Climat

Température mondiale : mise à jour du bilan 2019

La quasi-totalité des bilans de température pour l’année 2019 sont désormais disponibles. La moyenne tirée des satellites, des réanalyses, et des stations au sol permet de dire que 2019 est la deuxième année la plus chaude de l’ère instrumentale.

Les données de température annuelle de l’année 2019 étaient déjà disponibles pour les satellites (UAH, RSS) et les réanalyses (notamment NCEP-NCAR et ECMWF). La NASA, la NOAA, Berkeley Earth et la JMA, qui utilisent des stations au sol et la température à la surface de la mer, viennent de délivrer leurs résultats. Le Met Office a fait une annonce préliminaire (les données sont disponibles pour la période janvier-novembre seulement).

Venons-en tout de suite à la NASA, qui propose une couverture globale (comprenant les régions polaires). L’agence américaine annonce que 2019 a été la 2e année la plus chaude depuis 1880 avec une anomalie de +0,98°C au-dessus de la moyenne 1951-1980, derrière le record de 2016 (+1,02°C). L’hémisphère sud a connu un record de chaleur en 2019. L’hémisphère nord est en deuxième position, derrière 2016.

Bilan multi NASA

Température annuelle globale par rapport à la période 1951-1980. Source : NASA.

Par rapport à la période 1880-1920, présentée par la NASA comme représentative de la période préindustrielle, l’anomalie atteint +1,2°C.

pre nasa

Anomalies de température globale par rapport à la période 1880-1920. Source : NASA.

Considérons maintenant les autres bilans de température globale. La plupart mettent 2019 à la deuxième place des années les plus chaudes, certains à la 3e place.

Je propose ici les données tirées des satellites (UAH, RSS), de deux réanalyses (NCEP-NCAR, ECMWF) et des relevés en surface terre/océan (NASA, NOAA, JMA, Berkeley Earth, Met Office). Afin de permettre la comparaison, les anomalies proposées ici sont toutes relatives à la période 1981-2010.

Où se situe 2019 dans les différentes archives ?

Voici donc un comparatif archive par archive pour positionner l’anomalie en 2019 par rapport à la même base 1981-2010.

RSS (satellite) : +0,594°C / 2è année la plus chaude

UAH (satellite) : +0,441°C / 3è

Bilan satellites 2019

Anomalies de température annuelle globale d’après RSS et UAH par rapport à la période 1981-2010.

NCEP (réanalyse) : +0,57°C / 2è

ECMWF (réanalyse) : +0,592°C / 2è

Réanalyses 2019

Anomalies de température annuelle globale d’après NCEP-NCAR et ECMWF (ERA-5) par rapport à la période 1981-2010.

NASA (surface) : +0,559°C / 2è

NOAA (surface) : +0,509°C / 2è

Berkeley Earth (surface) : +0,54°C / 2è

JMA (surface) : +0,42°C / 2è

Met Office (surface) : +0,444°C / 3è

surface 2019

Anomalies de température annuelle globale d’après NASA, NOAA, Berkeley, JMA et Met Office par rapport à la période 1981-2010.

Sur les neuf archives, sept donnent donc 2019 à la deuxième place, deux à la troisième. Toutes font de 2016 leur année record.

Les anomalies ayant toutes été ramenées par rapport à la période 1981-2010, il est possible d’en faire une moyenne montrant que 2019 est la deuxième plus chaude depuis le début des mesures. Le graphique démarre en 1979 car c’est la date du début des relevés satellites. Voici donc l’évolution pour la moyenne RSS, UAH, NCEP-NCAR, ECMWF, NASA, NOAA, Berkeley Earth, JMA et Met Office :

all 2019

Graphique global-climat. Anomalie de température annuelle globale par rapport à 1981-2010 pour la moyenne des données RSS, UAH, NCEP-NCAR, ECMWF, NASA, NOAA, Berkeley Earth, JMA, Met Office.

Pourquoi des différences entre les bilans ?

Les données mensuelles de température de surface (NASA, NOAA, Berkeley Earth, JMA, Met Office) sont recueillies par un réseau mondial de stations météorologiques, de navires et de bouées. Ce réseau mesure la température de l’air au-dessus des terres et la température de surface de la mer. Les méthodes utilisées par les différents groupes ne sont pas identiques.

Une différence majeure entre les ensembles de données est la manière dont les divers instituts gèrent un échantillonnage géographiquement inégal – il y a plus de stations météorologiques dans les latitudes moyennes de l’hémisphère nord et moins dans les tropiques et près des pôles. Il existe une différence dans le degré de sophistication avec lequel ils tentent de combler les lacunes du réseau de stations.

La NASA et Berkeley Earth proposent une couverture quasi-globale et sont généralement assez proches.  La couverture du Met Office, de la JMA et de la NOAA est plus réduite : faute de couverture polaire, les anomalies sont souvent moins élevées que celles de la NASA et de Berkeley Earth.

Outre les ensembles de données traditionnels basés sur les mesures de température de surface, il y a aussi des réanalyses atmosphériques (NCEP-NCAR, ECMWF), qui utilisent une gamme d’observations beaucoup plus large, notamment des données satellitaires combinées à un modèle de prévision météorologique, pour produire une analyse de la température globale complète. ECMWF utilise une réanalyse de dernière génération censée être plus performante que NCEP-NCAR.

Autre méthode, celle basée sur les relevés satellites. Les données sont publiées par deux organismes, RSS (de la société privée Remote Sensing Systems) et UAH (université américaine, située à Huntsville). Les satellites ne mesurent pas directement la température à la surface du sol, mais interprètent la température de la basse troposphère. Des sondeurs récupèrent les profils de température verticaux de l’atmosphère en mesurant l’émission thermique de molécules d’oxygène à différentes fréquences. De fait, il ne s’agit pas d’une véritable mesure brute de température, ce qui explique les divergences entre UAH et RSS.

Les données des sondeurs doivent être converties en estimations des tendances de la température et présentent des incertitudes importantes. UAH et RSS utilisent les mêmes instruments  mais un traitement différent conduit à des différences notables dans l’estimation de la température globale.

Le réchauffement ne se limite pas à la surface,  l’océan se réchauffe aussi en profondeur

Une nouvelle qui vient d’être publiée en janvier montre que le contenu en chaleur des océans a atteint un niveau record en 2019. L’article publié dans Advances in Atmospheric Sciences montre que l’océan n’a jamais été aussi chaud depuis le début des mesures. Plus précisément, l’anomalie de chaleur océanique (0−2000 m) en 2019 a atteint 228 zettajoules (ZJ =1021 Joules) au-dessus de la moyenne de 1981−2010 et 25 ZJ au-dessus de 2018 (à noter que cette mesure de 228  x 1021 peut être exprimée 22,8 x 1022  dans d’autres présentations). La valeur observée en 2019 est en forte hausse par rapport à 2018, pourtant déjà une année record.

OHC cheng 2019

Graphique global-climat. Anomalies du contenu en chaleur de l’océan entre 0 et 2000 mètres par rapport à la moyenne 1981-2010. Source : Source: Cheng/IAP.

Les valeurs de l’OHC pour les 2 000 m supérieurs ont été obtenues à partir de l’analyse océanique de l’Institut de physique atmosphérique (IAP) de Pékin et sont confirmées par les données de la NOAA.

Rang Année IAP NOAA/NCEI
1 2019 228 217
2 2018 203 196
3 2017 193 189
4 2015 185 180
5 2016 180 164

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26 réponses »

  1. Bon, ben l’entrée en glaciation imminente de nos chers dénialistes n’était pas non plus au programme de 2019.

    Plus sérieusement, je cherche la dernière fois que la terre a connu cette température globale moyenne dans les reconstructions. Quelqu’un a une piste ?

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    • À ce propos, je recommande les vidéos, solidement sourcées, du Réveilleur. Notamment celle-ci, à partir de 21min04sec: https://www.youtube.com/watch?v=GMoqkWjSGvw&t=1253s

      À l’échelle de la planète, on serait actuellement au niveau ou légèrement au-dessus du maximum thermique de l’Holocène, il y a entre 5000 et 7500 ans. Ensuite, il faut remonter à -125 000 ans pour trouver une période plus chaude, lors de la précédente période interglaciaire. Je crois avoir lu dans le livre « Six degrés, que va-t-il se passer? » de Mark Lynas, que cette période fut environ 1,5°C plus chaude que le niveau connu à la fin du XIXème siècle. Soit moins d’un demi degré de plus qu’aujourd’hui. Ce climat avait eu pour conséquence la fonte d’une bonne partie du Groenland, et des océans 5 à 7 mètres plus hauts qu’aujourd’hui. Je vérifierai tout ça demain.

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  2. Bonjour,
    Connaissez vous la quantité d’énergie « consommée » annuellement par la fonte des banquises arctiques et antarctiques ? Ce serait pour mettre cette énergie en perspective avec l’augmentation d’énergie stockée annuellement dans l’océan et avec cette augmentation de 25ZJ pour 2019. J’aimerais me rendre compte si les ordres de grandeur sont comparables. Merci.

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  3. En moins de 24 heures, je suis tombé sur deux articles à propos des modèles de simulation du climat nouvelle génération qui suggèrent, de deux façons très différentes, que la sensibilité climatique au CO2 a dû être nettement sous-estimée dans les précédents travaux et donc, aussi, dans les rapports du GIEC. Dans les deux cas, c’est la compréhension du rôle des nuage qui est en question.

    Le 1er article traite des projections climatiques à l’échelle du siècle. Les nouveaux modèles suggèrent que la rétroaction positive liée aux nuages de haute altitude serait plus importante qu’on l’avait cru, alors que la rétroaction négative liée aux nuages de basse altitude serait moins importante. D’où une fourchette réévaluée de 1,8-5,6°C pour la sensibilité (contre 1,5-4,5°C pour le consensus actuel), avec 10 modèles sur 27 trouvant une sensibilité de plus de 4,5°C.
    https://www.huffingtonpost.fr/entry/le-giec-a-t-il-sous-estime-le-rechauffement-climatique_fr_5e21771ac5b6321176118035

    Le second article (qui date de quelques mois, mais j’étais passé à côté) est à propos de la modélisation de l’optimum thermique de l’Eocène, à une période où la Terre était plus chaude qu’aujourd’hui de 15°C. Un modèle est parvenu, pour la 1ère fois, à reproduire ces conditions passées avec des taux de CO2 compatibles avec ce qu’indiquent les proxies. Dans ce modèle, un climat chaud abouti à une réduction de la couverture nuageuse, d’où moins de réflexion de l’énergie solaire vers l’espace et un réchauffement accru. Jusqu’alors les modèles sous-estimaient la température de cette période.
    https://sciencepost.fr/le-climat-du-debut-de-leocene-jusqua-32-c-de-temperature-moyenne-sur-le-globe/

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  4. Bonjour Johan,
    Sur le site de météofrance http://www.meteofrance.fr/climat-passe-et-futur/le-giec-groupe-dexperts-intergouvernemental-sur-levolution-du-climat/les-scenarios-du-giec, il est illustré les 4 scénarios du GIEC, soit RCP 2.6, RCP 4.5, RCP 6.0 et RCP 8.5. Considérant l’article que Maignial a cité, https://www.huffingtonpost.fr/entry/le-giec-a-t-il-sous-estime-le-rechauffement-climatique_fr_5e21771ac5b6321176118035, on mentionne que le premier (RCP 2.6) est le plus ambitieux et respecte l’objectif de l’Accord de Paris de contenir le réchauffement “nettement en dessous de deux degrés”, mais nécessite de réduire immédiatement les émissions de CO2 d’environ 10% par an. Tandis que le dernier (RCP 8.5) qui est le plus pessimiste verrait des parties de la Terre totalement inhabitable à la fin du siècle. Considérant aussi que la plupart des experts estiment déjà le premier comme hors d’atteinte, et le dernier peu probable, je suis songeur face à cette dernière affirmation. Selon moi, il serait prématuré d’exclure le scénario RCP 8.5, compte tenu que le pic mondial des émissions de CO2 n’a pas été atteint et ne semble pas être prévisible même dans un horizon lointain compte tenu que la concentration atmosphérique du CO2 pourrait doubler ou tripler d’ici à 2100, selon plusieurs articles ce que j’ai lu par le passé. Qu’en pensez-vous ?

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    • Bonjour Jacques,
      On peut lire beaucoup de choses sur les scénarios d’émissions en ce moment. Notamment que le scénario rcp 8.5 est trop pessimiste, que le rcp 2.6 est trop optimiste. Les RCP 4.5 et 6 apparaîtraient donc comme les plus crédibles si on écarte les deux extrêmes. On peut voir en tout cas que nous sommes à un carrefour, le moment où les scénarios commencent à diverger fortement. Donc en théorie ça semble assez ouvert.
      Mon avis n’a pas plus de valeur qu’un autre, d’ailleurs chacun peut donner son point de vue ici sur la question, ce serait intéressant. Pour ma part, je trouve le RCP 2.6 difficile à concevoir compte tenu de la tendance actuelle. Le RCP 8.5 suggère des émissions par habitant qui partent en vrille. Si la tendance en matière d’émissions par habitant se maintient et que la population mondiale dépasse les 10 milliards, il ne me semble pas exclu d’excéder le RCP6, sans aller jusqu’au RCP8.5.

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      • Pour y aller de mon avis d’amateur sur la question: le RCP 6.0 correspond à un taux d’équivalent CO2 d’environ 750 ppm. Sachant qu’on est aujourd’hui déjà à 500 ppm d’équivalent CO2, et que le rythme annuel d’augmentation est d’environ 3 ppm, si ça continue sur ce rythme d’ici la fin du siècle on sera effectivement dans ce scénario. Comme je ne vois aucun ralentissement des émissions humaines dans les prochaines décennies, vu l’état d’apathie voire de déni planétaire de nos dirigeants sur la question, et comme, par ailleurs, des puits de CO2 (comme l’océan) deviennent moins efficaces et des sources (comme le pergélisol) plus efficaces à mesure que ça se réchauffe, je ne serais pas étonné qu’on soit sur une trajectoire de 1000 ppm à la fin du siècle.

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      • Ma conviction est que nous extrairons/consommerons tout ce que nous sommes capables d’extraire. C’est pourquoi j’explore plus la voie de notre capacité à extraire (qui contrairement au lieu commun, ce que l’homme veut, l’homme peut, possède des limites) des quantités connues/projetables, plutôt que la voie d’une éventuelle volonté d’infléchir une course dont nous ne voyons pas les prémices d’un début.

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  5. La hausse des GES d’origine anthropique, ça tient à notre capacité à les extraire. L’AIE a annoncé le pic de production pétrolière, sans qu’elle soit nécessairement appelée à décliner à moyen terme. Mettons que l’humanité a au moins dix ans de sûrs au point de vue de son approvisionnement actuel. En dix ans ils y a plein d’incertitudes dans les relations internationales, dont certaines peuvent compliquer l’accès aux ressources du Moyen-orient ; dans cet intervalle on pourrait aussi bien avoir là ou ailleurs une crise agricole du genre de celle qui a précédé en les printemps arabes. Comme le pétrole n’est pas vraiment substituable pour transporter les gens et les choses (et gagner les guerres), j’ai un peu l’impression que les émissions humaines deviennent difficiles à prévoir et pourraient connaître des accrocs.
    On ne sait d’autre part toujours pas ce que le permafrost peut émettre comme carbone ni à quel rythme ni sous quelle forme, mais on sait qu’il y en a beaucoup pour ça.
    Ça fait deux grosses incertitudes pour préférer un scenario à un autre.
    Avec la contribution de Zelinka qu’évoque Maignal plus haut, on a encore une indication qu’on a de toute façon pas forcément besoin de mettre beaucoup plus de CO2 en action pour déjà observer des choses assez redoutables.
    Moi, je serais pour qu’on en reste là.

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      • Bonjour Jacques, la canicule a lieu essentiellement entre le nord de l’Argentine, le sud de la Bolivie et l’ouest du Paraguay. Malheureusement, je n’ai pu trouver aucune info complémentaire sur des sites français. Il doit falloir aller sur des sites latino-américains. Là je suis malade et j’ai la flemme, mais ce week-end j’essaierai d’en savoir plus.

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