inquiétant. L’avenir nous dira ce qu’il en est mais le principe de précaution est important vu le risque potentiel. Nous n’avons qu’une planète et si elle se « dérègle » nous n’avons pas de plan B…..

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    • Tout dépend de la projection que vous souhaitez utiliser.
      Quand vous projetez de manière plane un volume comme une quasi sphère (la terre), vous avez parfois le choix ou non de respecter les distances, les angles ou les surfaces.
      Dans votre cas, en décidant de projeter le volume de votre crédulité ou de votre incrédutilité ici et probablement ailleurs (rassurez-vous, vous n’êtes pas encore tout seul), vous avez résolu de manière non mahtématique et rapidement plusieurs problèmes en respectant toutes les conditions de distance par rapport au sujet, vos angles de vue et l’étendue de votre ignorance sans aucune données.
      Vous savez, s’il n’y a pas de réchauffement dû aux activités humaines voire pas de réchauffement du tout (si si, il y a encore des sceptiques de la première heures), vous pourrez toujours vous pencher sur les-dites activités et ses impacts sur l’environnement. Vous êtes tellement neutre, que ça en devient urgent de le prouver.

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  2. Je vois qu’il y a du niveau ici, et qu’à l’évidence je ne l’atteins pas.
    Ce qui me fait réagir, et pour la dernière fois rassurez-vous, c’est l’utilisation éhontée d’un pic transitoire pour en déduire une tendance très à la hausse.
    D’ailleurs, ce pic est déjà redescendu depuis ces 15 derniers mois, les satellites le prouvent et sont eux bien plus crédibles (à mes yeux d’ignorant patenté) que les relevés terrestre réajustés sans cesse de manière obscure par des gens en qui on ne peut pas forcément avoir confiance.
    C’est pas du boulot, et ça ressemble plutôt à de la manipulation (Je prends en compte malgré tout, l’hypothèse selon laquelle je peux me tromper).
    Quoi qu’il en soit, c’est ce genre de chose qui m’a rendu et me rend encore de plus en plus sceptique. Pas sur le réchauffement que je ne nie absolument pas (est-il encore besoin que je le rappelle ?), mais sur tout le barouf autour du réchauffement et sa cause supposée, ou plutôt imposée devrait-on dire.
    Donc je vais vous laisser entre gens de bonne compagnie, de bonne culture et de bonne science, et effacer de mes favoris l’adresse de ce blog.
    Bonne continuation,

    PS : je connais certainement moins que M. Philippe r. Facebook, car je moi n’en ai aucun et je ne peux donc pas y faire référence.

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    • L’étude indique que la hausse récente ne sort pas de la variabilité autour de la tendance de long terme à 0,17°C par décennie. Elle ne tente donc pas d’exploiter le pic d’El Nino.
      Chacun a le droit d’avoir un avis et il est certainement plus intéressant de s’en tenir à des arguments que de chercher à savoir qui est le plus malin. Merci.

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    • D’ailleurs, aucun commentaire de votre part là-dessus : https://global-climat.com/2017/03/22/oceans-un-rechauffement-de-plus-en-plus-profond/ ni là : https://global-climat.com/2016/11/28/hiatus-climatique-un-role-majeur-de-locean/ ? C’est honteux de laisser passer ça.
      Ne vous inquitez surtout pas, l’IPCC est un groupe de ce que j’appellerai bisounours pour ne pas affoler les industriels et gouvernements afin que continue la valse des capitaux pour nos délires consuméristes; la situation est bien pire, et étant dans une tendance de l’ODP assez fortement positive depuis 2014 environ, il y a tout à parier qu’on suera encore pendant quelques années. Mais beaucoup, et pas que des vrais climatologues pas sceptiques, évitent effectivement de parader pour garder leurs subsides (d’où « consensus »), en ces temps troubles où même un Trump peut couper les têtes à l’EPA :-).
      Ne vous torturez donc pas non plus trop la tête avec ça. Après tout, griller 95 millions de barils et raser 200km2 de forêt par jour, c’est forcément sans conséquences. Si vous estimez qu’il n’y a rien à craindre, les gouvernements entendent mais n’écoutent pas les lanceurs d’alertes mais plutôt tout ce qui est bon à la conservation de leurs privillèges de classe et de leurs amis fortunés, la vie est tellement courte. Rock’n roll !

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    • Je n’ai pas pu lire l’article en entier car il est réservé aux abonnés et l’article original sur Geophysical research letters est payant. Mais j’ai pu lire un compte rendu sur AGU. Il semblerait que l’article corrige les divergences entre différents types de données, les satellites et la fonte des glaciers notamment. L’accélération récente s’explique par la fonte au Groenland. Les auteurs ont pu réconcilier les budgets de fonte avec les données des satellites, dont la dérive de l’orbite à conduit à surestimer la hausse des années 90 par rapport à celle des années 2000.

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