Climat

Retour sur les vagues de chaleur récentes en France

« C’est normal qu’il fasse chaud, c’est l’été ». On peut trouver de nombreux messages de ce type minimisant les alertes météo sur les réseaux sociaux. S’il y a déjà eu des épisodes similaires dans le passé, c’est qu’il n’y a rien d’anormal.

Le recensement des vagues de chaleur depuis 1947 ne devrait pourtant laisser aucun doute. Météo France a comptabilisé 45 vagues de chaleur depuis 1947. Sur les 35 dernières années, elles ont été 3 fois plus nombreuses que sur les 35 années précédentes. 

Depuis le milieu des années 1980, les records de chaleur sont systématiquement plus nombreux que les records de froid. On a observé au XXIe siècle deux fois plus de records chauds que la normale mais quatre fois moins de records froids.

En France, la vague de chaleur dépend de l’indicateur thermique national qui représente la température moyenne à l’échelle du pays.

Pour répondre aux critères d’une vague de chaleur, l’indicateur thermique national doit atteindre 25,3°C ; ne doit pas descendre une seule fois sous 22,4°C et plus d’une fois sous 23,4°C sur une période de trois jours.

Deux vagues de chaleur ont déjà été recensées rien que pour cet été 2022. Celle de la mi-juin est la plus précoce jamais enregistrée depuis le début des mesures en 1947 et aussi une des plus intenses. De nombreux records mensuels de température ont été battus, et même quelques records absolus.

L’infographie ci-dessous montre l’augmentation des phénomènes depuis 1947 ( sachant que les épisodes de 2022 n’y figurent pas). Seulement deux vagues de chaleur en juin avant 2000, déjà cinq depuis (avec ce celle de 2022). Le constat est le même pour les mois de juillet et d’août. Les vagues de chaleur sont particulièrement intenses sur les 20 dernières années.

Source : Météo France

Malgré ce bilan statistique et une tendance assez accablante au réchauffement annuel moyen en France, la vague de chaleur de juin 1976 a été citée maintes fois sur les réseaux sociaux pour tenter de démontrer que la canicule de juin 2022 n’avait rien d’exceptionnel.

Il y a bel et bien eu une vague de chaleur notable en 1976, ce point n’est pas à discuter. Elle a nettement distingué la France du reste du globe et la sécheresse de l’époque a marqué les esprits.

Rappelons les anomalies observées en juin lors des vagues de chaleur de 1976 et 2022 (une période de 7 jours a été retenue ici pour comparer les deux pics).

  • Anomalie en France du 24 au 30 juin 1976 : +4,8°C
  • Anomalie globale du 24 au 30 juin 1976 : -0,482°C
  • Anomalie en France du 14 au 20 juin 2022 : +5,7°C
  • Anomalie globale du 14 au 20 juin 2022 : +0,519°C

La vague de chaleur de 1976 s’est déroulée à un moment où la température globale était de -0,48°C sous la moyenne 1981-2010, soit environ 1°C de moins que celle de juin 2022. En France L’intensité de la vague de chaleur de 1976 fut moindre que celle de 2022, +4,8°C d’anomalie sur 7 jours, comparé à +5,7°C.

Passons maintenant aux cartes d’anomalies, qui peuvent peut-être de donner une vision plus concrète de la multiplication des vagues de chaleur à travers le monde.

La carte ci-dessous basée sur les données ERA5 permet de comparer directement les deux périodes en déplaçant le curseur vers la droite (pour découvrir 1976) ou vers la gauche (2022). On y voit d’une part le réchauffement généralisé mais aussi une multiplication des régions marquées par des températures extrêmes par rapport à la climatologie.


La carte suivante se lit selon le même principe. Elle se distingue cependant par les couleurs utilisées pour montrer les anomalies. Seuls les anomalies en dessous de -2,4°C et au dessus de +2,4°C sont colorées. Tout ce qui se situe entre -2,4°C et +2,4°C sur une semaine apparaît en neutre (blanc). Cela permet de faire ressortir uniquement les extrêmes froids et chauds (en matière d’anomalies, pas dans l’absolu) à travers le globe.

La carte du 24 au 30 juin 1976 fait clairement ressortir la vague de chaleur en France qui apparaît comme exceptionnelle relativement à ce qui se passe ailleurs. Des anomalies froides notables sont assez largement disséminées.

Sur la carte du 14 au 20 juin 2022, le changement est radical. Les anomalies froides importantes sont en très net recul. Des anomalies chaudes de plus de 5°C se multiplient en revanche. La vague de chaleur observée en France en juin 2022 n’est donc pas un fait isolé, contrairement à celle de 1976. On pourrait aujourd’hui multiplier les exemples de ce type en prenant n’importe quelle période.


On peut notamment se pencher sur d’autres vagues de chaleur pour illustrer la tendance. Ci-dessous, les cartes d’anomalies globales pour plusieurs vagues de chaleur (1976, 1983, 2003, 2019, 2022) faisant ressortir les extrêmes.

Anomalie en France du 24 au 30 juin 1976 : +4,8°C

Anomalie globale du 24 au 30 juin 1976 : -0,482°C


Anomalie en France du 9 au 15 juillet 1983 : +4°C

Anomalie globale du 9 au 15 juillet 1983 : -0,038°C


Anomalie en France du 4 au 10 août 2003 : +7,3°C

Anomalie globale du 4 au 10 août 2003 : +0,226°C


Anomalie en France du 24 au 30 juin 2019 : +6°C

Anomalie globale du 24 au 30 juin 2019 : +0,648°C


Anomalie en France du 14 au 20 juin 2022 : +5,7°C

Anomalie globale du 14 au 20 juin 2022 : +0,519°C

En France, quel que soit le scénario d’émission de gaz à effet de serre envisagé, la fréquence et l’intensité des vagues de chaleur sont amenées à augmenter dans les prochaines décennies. La fréquence des événements devrait doubler d’ici à 2050. En fin de siècle, en cas de poursuite de fortes émissions de gaz à effet de serre dans les prochaines décennies, ces événements pourraient être non seulement bien plus fréquents qu’aujourd’hui mais aussi beaucoup plus sévères et plus longs, avec une période d’occurrence étendue de la fin mai au début du mois d’octobre.

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8 réponses »

  1. Bonjour Johan,
    Je ne sais pas si vous avez pu lire cet article préoccupant.
    Des climatologues de l’Université de Cambridge ont publiés le 1er août dernier une étude dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) portant le titre « Réchauffement climatique : le risque d’extinction de l’humanité serait sous-estimé ». Les auteurs de cette étude y mentionne en conclusion que le risque d’extinction de l’humanité a été « dangereusement sous-exploré ». Selon eux, les conséquences catastrophiques du changement climatique, y compris celle d’une potentielle extinction de l’humanité, ainsi que ses mécanismes ne seraient pas suffisamment pris au sérieux par les scientifiques en général. Afin d’évaluer les risques, les auteurs de l’étude demandent au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de réaliser un rapport spécial sur les conséquences des changements climatiques « catastrophiques », afin de galvaniser la recherche et d’informer le grand public. https://www.geo.fr/environnement/rechauffement-climatique-le-risque-dextinction-de-lhumanite-serait-sous-estime-selon-une-etude-211175

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    • Dans la droite ligne de la pensée de feu Lovelock, c’est une étude dans le but de [nous] faire avaler la géoingé comme moyen de sauver l’humanité sans rien changer derrière si cela le nécessiterai – et AMHA cela le nécessitera. Et tout ceci sera même vendu comme « vert » face à l’urgence. Marchandisation de notre milieu et profit, étant le progrès, cela ne doit être stoppé.
      Bref, depuis le rapport Meadows, il y a cette passable sensation que rien n’a avancé. Mais de tout ça, nous allons en bouffer.
      Enfin comme le souligne l’autre sauce de l’oncle rance, puis proche de nous encore, le soleil évoluant en géante rouge sinon le big-crunch; on a encore le temps de souffrir de sécheresse avant que ce sort tout à fait naturel se produise.
      En attendant, on peut toujours se faire peur effectivement en allant sur ce genre de site : https://arctic-news.blogspot.com et que finalement, en regardant des études comme celle-ci, ça peut aller aussi vite qu’ils le prétendent.

      «  Un beau jour, le pouvoir sera bien contraint de pratiquer l’écologie. Une prospective sans illusion peut mener à penser que, sauf catastrophe, le virage écologique ne sera pas le fait d’une opposition très minoritaire, dépourvue de moyens, mais de la bourgeoisie dirigeante, le jour où elle ne pourra faire autrement. Ce seront les divers responsables de la ruine de la terre qui organiseront le sauvetage du peu qui en restera, et qui après l’abondance géreront la pénurie et la survie. Car ceux-là n’ont aucun préjugé, ils ne croient pas plus au développement qu’à l’écologie ; ils ne croient qu’au pouvoir, qui est celui de faire ce qui ne peut être fait autrement.»
      B.Charbonneau, Feu Vert.

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    • Bonjour Jacques,
      Les auteurs exhortent à davantage de recherches sur les scénarios du pire, notamment la conjonction d’événements catastrophiques. Ca me semble très compliqué d’étudier les catastrophes multifactorielles… Quand à modéliser le facteur humain… C’est peut-être pour ça qu’on a peu d’études sur la question. Par exemple, chercher à étudier un effondrement de la société semble hasardeux. Comment ça se manifesterait concrètement ? Bon courage à ceux qui se lancent sur cette piste mais ça pourrait être intéressant.

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      • Hello JL,

        Concrètement, nous sommes en train de vivre cet effondrement.
        Ce n’est certes pas nouveau, le fait que des personnes comme A.Grothendieck pouvant être reconnue éminentes dans le monde «normal» en arrive à faire un pas de côté, tout lâcher et l’argumenter ne devrait pas laisser de marbre. Plus proche de nous, on peut toujours s’intéresser à ce qu’en pense les personnes qui se sont penchées depuis plus longtemps sur le sujet, que ce soit J.Diamond ou encore des analystes financiers (par exemple). Pour les catastrophes multifactorielles et le facteur humain, c’est un domaine très pointu dont je me souviens avoir croisé sur la toile un exemple concret qui m’a renvoyé sur le site ifrei.org .
        Enfin, un revirement du giec qui intégrerai ces scenario catastrophe dans son prochain AR en dira probablement plus long que n’importe quelle étude quantifiée sur son état d’avancement antérieur.

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        • Bonjour Ghtuz,
          Jared Diamond s’est penché sur les effondrements passés pour en chercher les causes. Il apparaît dans son livre que les effondrements ont été souvent liés à des facteurs environnementaux (si je me souviens bien car je l’ai lu il y a dix ans au moins) mais que le fonctionnement de la société joue un rôle déterminant. Certaines sociétés ont refusé, pour des raisons culturelles ou idéologiques, de changer leur comportement. Mais difficile de comparer le fonctionnement de groupes vivant en autarcie à celui des sociétés modernes interdépendantes.

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          • Oui, certaines communautés refusent tout ou partie du «progrès» pour autant d’excellente raisons, ne pas voir voler en éclat leur mode de vie, leurs valeurs, auxquels elles se satisfont et auxquels elles tiennent en regardant les vitrines high-tech. Perversion pour elles, obscurantisme pour d’autres. Quelle vérité est la meilleure ? Malheureusement pour elles, la techno-science et l’industrie restent des projets totalitaires.
            Dans le cas où le mode vie actuel serait non négociable, c’est effectivement un peu comme ne pas changer ou, miracle de la division du travail et de la dilution des responsabilités, se réfugier derrière une sorte d’inertie de groupe où tout est toujours imputable aux autres.

            Vis à vis de cultures anciennes ou pas, c’est aussi ce qui nous arrive aujourd’hui pour les même raisons, à une toute autre échelle et avec une culture cadrée par des récits rationalistes bien plus puissants. Quel désarroi lorsque le citoyen connecté apprends de la collapsologie la fin très probable de son techno-tope en raison des dégâts que la science même nous mets en garde; déni, colère, résignation, toute la science de la psyché y passe.
            En dehors des moyens, pas nécessairement financiers, à mettre en œuvre, cette apparente aboulie globale semble prise dans cette croyance, cet espoir (ce poison de l’esprit, menant à l’optimisme, qui est d’espérer sur le dos des autres) en la toute puissance de nos connaissance aussi fines soient-elles et entre nos moyens ambivalents qui auraient à la fois la prétention d’être sans conséquences, neutres et en même temps ayant la capacité d’agir sur la planète entière au point de pouvoir provoquer des désordre géopolitique jusqu’à notre anéantissement par irradiation. Allez comprendre !

            De Diamond (que je lis plutôt en fonction de ce que la toile en extrait et fournit en misant sur la pertinence), en passant par l’hypothèse de Ruddiman, on pourrait parfaitement en réduire notre principale erreur au choix de l’agriculture qui est apparue un peu partout sur le globe il y a plusieurs millénaires. Technique de survie ou de résilience dépendante de bien plus de facteurs naturels ou pas (conditions météo et ressources mécaniques et hydrique par exemple, «privatisation» et éradication de ce qui pourrait nuire à son exploitation dont les chasseurs-cueilleurs, et donc changement des sols), elle réclamera la hiérarchisation, le début du contrôle pour la distribution des fruits et donc son extension. Aujourd’hui encore, les flux tendus et la spéculation qui régulent notre économie nationale ou mondiale en montrent un angle particulièrement vulnérable en cas de trouble même très localisé.
            Pourquoi s’en priver tant qu’il est dit et répété que cela fonctionne quels que soient l’espace et le temps (et le temps) ?

            D’après ce que j’ai pu lire dernièrement à propos de la civilisation Américaine avant le XVIe siècle, elle n’avait absolument rien d’autarcique et n’avait rien à envier à son pendant européen; un virus porté par des porcs et bien plus mortel pour eux qu’un corona modifié de chauve-souris pour nous aujourd’hui, les a éradiqué avant la véritable colonisation. La preuve que ça circulait à très grande vitesse aussi. Bref, un cataclysme de civilisation comme un autre…

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  2. bonjour c’est Tonton,

    et il y a pire comme sujet d’angoisse pour les amateurs de sueur froide :

    la galaxie Androméde nous fonce dessus à 402 000 km/h.

    Je pense que si l’humanité venait à disparaître ce ne serait peut être pas si grave.
    En tout cas cela éliminerait pas mal d’imbéciles.

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  3. La galaxie d’Andromède va … « percuter » la Voie Lactée dans 4,5 Milliards d’années, et que va t’il se passer ?
    Ben… rien !
    De toutes manières, le Soleil aura déjà absorbé la Terre pendant sa lente agonie.

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