Climat

Le point sur la fonte de la calotte du Groenland

Des informations ont récemment circulé sur le Net faisant état d’une accumulation de neige et de glace au Groenland susceptible d’entraîner un changement de tendance. Ces infos ayant été relayées dans les commentaires de global-climat, il m’a semblé opportun de clarifier la situation. En fait, le bilan de masse total montre que les pertes se poursuivent depuis des années  à un rythme soutenu, contrairement à ce que peuvent laisser penser certaines présentations tronquées. 

Voici ce que l’on pouvait lire le 27 février 2018 sur le site Notrickszone, qui se revendique climato-sceptique : « Nous nous souvenons tous des réactions hystériques des alarmistes du réchauffement climatique chaque fois qu’un glacier antarctique vêle  et qu’un énorme morceau de calotte glaciaire se détache en été. Les titres s’écrient : un morceau de glace aussi gros que Manhattan se détache ! (en raison du réchauffement climatique, veulent-ils nous faire croire). Pourtant, en hiver, quand une telle masse (ou même plus) est ajoutée soudainement, vous entendez seulement le silence ».

En 2017, on pouvait lire sur le même site « Le bilan de masse de neige et de glace à la surface du Groenland est actuellement proche de son niveau record ».

Un commentateur du site global-climat a relayé il y a quelques jours des informations similaires émanant notamment du site Daily Caller, où l’on pouvait lire :  « L’inlandsis du Groenland a gagné de la glace et de la neige à un rythme jamais vu depuis des années sur la base des données du Danish Meteorological Institute (DMI). Le DMI signale que le «budget de masse» de la calotte glaciaire du Groenland a connu une croissance significative depuis octobre ». Il est vrai que de fortes pluies et des chutes de neige ont ponctuellement dopé le bilan de surface au Groenland au mois d’octobre.

Des sites ont-ils tenté de semer la confusion en évoquant un changement de tendance ? Entre vraies-fausses informations et bilans tronqués, c’était l’occasion de faire un point sur le bilan de masse du Groenland.

Les infos qui ont circulé sur Internet ont pour source le très sérieux Danish Meteorological Institute (DMI) qui publie des bilans actualisés de l’évolution du Groenland et de l’Arctique.

Alors le plus simple est d’aller voir directement sur le site de DMI. Qu’est-ce que l’on peut y lire ? Et bien c’est très simple : le DMI note certes que sur l’inlandsis du Groenland, il neige plus qu’il ne fond… Comme on peut le voir ci-dessous, où le premier graphique montre le bilan quotidien de surface en 2017-18 par rapport à 1981-2010 et le second l’accumulation depuis le début de la saison :

En haut: La contribution quotidienne totale au bilan de masse de surface de l’ensemble de la calotte glaciaire (ligne bleue, Gt / jour). En bas: le bilan de masse de surface cumulé du 1er septembre à ce jour (ligne bleue, Gt) et la saison 2011-12 (en rouge) qui ont connu une très forte fonte estivale au Groenland. A titre de comparaison, la courbe moyenne de la période 1981-2010 est représentée en gris foncé. Source : DMI.

Ces graphiques pourraient suggérer que la situation au Groenland n’est finalement pas si préoccupante, après tout. Mais une information essentielle doit être prise en compte : le DMI précise dans son bilan que les observations par satellite au cours de la dernière décennie montrent que la calotte de glace n’est pas en équilibre…  Et en donne la cause : « Le vêlage des icebergs s’ajoute également au budget de masse total de la calotte glaciaire ». Et pas qu’un peu : « La perte de vêlage est plus importante que le gain de masse de surface, et le Groenland perd environ 200 Gt / an. »

Pour de plus amples informations, le DMI renvoie au Polar Portal. Et l’on y trouve les mêmes précisions : les graphiques que l’on a pu voir plus haut  illustrent bien comment la surface de la calotte glaciaire du Groenland gagne et perd de la masse au quotidien. Ce que l’on appelle  le bilan de masse de surface. Il n’inclut pas la masse perdue lorsque les glaciers vêlent les icebergs et fondent lorsqu’ils entrent en contact avec de l’eau de mer chaude. Et c’est l’élément le plus important, comme on va le voir ci-dessous.

Dans la région centrale de la calotte glaciaire, les données satellites GRACE montrent une légère augmentation de la masse de glace. D’autres mesures suggèrent que cela est dû à une légère augmentation des précipitations / chutes de neige. Des précipitations plus importantes sont d’ailleurs justement l’une des conséquences attendues du réchauffement climatique dans certaines régions.

La mission GRACE consiste en deux satellites lancés en mars 2002. Ils sont tous deux en orbite autour de la Terre à une altitude d’environ 500 km pour générer des modèles mensuels globaux du champ gravitationnel de la Terre. La mission s’est achevée en octobre 2017.

Le bilan de masse total montre que la majeure partie de la perte de glace se produit  au bord de la calotte glaciaire, où des observations indépendantes indiquent également que la glace s’amincit, que les fronts glaciaires reculent dans les fjords et sur terre.

Carte et graphique montrant le bilan masse total de l’inlandsis groenlandais.
La carte montre les derniers changements de masse dérivés des données des satellites GRACE. Source : Polar Portal.

Comme on peut le voir su le graphique ci-dessus, la perte annuelle de l’ordre de 200 Gt/an ne montre pas vraiment de ralentissement  entre 2004 et aujourd’hui.

Faute données récentes sur le bilan de masse total, Polar Portal a procédé à une estimation préliminaire pour 2017. En moyenne,  le Groenland perd environ 500 Gt de glace par an en raison des processus de vêlage et de fonte sous-marine. D’après le Polar Portal, « si nous soustrayons cela de notre chiffre de 544 Gt pour le Surface Mass Balance, cela suggère que le Groenland a gagné une petite quantité de glace cette année. Cependant, par rapport aux quelque 3600 Gt de glace (qui correspond à 1 cm de l’élévation moyenne du niveau de la mer) que le Groenland a perdu depuis 2002, le solde légèrement positif de cette année n’ajoute pas grand-chose ».

Autrement dit, une petite augmentation de 44 Gt en 2017 ne pèse guère par rapport aux pertes annuelles moyennes de 200 Gt/an.

Il faut maintenant attendre que d’autres données soient disponibles à partir des satellites pour estimer les pertes réelles de vêlage. Malheureusement, les satellites GRACE ont finalement expiré. Une deuxième mission utilisant des satellites aux caractéristiques très proches et baptisée GRACE Follow-On (GRACE-FO) doit être lancée en 2018.

Catégories :Climat, Pôles

Tagué:, ,

169 réponses »

  1. C’est intéressant. Néanmoins, 0,6mm par an d’élévation de la mer c’est vraiment peu. Cela fait 6 cm par siècle autant dire rien du tout. Tant que le niveau de la mer ne montera pas de plus de 2 ou 3m,rapidement il y aura peu de conséquences, de bonnes digues suffiront, comme aux Pays bas.
    Le problème est plutôt de savoir si toute la calotte peut fondre rapidement par glissement dans la mer ? UN peu comme lorsqu’on décongèle le frigo, au début il y a quelques gouttes à tomber, et puis au bout d’un moment, tout un bloc de glace tombe par terre!

    J’aime

    • Bonjour db,

      Une élévation, même minime du niveau de la mer modifie le trait de côte et peut parfaitement amplifier les risques de submersion. Les littoraux sont très dynamiques. Les régions côtières connaissent ces phénomènes plus ou moins prononcées en fonction des conditions météo et des marées : les surcotes.
      Par contre, personne ne peut prévoir si la fonte va décélérer ou accélérer. À l’instar de l’Ouest Antarctique, le rebond glacio-isostatique se poursuivant toujours pour le Groenland, il est possible que cela donne un peu de répit au glissement de certains glaciers. Mais n’empêchant pas nécessairement tous les autres changement affectant le climat de poursuivre leur évolution.

      J’aime

    • Rien ne prouve non plus que la perte restera linéaire ou bien qu’elle sera toujours garantie sur une aussi longue période. Mais ça on s’en fout un peu des calculs de coin de table.
      Sauf que « nos » activités et notre mode de vie ne sont pas tributaires de cette glace encore danoise – peut-être le tourisme balnéaire en pâtira à terme avec la montée des eaux, mais on s’en cogne, on sait toujours reloger sans rechigner les nécessiteux dans nos pays civilisés – mais des plus petits glaciers aux plus basses lattitudes avec beaucoup, beacoup moins de glace, en volume, sont bien plus important pour la survie même de certaines personnes et se réduisent inéxorablement… alors sauf si vous avez une idée géniale pour l’importation massive de cette fantastique ressource de glace de 10000 ans pour compenser d’éventuelles pénuries dans le monde ou amoindrir les effets de futures canicules ici ou là-bas à l’heure actuelle, ne rien faire c’est déjà ce qui se fait de mieux aujourd’hui en la matière. 😉

      J’aime

Répondre à Goupil Annuler la réponse.