Climat

Vers un emballement de l’effet de serre ?

Il pourrait s’avérer difficile de limiter la température globale à 2°C, d’après une nouvelle étude. En raison des rétroactions à venir, la Terre risque de basculer vers ce que les scientifiques appellent des conditions de « super effet de serre » ou « hothouse earth ».

Les auteurs du rapport affirment qu’un réchauffement de 2°C au-dessus des niveaux préindustriels n’offre aucune garantie. Des processus en cascade pourraient amplifier ce coup de chaud initial. L’étude est publiée dans Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS).

Terre nuages

Source : Rob Gutro/ NASA’s Goddard Space Flight Center

Par climat de type «hothouse», il faut entendre une stabilisation à long terme à une moyenne mondiale de 4 à 5°C supérieure aux températures préindustrielles, avec un niveau de la mer 10 à 60 m plus élevé qu’aujourd’hui.

Il suffirait donc que le cap des 2°C soit franchi pour que des rétroactions, par effet de domino, conduisent la planète vers une anomalie exceptionnellement chaude au regard des fluctuations glaciaire-interglaciaire du dernier million d’années. L’atmosphère s’est déjà réchauffée d’environ 1°C par rapport à l’ère préindustrielle.

Les rétroactions en cause sont le dégel du pergélisol, les hydrates de méthane océaniques, l’affaiblissement des puits de carbone terrestres et océaniques, la croissance de la respiration bactérienne, le dépérissement des forêts amazonienne et boréale, la réduction de la couverture de neige, la réduction de la glace de mer et des calottes polaires.

Ce scénario catastrophe, annonçant une planète en surchauffe, pourrait donc être déclenché même si l’Accord de Paris était respecté. Ce qui pose des questions sur les seuils des rétroactions et leur timing bien sûr.

Le phénomène de « houthouse earth » se mettra-t-il en place dès le seuil franchi ou faudra-t-il des centaines d’années à 2°C et plus pour que l’effet domino se mette en place ?

Ce point n’a semble-t-il pas été le plus commenté. Pourtant, les auteurs apportent des précisions intéressantes sur la question du timing dans leur étude. De nombreuses rétroactions seraient enclenchées d’ici 2100, d’autres mettraient des centaines d’années avant de se manifester pleinement. On parle donc bien de rétroactions à long terme (à l’échelle humaine), même si la rapidité des processus excède la variabilité naturelle passée.

Voici donc ci-dessous des précisions concernant le timing et le seuil des événements. L’impact est mesuré dans la plupart des cas  à la fois comme une élévation de température supplémentaire (° C) vers 2100 résultant du carbone (Gt C) émis dans l’atmosphère. La réaction a été convertie en °C en supposant une augmentation de température de 2°C par 1000 Gt C ajoutée à l’atmosphère.

D’ici 2100, un réchauffement de 2°C serait amplifié par des rétroactions à hauteur de +0,47°C, d’après les auteurs de l’étude. La hausse serait donc portée à +2,47°C avec une fourchette probable entre +2,24°C et +2,66°C.

Les rétroactions se poursuivraient bien au-delà de 2100.

1 Dégel du pergélisol et libération associée de CO2 (dans des conditions aérobies) et / ou de CH4 (dans des conditions anaérobies)

Seuil : 2°C (dégel déjà enclenché avec ~1.0°C)

Timing : d’ici 2100

Effet :  45 (20-80) Gt de carbone, soit + 0.09°C (0.04-0.16)

2 Rejet de CH4 des hydrates de méthane des océans

Seuil : ~2.0-6.5°C

Timing : largage lent et graduel à l’échelle millénaire, négligeable d’ici 2100

Effet :  + 0.4 à 0.5°C

3 Affaiblissement des puits de carbone physiologiques terrestres et océaniques qui éliminent le CO2 de l’atmosphère

Seuil : ~2°C

Timing : d’ici 2100

Effet :  + 0.25°C

4 Respiration bactérienne accrue dans l’océan, augmentation de la libération de CO2 dans l’atmosphère

Seuil : ~2°C

Timing : d’ici 2100

Effet : 12 Gt C soit +0.02°C

5 Dépérissement de la forêt amazonienne qui libère du CO2 dans l’atmosphère, souvent par le biais d’un feu de forêt

Seuil : 2°C ; point de basculement possible entre 3 et 5°C

Timing : d’ici 2100

Effet : 25 Gt C (de 15 à 55) soit 0.05°C (0.03-0.11)

6 Dépérissement de la forêt boréale qui libère du CO2 dans l’atmosphère, souvent par le biais d’un feu de forêt

Seuil : 2°C ; point de basculement possible entre 3 et 5°C

Timing : d’ici 2100

Effet : 30 Gt C (de 10 à 40) soit 0.06°C (0.02-0.10)

7 Réduction de la couverture de neige au printemps dans l’hémisphère nord, diminution de l’albédo

Seuil : lié à l’augmentation de température

Timing : rapide – réduction de la couverture de neige déjà observée

Effet : contribution à l’amplification polaire par un facteur 2

8 Perte de glace de mer en été dans l’Arctique, diminution de l’albédo et amplification du réchauffement régional

Seuil : point de basculement probable entre 1 et 3°C

Timing : rapide – probablement de l’océan Arctique (été) libre de glace d’ici 2040/50

Effet : contribution à l’amplification polaire par un facteur 2

9 Fonte des calottes de glace

Seuil : 1 à 3°C

Timing : siècles à millénaires

Effet : élévation du niveau de la mer de 3 à 5 m après la perte de l’inlandsis de l’Antarctique occidental ; jusqu’à 7 m pour la perte de l’inlandsis du Groenland; jusqu’à 12 m pour certaines parties de la calotte antarctique orientale

 

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31 réponses »

  1. Si on additionne l’ensemble des rétroactions citées et pouvant agir d’ici 2100, ça fait +0,47°C. À peu près la moitié du réchauffement déjà atteint. Mais c’est sans prendre en compte la fonte des banquises qui, en plus de produire une amplification « locale », aura des répercutions sur toute la planète. Surtout, c’est sans compter la rétroaction liée à la vapeur d’eau (non discutée dans l’article me semble-t-il) qui se manifestera à l’échelle d’une vie humaine.

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    • Oui, un demi degré environ, j’ai fait la même addition. Un réchauffement limité à 2°C, ça donnerait donc 2.5°C aux alentours de 2100. Pas de hothouse à court terme mais après 2100 le système peut continuer à se réchauffer avec la poursuite des rétroactions déjà enclenchées jusqu’à +5°C, si l’on suit la logique des auteurs.

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      • J’ai vu 😉

        Petit bilan de météoFrance de la vague de chaleur qui s’achève: http://www.meteofrance.fr/actualites/64968044-climatologie-retour-sur-la-vague-de-chaleur-exceptionnelle

        En terme de sévérité globale, qui combine intensité et durée à l’échelle du pays, cette vague de chaleur est comparable à celles de 1947 et 2006, les plus marquées depuis la 2ème guerre mondiale après celle de 2003.

        À noter quelques records exceptionnels, notamment celui de la température minimale à Perpignan le 4 août: 30,3°C. C’est au dessus de la moyenne des températures maximales dans cette ville!

        La canicule a été nettement moins extrême dans le sud-ouest que le GFS ne le laissait penser fin juillet, mais Albi a tout de même connu 6 jours consécutifs de très fortes chaleurs (au moins 35°C). Ce n’est pas si courant. Les dernières fois, c’était en août 2003 et août 2009.

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        • Je me suis baigné dans une mer à 28°C dans le Var. Pas si fréquent. Ceci dit, l’humidex à Paris Montsouris n’a pas atteint les niveaux d’août 2003 ni de juin 2017, où les 43 avaient été dépassés. Les organismes ont sans doute moins souffert…

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  2. Bonjour Maignial , ne pas oublier que météo France propose une formation payante ( je dis bien payante ) sur le réchauffement climatique . A vous d’en tirer les conséquences sur leur impartialité .

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      • Bonjour parmentier , je dis juste que lorsqu’on vends une formation sur le réchauffement anthropique on a tout intérêt à faire du catastrophisme plutôt que de dire que le réchauffement est naturel et que nous allons vers une baisse des températures.

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        • On n’a pas du lire le même article. J’ai lu des informations factuelles, évoquant beaucoup plus une météo estivale qu’une étude sur le climat, ce que vous sembliez attendre.

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    • @phil

      je suis avant tout un passionné de climatologie et météorologie, ce qui n’est manifestement pas votre cas. Cela ne vous intéresse pas. Aucun des nombreux phénomènes récemment évoqués par Johan, Ghtuz, moi même et d’autres (circulation de Walker, rivières atmosphériques, effet de serre négatif…) ne vous a arraché le moindre commentaire constructif, ne serait-ce que pour poser des questions. Il y avait pourtant de quoi faire, indépendamment de la question du réchauffement.

      Par contre, pour balancer du fiel, déformer les propos et faire des accusations à deux balles, vous êtes très forts. À croire que vous ne savez faire que ça!

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      • Maignial , et vous , vous etes tres fort pour répéter obstinément des scénarios catastrophe du aux ges sans même vouloir admettre ou même regarder ce qui c’est passe avant. Quand l’expérience contredit une théorie c’est que vous vous trompés. Alors continuez , a faire le beau .
        moi je regarde le soleil et les temperatures sont en concordances avec lui ( ce qui n’est pas le cas avec les ges ) .
        L’avenir me donnera raison et votre obstination vous sautera à la figure tout comme votre intolérance et vos erreurs n’analyse.

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        • C’est vous l’intolérant. Il y a même pas deux semaines, vous citiez météo France pour essayer de me contrer. Sans succès, d’ailleurs, puisque vous aviez compris leurs propos de travers, mais avec une bonne dose de fiel dont vous êtes coutumier du style « alors, vous vous croyez plus fort que météo France? ».

          Quelques jours après, voilà que vous voulez discréditer LE MÊME ORGANISME parce que leurs dires ne vous conviennent plus. Vous le faites avec une attaque totalement bidon, sans la moindre attention au fond du sujet, sans le début d’une preuve et en prouvant une fois de plus que vous triez au sein d’une même source les propos qui vous arrangent et ceux qui vous dérangent. Sans argumentation, cela va de soi.

          Vous n’êtes qu’un hypocrite. De plus, j’en ai encore fais l’amère expérience il y a peu, vous ne comprenez rien à des propos pourtant forts simples. Alors, analyser des données scientifiques… Laissez moi rire!

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    • Je persiste.

      Si je m’en tiens à votre commentaire, vous insinuez que Météo France fait preuve d’impartialité afin de trouver des personnes pour des formations payantes sur le réchauffement climatique. Est-ce réellement votre propos?

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      • Bonsoir parmentier.
        Quand un organisme propose une formation payante sur le réchauffement climatique anthropique co animée par le GIEC, il est légitime de se poser la question sur l’objectivité des parutions de ce même organisme.
        Au même titre que vous vous poseriez des questions sur des publications sponsorisées par total.
        Mon propos est il plus clair ?

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        • Bonsoir Phil,

          La différence est que Météo-France est un organisme public, ce qui signifie qu’il ne recherche pas la publicité à des fins de profit contrairement à Total qui cherche à réaliser des bénéfices pour ses actionnaires.

          Dans le même registre, pensez-vous que les juges cherchent à augmenter les condamnations pour toucher plus de primes? Il me semble que quelque chose n’est pas bien huilé dans votre représentation du monde!

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          • Organisme publique ne cherche pas la publicité ni les gains ?
            1) Il y a des organismes publiques qui font de la pub et ou certains salaires sont indexés sur les résultats ( dirigeants , commerciaux …)
            2) un organisme publique a t il toute son indépendance de publication ? (Ex le présentateur météo viré pour avoir douté publiquement du réchauffement climatique) . l’ombre des politique s doit planer chez météo France. On m’a dit une fois  » la démocratie est en danger quand les journalistes commencent à faire de l’auto censure politique  » à méditer …
            3) les juges sont indépendants cela n’a rien à voir avec une société commerciales publique.
            4) parti pris du GIEC + parti pris des politiques qui on pouvoir sur les dirigeants de météo France + de l’argent en jeu = indépendance ?
            En conclusion : je veux bien admettre la justesse des données brutes de météo France mais j’ai un gros doute sur les articles publiés ou les commentaires associés.
            Ne pas oublier que les bulletins météo fr sont dispasches vers toutes les rédactions d’où peut être une sensibilité plus grande de la part des politiques à les maintenir sous pression.

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            • Phil

              Je constate que vous avez des difficultés avec les genres. Public ou publique? Problème de sémantique peut-être puisque vous associez public/que à publicité et publication, sens qui étaient justes par le passé, mais dont la dérive donne prétexte à de graves contresens. inconscients, semble-t-il. La force d’un service public est que les statuts permettent de mieux faire face à la pression. Cette pression existe, comme partout, mais dans une entreprise privée, le seul recours est souvent la porte. C’est pourquoi j’ai bien plus confiance en Météo-France qu’en Total.

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  3. Bonsoir parmantier.
    Effectivement j’ai un problème d’orthographe surtout quand je suis sur smartphone et en vacances .
    Vos arguments se tiennent , mais j’y mettrai un bémol : de plus en plus d’entreprise publiques voient leurs statut évoluer vers le privé . la pression est énorme dans ce cas ( drames à France télécom ou aux PTT ) donc c’est peut être le cas chez météo France : sinon pourquoi faire payer cette formation ? Autant la faire gratuitement comme à l’Université .
    Encore une fois je comprends vos arguments mais mes doutes ne sont pas non plus totalement illogiques.

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  4. Bonjour,
    Avez-vous déjà entendu parler de ce nouveau système de prévisions baptisé ProCast (Probabilistic forecast), basé sur une méthode statistique et des modèles climatiques existants dont il est question dans l’article publié aujourd’hui sur Radio-Canada.ca et dont le titre est: « Des années encore plus chaudes que prévu jusqu’à 2022 » https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1117998/rechauffement-changements-climatique-climat-estimatation-nature

    Cela semble corresponde à la prévision du Met Office pour cette même période dont il était question dans votre article du 12 février dernier https://global-climat.com/2018/02/12/la-prevision-de-temperature-du-met-office-pour-2018-2022/

    Il semble bien qu’il y aura une accélération du réchauffement climatique.

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    • Pas jusqu’à présent. Le Met Office initialise un modèle climatique avec les conditions actuelles pour une prévision plus réaliste que les modèles non initialisés.
      Il semble que Procast analyse les variations climatiques à partit des modèles pour trouver des configurations naturelles comparables à la période actuelle pour faire des prévisions. Les deux méthodes tablent en tout cas sur un réchauffement. Il faut dire que le Pacifique est peut être entré dans une phase chaude.

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  5. Tous les modèles climatiques semblent donc bien annoncer une remontée des températures dès cette année et ce pour les 5 années à venir. De quoi définitivement convaincre les plus récalcitrants, (dont moi), si ça se vérifie, et faire douter les autres si ça ne se vérifie pas 😉

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  6. La dernière bataille des climato-sceptiques se joue dans les commentaires, faute d’arguments scientifiques scientifiques. La meilleure façon d’enrichir le débat est, du coup, de ne pas leur répondre afin de privilégier le contenu à la forme.
    Laissez donc Phil profiter tranquillement de ses vacances…

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  7. Bonjour, je me pose une question par rapport aux dépérissement des forêts car j’aurais plutôt pensé à un accroissement des forêts. En plus je crois que quand il a fait plus chaud dans le « passé géologique » il y avait beaucoup de forêts. Qu’en pensez vous ?

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    • Bonjour,
      Et oui c’est compliqué car deux effets entrent en compétition. Une hausse du co2 est favorable à la croissance mais un réchauffement rapide et soudain pourrait par exemple assécher l’Amazonie et provoquer un largage du CO2.

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      • De plus, un réchauffement peut favoriser le développement de certains parasites, menant à la disparition des certaines espèces d’arbres. Les espèces animales mobiles peuvent perturber le développement d’espèces végétales fixes. Les paramètres sont tellement nombreux qu’il est difficile de prévoir localement l’évolution de la biosphère .

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  8. Pour ma part, je ne vois qu’un phénomène qui pourrait permettre de réduire les températures relevées: des mouvements de convection océaniques intenses permettant de drainer l’énergie de surface vers les grands fonds, là où la thermocline est profonde, c’ est-à-dire au niveau des tropiques. Mais je ne suis pas sûr que de tels phénomènes se mettent en place. Cela masquerait une réalité, de différer les effets du réchauffement, mais permettrait au négationnistes de continuer à commenter.

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