Climat

CO2 : une concentration record de 417,85 ppm à Mauna Loa

Malgré la réduction des émissions de CO2 due à la pandémie de coronavirus, la concentration de dioxyde de carbone a atteint des niveaux record en avril 2020.

La crise du coronavirus et ses répercussions pourraient entraîner une baisse des émissions anthropiques de CO2 d’environ 4% en 2020, d’après une analyse du site Carbon Brief. Cette réduction est certes sans précédent mais cela ne se traduit pas encore sur la concentration de CO2. Celle-ci poursuit sa hausse avec un niveau record de 417,85 ppm relevé à Mauna Loa le 9 avril 2020. L’observatoire de référence situé à Hawaï mesure les niveaux de CO2 dans l’atmosphère depuis la fin des années 1950. Les premiers relevés faisaient état d’une concentration de 315 ppm en 1958.

La notion de concentration de CO2 est à distinguer des chiffres concernant les émissions de CO2. Les émissions représentent ce qui entre dans l’atmosphère en raison des activités humaines, dont la combustion des ressources fossiles et la production de ciment. La concentration indique ce qui reste dans l’atmosphère au terme des interactions entre l’air, la biosphère et les océans. Environ un quart du total des émissions de CO2 sont absorbées par les océans et un autre quart par la biosphère, tempérant l’impact des activités humaines.

La concentration de CO2 fait l’objet de variations saisonnières avec un pic situé habituellement vers avril-mai. La barre des 415 ppm avait été franchie pour la première le 11 mai 2019. Sur la période récente, la hausse se situe entre 2 et 3 ppm par an. Avec 417,85 ppm le 9 avril, il n’y a donc pas vraiment de signal discernable. D’autant que ce nouveau record est encore susceptible d’être battu d’ici fin mai 2020.

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Valeurs moyennes de CO2 par heure (cercles rouges) et quotidiennes (cercles jaunes) de Mauna Loa, Hawaï, au cours des 31 derniers jours. Source : ESRL/NOAA.

D’après Ralph Keeling, professeur au Scripps Institute of Oceanography, les émissions devraient baisser d’environ 10% pendant près d’une année pour être détectées par l’observatoire de Mauna Loa. Aucun événement dans l’histoire de 62 ans de la courbe de Keeling – y compris le ralentissement économique mondial de 2008 et l’effondrement de l’Union soviétique à la fin des années 1980 – n’a causé une telle baisse à ce jour.

En cas d’une baisse soutenue de 10%, Keeling estime que les niveaux de CO2 dans l’atmosphère seraient impactés à hauteur de 0,5 ppm.

D’une année à l’autre, la hausse de la concentration peut aussi accélérer ou ralentir en raison de phénomènes naturels comme El Niño.

Il n’est pas impossible qu’un effet sur la concentration de CO2 se produise dans les deux prochaines années. Auquel cas, cela signifierait que la crise perdure. Evidemment, avec les conséquences sanitaires que cela impliquerait, le bénéfice en matière de concentration de CO2 ne serait pas un motif de réjouissance.

La crise pourrait n’avoir qu’un faible impact sur le changement climatique à long terme car la tendance est soutenue depuis le début des mesures et semble peu affectée par la conjoncture. Pour respecter l’Accord de Paris et limiter le réchauffement climatique de la planète à 1,5°C, il faudrait que les émissions mondiales de CO2 baissent d’environ 6 % par an pendant la prochaine décennie. C’est davantage que la diminution anticipée pour 2020 avec la crise actuelle.

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Concentration de CO2 à l’observatoire de Mauna Loa. Source : ESRL/NOAA.

Si l’histoire montre que les niveaux de dioxyde de carbone reprennent généralement leur ascension rapidement quand l’activité économique normale rebondit, nul ne peut dire aujourd’hui quelle seront les implications de la crise actuelle, d’autant plus qu’on ignore encore quelle en sera l’échéance. Cette pandémie pourrait-elle être suivie par de changements systémiques plus profonds ?

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11 réponses »

  1. Il me semble avoir lu quelque part que l’effet de nos émissions ne se fait vraiment sentir que plusieurs années (ou plusieurs décennies…?) après, si c’est le cas une baisse de nos émissions actuelles ne se ressentirait pas avant longtemps, vous avez des infos là-dessus ?

    Par ailleurs baisse des émissions ne veut en aucun cas dire baisse des concentrations, par conséquent en tenant compte de l’inertie du système climatique la hausse des températures n’est pas près de s’arrêter, vous confirmez ?

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    • Il y a effectivement un décalage entre les émissions de CO2 et leur plein effet sur la température de l’atmosphère. Mais il ne s’agit pas de cela ici. Il s’agit plutôt du lien entre émissions anthropiques et concentration. D’après Keeling, une baisse des émissions de 10% sur une période d’un an environ pourrait jouer à hauteur de 0,5 ppm, sachant qu’habituellement, la concentration augmente de 2 à 3 ppm par an. On parle actuellement d’une baisse des émissions de 5% sur une cinquantaine de jours, ce qui est encore trop modeste pour être détectable dans le niveau de concentration.

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  2. Bonjour.
    Seulement 5% de baisse alors que toute l’activité économique occidentale est à l’arrêt ?!?.
    J’avoue que cela me semble vraiment bas comme chiffre. J’ai vu certains articles qui parlaient plutôt d’une baisse de 25% pdt la période de confinement, ce qui me semble plus plausible.
    A lui tout seul, le trafic aérien représente 1,5% des émissions mondiales. Or, il ne fonctionne quasiment plus.
    Apres, c’est vrai que ça ne sera pas toute l’année comme ça.

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  3. Bonjour,
    Je suis l’évolution de la teneur en CO2 au niveau de Mauna Loa, référence internationale. L’absence d’inversion non-saisonnière même minime est d’autant plus étonnante que la zone pacifique de Mauna Loa semble ciblée par le courant de diffusion issu de la Chine considérée comme source très importante de CO2 et où la décroissance des polluants aériens a décru fortement ces derniers mois. Il y a peu de place pour la contestation de la prédominance de l’excès d’effet de serre dû au CO2. Je vous propose de suivre les liens suivants: https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02418659v2 (rejeté par plusieurs journaux scientifiques sans reviewing) et https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02488611v2. Il y a peut-être du grain à moudre. C’est ouvert à la contradiction. C’est d’elle que jaillit la lumière en sciences, pas des dogmes.

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    • Bonjour,

      «L’absence d’inversion non-saisonnière même minime»
      Quels auraient été les mécanismes pour cela, ceux qui retirent le CO₂ de l’atmophère et de manière suffisante ?
      Rien n’affirme que la Chine était à 0 émission durant cette période.

      «la zone pacifique de Mauna Loa semble ciblée»
      Il faudrait en être sûr et si le temps d’exposition (3 mois en continu) par ces courants est représentatif.
      Sinon, vous avez aussi le choix des relevés, le SCRIPPS fournit aussi ceux d’une station au pôle Sud, si vous doutez du bruit engendré par le fait que ce site se situe bien plus proche d’une zone volcanique active que de la Chine.

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  4. Je ne vois pas dans ces mouvements des ppm du co2 les effets des incendies de foret en Australie, l’année passée ni les feux aux USA, au Brésil, en Indonésie l’été passé. Or un calcul rapide montre qu’ils ont émis au moins autant de CO2 que nous en avons épargné grâce à la crise.

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    • Bonjour,

      Ce calcul en particulier a des limites. 😉

      Les émissions seraient imperceptibles, ici, dans les mouvements saisoniers mesurés à un endroit précis** qui engagent des quantités plus grandes, sur une période bien plus longue et d’une homogénéité bien meilleure.
      Les effets des incendies se mesurent sur leur répétition en transformant des surfaces (sols, végétation) en puit à carbone de moindre efficacité voire en émetteur net. Par exemple: https://www.nature.com/articles/nature24668

      **En raison de la localisation des points de mesure, il faut prendre donc en compte que les océans absoberaient encore (par ses eaux de surface de moins en moins froide et des courants de plus en plus affaiblis) en partie tout «sursaut» d’émission afin de maintenir l’èquilibre CO₂-HCO₃⁻ avec l’atmosphère, mais entrainant leur acidification progressive. Par exemple: http://ressources.unisciel.fr/atmosphere-oceans/co/chap2.html

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  5. Bonjour,
    Il me semble que Hawaii est exactement sur une zone volcanique de point chaud.
    Personne ne semble se poser la question du relargage du CO2 par cette activité volcanique.
    Je rappelle donc que la principale source CO2 depuis la création de la Terre est le magma dégazant en pression moindre lors de sa remontée vers la surface terrestre.
    Avant de supputer sur d’éventuelles autres sources, sonder l’activité des chambres magmatiques sous L’île d’Hawaii.
    Cordialement
    Thierry

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