Voici un phénomène qui peut sembler contre-intuitif. D’après une nouvelle étude, plus la sensibilité climatique est élevée, plus la variabilité climatique décennale est susceptible de l’être également. Ce qui signifie que dans un monde de haute sensibilité, il y a plus de chances qu’il y ait des périodes d’augmentation de température et de refroidissement marquées.
Une équipe de scientifiques de l’Université d’Exeter et du Centre d’écologie et d’hydrologie du Royaume-Uni vient de publier une nouvelle étude sur les causes des sursauts et des ralentissements du réchauffement.
D’après l’article publié dans Nature Cimate Change, les modèles montrent qu’un climat très sensible à la concentration de CO2 est susceptible de présenter de plus grandes variations sur une décennie.
La nouvelle étude montre qu’une décennie avec un rythme de réchauffement ralenti risque davantage de se produire si le climat est plus sensible aux émissions de dioxyde de carbone.

Credit: NASA SVS/NASA Center for Climate Simulation)
La sensibilité climatique traduit par convention l’augmentation de la température de la surface de la Terre liée à un doublement des niveaux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Les estimations de la sensibilité climatique, selon les approches, vont de 1,5°C à 4,5°C.
De nombreux processus influent sur la valeur de la sensibilité climatique, notamment l’impact des nuages, la vapeur d’eau atmosphérique et les modifications de l’albédo de la surface de la Terre lorsque la neige et la glace fondent.
Lorsque que l’on retient les modèles climatiques sensibles au CO2, on s’aperçoit paradoxalement qu’ils sont encore plus susceptibles d’avoir de courtes périodes de refroidissement.
L’étude montre que les décades de refroidissement ou « hiatus » sont deux fois plus probables vers la fin du siècle dans les modèles à haute sensibilité (modèles tablant sur + 4,5 ºC pour un doublement de la concentration de CO2), par rapport aux modèles à faible sensibilité (modèles tablant sur +1,5 ºC après avoir doublé le CO2).
Une période de pause serait de 2,2 fois plus probable dans un monde où la sensibilité climatique (ECS) est élevée (ECS = 4,5 K) que dans un monde où l’ECS est réduite (ECS = 1,5K).
Bien que certaines études indiquent que le ralentissement récent peut en partie s’expliquer par une diminution du forçage, les résultats de l’étude montrent que même si le forçage est resté constant, une tendance temporairement réduite ne signifie pas pour autant que la sensibilité climatique soit faible.
Mais attention, l’étude a également étudié la possibilité qu’une décennie du 21e siècle se réchauffe autant que la totalité du 20e siècle. Un scénario que l’équipe de recherche a qualifié de « hyperwarming », avec un taux de réchauffement supérieur à +0,7°C sur une décennie.
Dans un scénario où les émissions de dioxyde de carbone provenant des combustibles fossiles continuent d’augmenter, les risques de réchauffement excessif dépendent particulièrement de la sensibilité climatique.
Pour un scénario futur de forçage anthropique croissant, la sensibilité climatique affecte à la fois la moyenne et la variabilité du taux de réchauffement planétaire. Alors qu’une décennie d’hyper-réchauffement se produit très rarement pour une ECS <2,5 K, elle survient 8% du temps pour une ECS> 3,5 K.
Ces résultats indiquent que le concept de sensibilité climatique est pertinent non seulement pour le réchauffement global moyen à un niveau donné de CO2 atmosphérique, mais également pour la variabilité de la température sur des échelles de temps décennales.
Contre-intuitivement, cela suggère donc que le ralentissement du réchauffement de la planète entre 2002 et 2012 est en fait plus probable dans un monde où la sensibilité climatique est élevée.
Cela signifierait également que des décennies de réchauffement très rapide sont également beaucoup plus probables si la sensibilité climatique est élevée, conclut l’étude.
Certaines estimations basées sur le bilan énergétique du système climatique actuel penchent plutôt vers la fourchette basse du GIEC, environ 1,6 à 2°C. D’un autre côté, les modèles climatiques plaident pour une sensibilité d’environ 3°C. Les données paléo montrent que la sensibilité pourrait être encore plus grande quand des rétroactions lentes auront joué.

Estimations de la sensibilité climatique (°C) tirées de plusieurs études (noir et gris) étudiés sur plusieurs échelles de temps de réponse allant de 10-1 à 102 ans (couleurs). Les points sont les meilleures estimations (en utilisant la médiane des distributions pour cette étude); les lignes pleines épaisses représentent 66% de probabilités et les lignes pointillées 95% de probabilités. Source : Phil Goodwin/Earth’s Future.
D’après une étude récente, la meilleure estimation de la sensibilité climatique de 2,9°C (allant de 1,9 à 4,6°C) quand on prend en compte les rétroactions à l’échelle du siècle.
Catégories :Climat
En effet, c’est contre-intuitif! Du coup, j’imagine qu’en calculant la variabilité présente et future sur des périodes de temps assez longues, on pourrait en déduire une estimation plus précise de la sensibilité du climat au CO2, à partir des modèles les plus conformes aux observations.
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