Climat

Les 1,5°C scellés dès 2020

D’après une estimation publiée par le site Carbon Brief, quatre ans d’émissions de CO2 au rythme actuel suffiraient à utiliser le budget carbone conduisant à un réchauffement à 1,5 °C.

Le 22 avril 2016, les 175 pays réunis au siège de l’ONU ont signé l’Accord de Paris pour lutter contre le réchauffement climatique. Un objectif a été fixé : contenir le réchauffement sous les 2°C au-dessus de la période préindustrielle, voire 1,5°C si possible.  Mais plus le temps passe, plus le budget CO2 s’amenuise, sachant que la température globale s’est déjà élevée d’un degré environ.

Carbon Brief montre que l’objectif des 1,5°C est quasiment intenable, à moins de tabler sur d’éventuelles émissions négatives dans le futur. Pour s’en rendre compte, il faut voir la rapidité avec laquelle les budgets pour 1,5°C, 2°C et 3°C seront utilisés si les émissions continuent au rythme actuel. Quatre années supplémentaire d’émissions de CO2 mèneraient la planète à 1,5°C.

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Pollution industrielle. Crédit : Martin Muránsky | Shutterstock.com

Pour le dire, Carbon Brief a mis à jour les budgets carbone du Groupe intergouvernemental sur le changement climatique (GIEC) en incluant les émissions mondiales de CO2 en 2016.

En 2011, pour avoir de bonnes chances (66%) de limiter le réchauffement à 2°C, il ne fallait pas émettre plus de 1000 milliards de tonnes de CO2. Entre 2011 et 2016, 238 milliards de tonnes ont été émises : le budget n’est donc plus que de 762 milliards de tonnes. Avec le niveau d’émissions observé en 2016, cela nous laisse donc 19 années avant de consommer le budget 2°C. Cela sera donc chose faite en 2035.

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Emissions annuelles de CO2. Source : CDIAC/Global Carbon Project.

Selon le Global Carbon Project, les émissions de CO2 provenant de la combustion des combustibles fossiles et de la production de ciment en 2016 ont totalisé 36,4 milliards de tonnes. Si l’on considère aussi les émissions provenant du changement d’affectation des terres, le total des émissions de CO2 est porté à 39,9 milliards de tonnes pour 2016. C’est légèrement inférieur aux 41,1 milliards de tonnes par rapport à 2015.

Le rythme actuel est donc d’environ 40 milliards de tonnes par an. Une telle cadence pendant 19 années supplémentaires mèneraient bien à un total de 760 milliards de tonnes (40 X 19).

Pour ne pas dépasser 1,5°C, le budget est encore plus serré. En 2011, il ne fallait pas émettre plus de 400 milliards de tonnes. Avec les 238 milliards consommées entre 2011 et 2016, il ne reste plus que 162 milliards de tonnes aujourd’hui. Il ne faudra que quatre ans pour consommer ce budget. Les 1,5°C seront donc scellés en 2020.

Pour limiter le réchauffement à 3°C, le budget restant est de 2100 milliards de tonnes. Au rythme actuel, il faudrait donc 54 ans pour le consommer.

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Scénarios de réchauffement du GIEC en fonction des émissions de CO2. Source : Global Carbon Project.

Depuis trois ans, la croissance des émissions marque le pas. Il est encore tôt pour dire s’il s’agit d’un vrai pic d’émissions avant une décroissance. Rappelons quand même que la concentration de CO2 a continué à augmenter à un rythme encore plus soutenu dernièrement. Mais il n’y a pas de contradiction : il s’agit d’un phénomène conjoncturel. El Niño peut ponctuellement booster le rythme de croissance du CO2 dans l’atmosphère.

 

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26 réponses »

  1. Bonjour Johan,
    Considérant que les projections des émissions comptabilisées par « Global Carbon Project » semblent portées uniquement sur le CO2 et non sur le CO2 équivalent, qui lui reflète toutes les sources de gaz réchauffant l’atmosphère terrestre, c’est-à-dire le CO2, le méthane, la vapeur d’eau et les gaz industriels, j’imagine que +1,5°C pourraient être atteint avant en 2020. Qu’en pensez-vous ?

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    • Bonjour, en effet Global carbon project parle en CO2. Voir Climate action tracker pour CO2 équivalent. Le problème c’est que les évaluations peuvent différer aussi parce que les périodes analysées ne sont pas les mêmes. Je vais essayer de regarder ça de plus près…

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      • N’ayant pas trouvé deux études comptant strictement de la même manière CO2 et CO2 equi, je vous renvoie à un précédent article qui prend en compte le CO2 equi
        2015/12/13/les-projections-demissions-de-co2-apres-la-cop21/
        Les résultats sont sensiblement les mêmes, légèrement anticipés pour l’objectif 2 degrés.

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    • Et oui, c’est bien possible, comme cela a été fréquemment évoqué sur ce blog. Notons que le budget carbone épuisé ne signifie pas que 2020 sera à plus 1,5 mais que c’est dans les tuyaux.

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      • D’ailleurs, et parce que budgétiser un désastre en puissance n’est pas ma tasse de thé, les GES des incendies sont-ils comptabilisés dedans ?
        Car un effet rétroactif du réchauffement est donc l’augmentation des départs de feux – naturels : sécheresse+foudre (augmentation de l’EPCD, http://science.sciencemag.org/content/346/6211/851), et ça me semble un facteur plutôt aléatoire.

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        • Les GES des incendies sont comptés dans le total qui avoisine les 40 gt, sous l’appellation Land use change. Le chiffre de 36 gt se limite aux émissions dues à l’usage des combustibles fossiles. Les feux sont aggravés lors des épisodes El Nino en Indonésie en raison de la sécheresse. Même si les émissions dues aux combustibles fossiles ont ralenti, le volet Land use change a annulé le bénéfice.

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          • Et pas que, le forçage n’est pas tout à fait celui auquel on s’attendait, ces aérosols naturels ici ou pas refroidissent un peu plus la surface que prévu en raison de la concentration en altitude. Du moins, ce que j’en ai tiré. Et donc, si cet effet se dissipait (ou qu’il fluctue, arrêt de l’agriculture sur brûlis), l’élévation de température qui en résulterait pourrait être supérieure à une (précedente, s’il y en avait une) estimation.

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            • Il ne semble pas que l’étude indique un effet clair, l’effet peut être à la fois refroidissant ou réchauffant. En revanche les aérosols sulfatés issus de la combustion du charbon et des transports ont masqué une partie du réchauffement climatique, notamment en Chine.

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              • Bien vu à vous 2. Plus de 6 ans après, il semble que cela nous a rattrappé et maintenant de prendre en pleine poire ce « great brightening » plus vite que prévu. Au point même de mettre définitivement au tapis les accords de Paris.

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          • Les aérosols type carbone brun absorbent plus qu’il ne diffusent, en cela, il vont participer au réchauffement et petite rediffusion à leur « niveau » c’est à dire davantage à la limite supérieure de la troposphère – moins de chance d’avoir une couverture nuageuse – mais où la chimie et les courants de l’atmosphère nous peuvent encore nous réserver des surprises. En revanche, ils occultent donc bien plus la partie plus basse, la surface (figure 2).
            C’est l’effet radiatif semi direct. On imaginait probablement un effet plus modéré en raison de l’absence de concentration en altitude, une plus grande homogénité dans le profil vertical peut-être aussi de ces particules.

            Les particules sulfatées sont bien entendu une véritable malédiction. Très réflechissantes, très hautes, mais le jour où les émissions (anthropiques) stoppent totalement, nous risquons de nous prendre plus d’un degré Celsius dans le thermomètre global (certains tablent même sur 2.5°C). C’est ce qu’il s’est passé en europe/méditerranée ces 30 dernières années.

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  2. j’ai un avis la dessus, publié avec mes données. « si le changement c’était hier, le bouleversement, c’est maintenant ». Selon mes calculs, nous sommes actuellement à +2 à 3°C de plus qu’au début de l’ère industrielle. En 2100, nous serons à +8 à 9°C. A ce moment là, nous serons morts ! cqfd.

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    • C’est bien possible, nous avons probablement suffisamment pollué/rasé notre environnement et tué d’espèces pour que la machine « puit à carbone » puisse amoindrir nos souffrances. Nous serons déjà renvoyé dans nos cavernes à +5°C, notre système agricole ne va pas s’en relever et 7milliards de bouches contre une poignée de porte-flingues, il y a peu de chances de s’en sortir dignement en si peu de temps.

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  3. Un bref passage ici juste parce qu’une question me taraude.
    J’ai représenté ci-dessous, sur un graphe issu de ce blog, la situation actuelle (pointillés jaunes) et ce qu’il faudrait à minima pour que la prévision de Carbon Brief se réalise (flèche jaune), puisqu’elle est scellée.

    Ma question est la suivante : pensez-vous que cette prévision est toujours d’actualité et qu’on aura vraiment +1,5°C fin 2020 ?
    Merci.

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    • Cela ne veut pas dire 1,5 en 2020 mais qu’il y aura dès 2020 le niveau de CO2 conduisant à 1,5°C. Et on parle du niveau préindustriel. Il me semble que vous avez reporté sur 2017 le niveau par rapport à 1951-1980.

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  4. Ah, d’accord. On parle de 1,5°C à l’horizon 2100 alors ? Si oui, même si c’est risqué à mon avis de prévoir ce qu’il en sera dans 83 ans, c’est déjà nettement plus plausible en effet (ça me paraissait effectivement un peu gros pour 2020 d’où mon questionnement).
    Et ces 1,5°C par rapport au calage du graphe, ils correspondent à quelle anomalie sur le graphe ?

    Pour la partie en pointillé de la courbe, je me suis référé au site climate4you en utilisant la courbe NDCC puisque ça correspond au niveau du pic maxi (~ +1,25°C) et j’ai reporté l’anomalie actuelle.

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  5. Moi je voyais ce graphe comme représentant l’anomalie instantanée en fonction du temps, et il ressemble beaucoup au graphe NCDC.
    C’est pour cela que j’ai reporté la dernière anomalie NCDC pour montrer où on se situait en Juillet 2017.
    Je trouve que le pic de ~1,25°C de début 2016 de votre graphe correspond très bien à la valeur instantanée du graphe NCDC.

    (le trait est approximatif bien sûr, mais la tendance pour juillet 2017 est exacte, et c’est ce qui compte me semble-t-il)

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    • Il n’y a pas de valeur instantanées , toujours des anomalies. Je ne sais pas de quel graphe ncdc vous parlez. Pour la NOAA c’est par rapport au 20è siècle. La baisse n’est que de 0,05°C pour le moment en 2017 ,selon la NOAA. Cela ne correspond donc pas du tout. Vous vous trompez sur les périodes de référence.

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  6. Ok. C’est clair qu’en faisant une moyenne sur 12 mois plutôt que sur 1 mois, ça doit lisser un peu plus les résultats. Si on tire des traits sur une courbe, c’est généralement pour faire une analogie pour tous les points possibles, sinon un histogramme me paraît plus approprié. Là ce n’est pas clair du tout, d’autant qu’il n’y a pas de titre pour les axes.
    Je ne veux pas entrer dans un long et fastidieux débat, mais votre courbe jaune ne semble pas avoir un pas de 1 an (par exemple on ne distingue pas de valeur spécifique pour 1996 et une autre pour 1997.
    La cassure après 2014 indique à peu près 0,9°C et le point 2 ans plus tard est à 1,22°C soit +0,32°C d’écart, comme sur toutes les courbes de relevés mensuels (UAH, RSS, HadCrut, NCDC) . Je doute fort qu’en Août 2017 le point ne soit qu’à 0,05°C sous les 1,22°C.
    C’est encore un problème cette histoire de communication des résultats. La NOAA est bien reconnue pour sa tendance à vouloir accentuer le réchauffement, mais à force de triturer les chiffres et de rendre la lecture plus ou moins incompréhensible ça va finir par se voir.
    Le quidam qui n’a pas la moindre formation technique va gober plus facilement la thèse de la catastrophe, mais à la longue, c’est la réalité qui va apparaître
    Si vous regardez la courbe de Spencer (UAH) ou les autres, la baisse d’anomalie mensuelle (que j’appelais « instantanée ») est totalement incontestable depuis janvier 2016 et marque une certaine tendance à la baisse, et de nettement plus que 0,05°C.
    Quand elle montait de la même manière avant janvier 2016, les tenants du RCA criaient à la hausse catastrophique quasi-quotidiennement.
    Quand ça monte, c’est bien de le reconnaître, quand ça baisse aussi.

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    • La courbe jaune à une échelle de deux ans, peut-être est-ce moins lisible mais tout est fait informatiquement, donc pas d’erreur possible. Pour le moins 0,05 c’est d’année 2016 – l’année en cours 2017. Les chiffres sont sur le site de la Noaa. Pour la Nasa ça donnerait autre chose, mais la tendance est similaire, sans compter la marge d’erreur. J’aurais pu lisser encore plus la courbe et faire des moyennes sur 5 ans : la tendance à la hausse est encore plus nette puisque ça lisse Enso. Comme je rapporte les chiffres mensuellement, je prend en compte les baisses également. Encore une fois, uah n’est pas le seul relevé satellite. Il y aussi rss, qui montre un rythme décennal plus important qu’Uah.

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