Océans

L’Antarctique de l’ouest sensible aux changements de température de l’océan

Selon une nouvelle étude, la fonte des plateformes de glace dans l’Antarctique occidental accélère et ralentit de manière périodique en réponse aux changements de température de l’océan. Ces variations naturelles sont susceptibles d’être exacerbées par le changement climatique.

Des scientifiques britanniques, américains et coréens viennent de publier dans la revue Nature Geoscience les résultats de leur analyse de la température dans la mer d’Amundsen (Antarctique occidental). L’étude révèle un cycle de réchauffement et de refroidissement de l’océan sur 16 années d’observation.

Ice Shelf Antarctic

Plateforme de glace de l’Antarctique (Crédit : Georges Nijs)

Bien que la perte de masse de la calotte glaciaire ait augmenté pendant une période chaude, elle s’est stabilisée et, dans certains cas, a diminué pendant des phases plus froides. Ce cycle pourrait être lié aux variations naturelles d’El Nino bien plus au nord, dans l’océan Pacifique tropical.

Ces résultats devraient permettre de meilleures prévisions de fonte des glaciers et affiner l’évaluation de leur contribution à l’élévation du niveau de la mer.

Au cours de huit étés antarctiques de 2000 à 2016, l’équipe internationale a observé des changements de température, de salinité et de courants près de la plateforme de Dotson.

Les fluctuations de température dans la mer Amundsen relativement chaude (~ 0,5-1 ° C) entraînent des variations dans le rythme de fonte plus importantes que celles qui se produisent le long de certaines parties du littoral antarctique où les températures océaniques profondes sont inférieures (~ -2 ° C).

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Carte montrant les taux de migration de la ligne d’échouage et leur coïncidence avec les conditions océaniques autour de l’Antarctique entre 2010 et 2016 (températures du fond marin: Locarnini et al., 2013. World Ocean Atlas 2013,2013. World Ocean Atlas 2013, Volume 1: Temperature. S. Levitus, Ed., A. Mishonov Technical Ed.; NOAA Atlas NESDIS 73, 40 pp.). Grounding line locations are from Rignot et al., 2013, Science 341 (6143), pp. 266-270. Credit : Hannes Konrad et al, University of Leeds.

C’est la première fois qu’un cycle complet pluriannuel de changement de température de l’océan et des changements du rythme de fonte glaciaire sont documentés dans cette région.

Les chercheurs ont échantillonné tout un cycle froid-chaud-froid dans l’océan et ont pu observer les taux de fonte de la plateforme Dotson monter en flèche, puis retomber.

Le taux de fonte à la base de la plateforme de glace Dotson était à peu près le même en 2012-2016 qu’en 2000 (les deux périodes froides) et beaucoup plus faible qu’entre 2006 et 2009 (période chaude). Dans la partie la plus froide du cycle, la masse de la banquise a augmenté et la fonte de la calotte glaciaire a ralenti, indiquant que la calotte glaciaire peut réagir rapidement.

Ce cycle naturel jouerait donc un rôle clé dans la modification à court terme mais ce réchauffement périodique des océans risque d’être exacerbé par le changement climatique, comme le montrent les derniers chiffres.

D’après une récente étude sur le bilan de masse de la calotte glaciaire antarctique de 1992 à 2017, les pertes de glace de l’Antarctique ont fait grimper le niveau global de la mer de 7,6 millimètres, avec une augmentation du rythme ces dernières années. La perte de glace du continent a été multipliée par trois depuis 2012.

L’Antarctique de l’Ouest a connu la plus grande variation récente, avec une perte de glace de 53 milliards de tonnes par an dans les années 1990 à 159 milliards de tonnes par an depuis 2012. Avec une contribution majeure des grands glaciers de Pine Island et de Thwaites.

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Contribution de l’Antarctique au niveau de la mer. Crédit: IMBIE/Planetary Visions.

Pour le moment, les plateformes de glace limitent l’écoulement de la glace vers l’océan, agissant comme un contrefort pour retenir la couche de glace sur le continent antarctique.

Là où les eaux chaudes de l’océan s’écoulent sous les plateformes de glace, elles peuvent entraîner une fonte rapide par le bas. Des plateformes de glace amincies ou fragmentées perdent leur rôle de contreforts. Ce processus conduit à l’élévation du niveau de la mer, car plus de glace se déverse dans l’océan. On peut voir ci-dessous comment la ligne d’échouage (grounding line) recule avec le réchauffement de la mer, précipitant l’avancée du glacier vers l’océan.

Grounding_line

Animation montrant comment le mouvement horizontal des lignes d’échouage des glaciers est détecté en utilisant les mesures par satellite du changement d’élévation.Crédit: Hannes Konrad et al, Université de Leeds.

On pense que la région de l’Antarctique de l’ouest est particulièrement vulnérable à la fonte car elle est principalement constituée de glaciers reposant sur des roches situées sous le niveau de la mer.

Au cours des 40 dernières années, les glaciers qui s’écoulent dans le secteur de la mer d’Amundsen ont fondu à un rythme accéléré. Plusieurs modèles numériques laissent entendre qu’un retrait inexorable de la ligne d’échouage est en cours.

8 réponses »

  1. Bonjour,

    Je me permets de formuler une hypothèse, probablement un peu simpliste.

    1) le réchauffement climatique augmente la fonte des glaces de l’inlandsis antarctique.
    2) La quantité d’eau douce augmente à proximité du continent, modifiant la salinité de l’eau.
    3) Vers les mois de mars et avril, le froid touche d’abord les côtes de l’Antarctique, et malgré la hausse des températures, la moindre salinité permet la formation rapide de la banquise.
    4) Vers les mois d’août septembre, la banquise atteint des zones moins impactées par l’eau douce, car plus lointaines. La salinité n’ayant pas changée, la banquise se forme moins vite et le début de dégel, en octobre novembre, est plus rapide.

    Pour résumer, la banquise antarctique se développerait plus rapidement en mars avril, mais son extension maximale serait moins forte.

    Je suis conscient que je n’intègre dans ce raisonnement aucun échange entre surface et profondeur des océans, ni l’impact des courants marins existants. Mais cela permettrait peut-être de mieux comprendre l’extension et la régression des glaces de mer dans l’hémisphère sud.

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    • Bonjour Parmantier,
      Tout d’abord, il faut distinguer les plateformes de glace de la glace de mer. Les plateformes sont des extensions marines des glaciers. La glace de mer en Antarctique est soumise à d’importantes fluctuations saisonnières. La différence entre la saison estivale et hivernale est davantage marquée en Antarctique qu’en Arctique (de 18 à 3 millions de km2 pour l’Antarctique, de 15 à 6 millions en Arctique). Pour des raisons géographiques, en Antarctique, l’extension est très forte en hiver car la glace a davantage de marge de manoeuvre vers le large que dans l’Arctique, bordé par des continents. En été, la glace de mer de l’Antarctique fond considérablement. L’Arctique est un océan, l’Antarctique un continent. La glace de mer est plus épaisse en Arctique. Autre différence notable, les vents puissants qui soufflent d’ouest en est de manière ininterrompue. L’Antarctique est soumis à deux modes de variabilité naturelle majeurs : Enso et le Southern Annular Mode (SAM).
      Il me semble que la glace de mer est un indicateur du réchauffement climatique dans l’Arctique mais qu’en Antarctique, il faut davantage regarder du côté des plateformes de glace et des glaciers.

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      • Bonjour Johan,

        L’index sie de l’Antarctique est pour le moment sur le départ d’un record bas.
        Une question, physiquement, est-il « mécanique » que l’accélération de l’écoulement des glaciers, de leurs fracturations, de l’humidité accrue, instabilités/tempêtes accrues puis précipitations accrues et donc de la formation de la glace de mer puisse donner un boost sur la stratification des mers environnantes ? Au final mieux conserver et archiver également de la chaleur plus profondément avec toutes les conséquences que cela peut induire (retard dans la formation, fonte facilitée/plus brutale avec l’apparition de polynies plus nombreuses et grandes par exemple) ?
        En quelques mots, la « bufférisation » de la chaleur dans les mers aux pôles est-elle une boucle de rétroaction positve – dont la finalité est de pouvoir laisser une plus grande part de chaleur du système se dissiper ?

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        • Bonsoir Ghtuz,

          L’eau de fonte libérée par les plateformes de glace et les glaciers de l’Antarctique est plus douce que l’eau de mer et moins susceptible de plonger. Le réchauffement des eaux profondes de l’Océan Austral, augmenterait la fonte par le dessous des plateformes de glace et favorisait le maintien d’une couche d’eau froide et peu salée en surface, plus susceptible de geler. Ce qui contribue à davantage de stratification.
          En revanche, je ne sais pas si on peut parler de rétroaction positive. Pour la température de l’air, je ne pense pas, comme le suggèrent les études de James Hansen, mais pour le niveau de la mer, en revanche, cela pourrait être une rétroaction positive. En tout cas, des archives semblent le montrer (voir https://global-climat.com/2017/01/08/le-rechauffement-moderne-reproduirait-les-bouleversements-passes-de-lantarctique/).

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      • Bonjour Johan,

        Ce que je cherchais à expliquer était que l’accélération de la fonte des glaciers de l’Antarctique avait probablement un effet sur le développement de la glace de mer au large du continent. Plus (+) d’eau douce et donc, formation plus rapide de la glace de mer proche du continent. Mais cet effet s’altère selon la distance et donc la saison.

        Le développement de la glace de mer deviendrait ainsi un élément d’analyse de ce qui se produit sur les glaciers continentaux de l’Antarctique.

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        • Bonsoir Parmantier,

          « Le développement de la glace de mer deviendrait ainsi un élément d’analyse de ce qui se produit sur les glaciers continentaux de l’Antarctique. » Je suis assez d’accord avec ça, comme je viens de le dire dans la réponse précédente à Ghtuz. Il semble y avoir des indices de cela de le passé et cela semble assez cohérent avec ce qui se passe actuellement.

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  2. Bonjour
    Ce courant d eau douce qui augmente la banquise porte un nom. Sur un reportage de samedi, j ai suivi l’expédition qui se faufilait sous la banquise avec des scaphandres. Ils ont donné un nom à ce courant mais j’ai oublié de le noter. Pouvez vous me renseigner ?
    Merci Mme Bretons

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