Climat

Température mondiale : mars 2018 au 4e rang malgré La Niña

Avec +0.432°C au-desssus de la moyenne 1981-2010, mars 2018 est le 4e plus chaud des archives NCEP-NCAR. Jamais un mois de mars n’avait atteint une telle anomalie avec des conditions La Niña.

Les réanalyses comme NCEP-NCAR intègrent de multiples observations dans un modèle permettant de suivre quasi quotidiennement l’évolution du climat. Les données sont donc immédiatement disponibles, contrairement aux bilans mensuels des stations au sol. Les réanalyses permettent ainsi de se faire une idée des futures annonces des agences comme la NASA, la NOAA et le Met Office qui ne sont pas faites avant le milieu du mois suivant (en l’occurrence à la mi-avril).

Le top 10 des mois de mars les plus chauds

Avec +0.432°C au-dessus de la moyenne 1981-2010,  le mois de mars 2018 est le 4e plus chaud des annales NCEP-NCAR remontant à 1948. Mars 2016 avait été marqué par un phénomène El Niño exceptionnel, mars 2017 par des conditions neutres dans le Pacifique et mars 2010 par un El Niño moyen à fort. Derrière ce trio de tête, mars 2018 se distingue donc comme le plus chaud avec des conditions La Niña.

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Top 10 des mois de mars les plus chauds depuis 1948. D’après NCEP-NCAR.

On peut voir ci-dessous l’évolution de la température mondiale en mars depuis 1948 :

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Anomalies de température mondiale en mars par rapport à la moyenne 1981-2010. D’après NCEP-NCAR.

Le rythme décennal du réchauffement est en hausse constante depuis 1948 en mars. Malgré la baisse logique des températures depuis le pic El Niño de 2016, la tendance décennale 2008-2018 est en hausse. Pour une tendance significative, il est cependant préférable de regarder la tendance sur 30 ans, moins dépendante de la variabilité naturelle : elle est de +0.228°C/décennie sur 1988-2018 en mars.

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Rythme décennal de réchauffement en mars. D’après NCEP-NCAR.

L’année en cours pour le moment au 4e rang

Le bilan est provisoire puisque l’on compare ici janvier-mars 2018 à des années complètes. En raison des conditions La Niña, l’année 2018 ne se situe pour l’instant qu’au 4e rang. Les températures de surface de la mer dans la région Niño 3.4 du Pacifique devraient remonter d’ici le milieu d’année pour se diriger vers un niveau neutre.

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Le top 10 des années les plus chaudes. 2018 est limitée à janvier-mars. D’après NCEP-NCAR.

Les anomalies régionales en mars 2018

Les anomalies sont très importantes dans certaines portions de l’Arctique et de l’Antarctique alors que l’Eurasie s’est distinguée par des températures inférieures aux normales. En février, un brusque changement de température dans la stratosphère, un événement que l’on appelle réchauffement stratosphérique soudain, a perturbé le courant-jet et les conditions météorologiques naturelles, permettant à l’air froid de s’infiltrer au sud de l’Arctique. Le réchauffement stratosphérique soudain peut perturber les températures des moyennes latitudes sur deux mois. Le dernier événement aurait atteint des niveaux record.

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Carte d’anomalies pour le mois de mars 2018.

 

+1,16°C en mars 2018 par rapport à l’ère préindustrielle

On peut remonter plus loin dans le temps, en utilisant les archives de la NASA, et en retenant comme base la période 1880-1899 (représentative de la période préindustrielle). L’anomalie est de +1,16°C en mars 2018, donc sous l’objectif le plus ambitieux de la COP 21 (+1,5°C).

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152 réponses »

  1. Tiens, j’ai dit une bêtise hier: la superficie du Groenland est 3,5 fois plus faible que celle de l’Australie, pas 11 fois. Néanmoins, cela signifie qu’une région de latitude 70° nord ou sud est agrandie à peu près 3,5 fois par rapport à une région de latitude 30° nord ou sud sur une carte à méridiens parallèles.

    Voilà voilà :-/

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  2. @Basile: pas plus que Ghutz, je ne suis capable de vous rassurer, hélas! Sauf peut-être sur cette histoire d’air stratosphérique à -80°C qui descendrait sur nous à la fin: ça me semble vraiment tiré par les cheveux. En tout cas, les données dont nous disposons sur les paléoclimats ne montrent rien de tel, même lors de réchauffements extrêmes comme à la transition Paléocène-éocène, il y a 55 millions d’années. Par contre, je partage complètement la crainte des effets du dérèglement climatique sur notre agriculture. C’est le principal écosystème qui supporte nos activités et nos sociétés incroyablement riches et complexes, et il est gravement menacé. J’ai écrit un petit argumentaire là-dessus il y a quelques années:

    « Dans un précédent article, j’ai rappelé que l’effet de serre actuel est inédit depuis 3 millions d’années. Qu’on le veuille ou non, cela provoquera un réchauffement planétaire de près de 3°C et une élévation du niveau des océans de 25 mètres.

    +3°C, cela va aussi bouleverser le régime des vents et des précipitations tout autour du globe. Pour certaines régions, parce qu’on dispose de données sur le paléoclimat ou parce que les modèles prévisionnels convergent, on sait déjà quels en seront les impacts. Ainsi, des régions entières sont condamnées à s’assécher de façon dramatique en une extension des zones tropicales arides ou semi-arides: le sud ouest des USA, le sud de l’Europe (dont la moitié sud de la France), le nord de la Chine, le sud de l’Australie, le sud de l’Afrique…

    L’agriculture à grande échelle va y devenir impossible d’ici quelques décennies. Les peuples qui y vivront ne seront plus autosuffisants. Pire encore: ce déficit agricole ne pourra pas toujours être compensé par la libération de nouveaux espaces dans le grand nord, où les sols sont stériles!

    Il faut comprendre que les sols mettent des dizaines de milliers d’années à se former. C’est le lessivage modéré de la roche mère par les pluies, et des conditions tempérées, qui permettent la formation de nos argiles qui retiennent l’eau et libèrent les ions dont nos plantes ont besoin (les pluies intenses et la chaleur entraînent la formation des latérites des régions équatoriales). Il faut aussi des milliers d’années pour que l’érosion forme des substrats sableux, ou pour que la colonisation progressive par la végétation aboutisse à une épaisse couche d’humus fertilisante.

    Autrefois, les régions les plus septentrionales ont connu des conditions climatiques permettant la formation de tels sols. Mais depuis, ils ont été érodés par la glace et le vent. En dessous, on retrouve la roche mère qui affleure parfois. Ces sols là sont pauvres, acides, impropres à l’agriculture à grande échelle. Au moment où les rendements s’effondreront au sud, les conditions climatiques plus favorables ne suffiront pas à créer de nouveau espaces agricoles au nord avant des milliers d’années. Il semble qu’en dessous de 2°C, le changement demeure suffisamment faible pour éviter l’effondrement de nos société. Au delà, c’est l’inconnu. Malheureusement, c’est bien une famine planétaire qui se dessine.

    Notre espèce évitera peut être le pire à coup d’irrigation et d’engrais. On ne pourra pas en dire autant des espèces innombrables, témoins des milliards d’années d’histoire de notre planète que nous risquons d’effacer en quelques siècles. Pourtant, si nous cessions nos émissions de CO2 maintenant, l’excès atmosphérique serait rapidement absorbé par les océans et les forêts et les dégâts seraient «moindres». Réfléchissons-y deux fois plutôt qu’une… »

    Si @Ninja se demande pourquoi on préfère parler de « dérèglement » ou de « changement » climatique plutôt que de réchauffement, je réponds que ce n’est pas seulement en raison du fait qu’une atmosphère plus chaude est propice au développement de phénomènes extrêmes, comme des sécheresses aggravées suivies d’inondations; c’est aussi parce que la rapidité du réchauffement actuel est telle qu’elle va provoquer, si le phénomène se poursuit, un décalage inédit entre les caractéristiques physico-chimiques qui règnent dans l’atmosphère et les océans d’une part, et la nature actuelle de la biosphère et des sols d’autres part. Un réchauffement de 3°C à la fin de ce siècle signifierait tout simplement que les sols et le vivant ne sont plus adaptés au climat et aux océans, nous compris. On n’est donc pas sur des considérations du genre « je préfère la chaleur, on mettra moins le chauffage en hiver ». Alors bien sûr, quand on pense que le réchauffement actuel est essentiellement ou totalement naturel, tout est plus simple. Il suffit de se dire que les civilisations humaines en ont vu d’autres, alors même qu’elles n’avaient pas notre capacité d’adaptation. Par contre, si on pense que le réchauffement est anthropique et va se poursuivre sur le même rythme durant ce siècle, il y a de quoi être sérieusement inquiet.

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