Climat

Les températures de surface de la mer au plus haut

Les océans du monde ont récemment subi un réchauffement rapide en surface. Les températures de surface de la mer sont à un niveau sans précédent depuis maintenant plus d’un mois. Alors que des conditions El Niño pourraient émerger dans le courant de l’année, le niveau atteint est déjà extrêmement préoccupant et a de quoi laisser perplexe.

Le graphique ci-dessous montre la température de surface d’après les données OISST de la NOAA entre 60S et 60N de latitude. La courbe en noir indique la température observée depuis le début de l’année 2023, celle en orange le niveau de 2022.

Source : Climate Reanalyzer/University of Maine

Le graphique suivant compare la température de surface en 2023 (en noir) à celle de 2015 (en gris), juste avant l’émergence du dernier épisode El Niño majeur. A l’époque, l’année 2015 avait d’ailleurs atteint un record pour les températures de surface de la mer.

Pourquoi cette comparaison ? Parce que nous pourrions voir émerger un épisode El Niño d’ici la fin de l’année, d’après la moyenne des modèles initialisés en avril 2023 (graphique ci-dessous), et que la différence avec 2015 est en train de s’accroître dans les observations. L’année 2016 avait été marquée par un record de chaleur au niveau global, largement lié au niveau de température à la surface des océans dans les mois précédents.

En ce qui concerne la prévision d’un futur El Niño, la moyenne des modèles dynamiques (en rouge foncé) table sur un pic à +1.5°C dans la région clé Niño 3.4. A noter qu’il s’agit de moyennes intermodèles sur trois mois et qu’un pic sur une plus courte période pourrait être davantage marqué. Lors du Niño 2015-2016, un maximum à +2.6°C avait été relevé. Nous sommes cependant encore trop loin de l’échéance pour avoir des certitudes sur l’état du Pacifique et il faudra au moins attendre d’avoir franchi la barrière du printemps pour avoir des prévisions plus fiables.

Source : CPC-IRI

Une prévision à +1.5°C dans la région Niño 3.4 signifierait un épisode à la limite inférieure de ce que l’on peut considérer comme un El Niño fort (entre +1.5 et +1.9). Seuls trois événements « très forts » ont été observés à ce jour (au-dessus de +2) : 1982-83, 1997-98 et 2015-16. Même si le prochain El Niño est moins intense que celui de 2015-16, le niveau actuel des températures promet des températures extrêmes en surface s’il émerge.

Comme dit précédemment, El Niño n’est pas garanti à ce stade de l’année. On peut simplement observer que les chances de voir un événement fort émerger ont été revues à la hausse par rapport au mois dernier. Le modèle NCEP CFSV2, dans ses toutes dernières projections du 25 avril, table sur un pic à près +2.5°C. A noter que NCEP CFSV2 n’est que l’un des différents modèles utilisés pour prévoir El Niño.

Source : NCEP CFSV2

Dans ce contexte, et au-delà de la possible émergence d’El Niño, on peut se demander pourquoi on observe un tel niveau de température à la surface des océans.

Il faut d’abord rappeler que le contenu en chaleur des océans ne cesse d’augmenter. En 2022, les océans ont continué à se réchauffer à l’échelle mondiale, avec un nouveau record du contenu en chaleur entre 0 et 2000 m. Ce réchauffement global des océans peut se traduire périodiquement par des remontées d’eau chaude en surface en fonction de la variabilité naturelle.

Voici le top 5 des années les plus chaudes pour les océans, d’après IAP (Institut de physique atmosphérique/Chine) et NCEI (National Centers for Environmental Information/USA). Les valeurs du contenu en chaleur sont des anomalies pour les 2000 m supérieurs en zettajoules (ZJ =1021 Joules)  par rapport à la moyenne 1981-2010.

RangAnnéeIAPNCEI
12022245238
22021234229
32020221211
42019214210
52017202189

L’augmentation inexorable de la température des océans est le résultat du déséquilibre énergétique de la Terre, principalement associé à des concentrations croissantes de gaz à effet de serre. On note également depuis 2014 une hausse de l’énergie solaire absorbée due notamment à la réduction de la couverture nuageuse et à l’albédo réduit.

Bien que les gaz à effet de serre tels que le CO2 n’affectent pas directement la quantité d’énergie solaire absorbée par la surface de la Terre, ils peuvent indirectement affecter la température et le climat de la Terre, qui à leur tour peuvent affecter l’albédo de la Terre, la couverture nuageuse et la circulation atmosphérique, entraînant des changements dans la quantité d’énergie solaire absorbée.

La tendance à la baisse de l’albédo a été dominée ces dernières années par les nuages (réduction de leur nombre et de leur épaisseur), un effet probablement amplifié par une diminution des aérosols réfléchissants. Une partie du réchauffement a été masquée au 20e siècle par les aérosols, qui exercent un forçage globalement négatif. C’est de moins en moins le cas depuis le début du 21e siècle et ce forçage négatif réduit pourrait expliquer une amplification du réchauffement climatique.

Il est difficile d’expliquer précisément pourquoi les océans sont aussi chauds actuellement mais une série de facteurs tendent à favoriser l’émergence de conditions chaudes à la surface des océans et du globe en général.

 

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4 réponses »

  1. A noter que depuis quelques mois les alizés sont anormalement faibles et fréquemment inversés dans le Pacifique sud , de plus le courant sud equatorial est aussi très faible. Tous ces signaux sont cohérents avec un Niño significatif.

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  2. Bonjour,

    Savez vous comment ces SST sont mesurées aujourd’hui ? Il y a 20 ans c’était des bouées dérivantes sur le globe qui mesuraient ces températures avec parfois des aléas importants.
    Merci
    Hervé

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    • Bonjour,
      Pour ce qui est des données présentées ici, il s’agit de NOAA OISST, qui comprend des observations diverses (satellites, navires, bouées et flotteurs Argo). Une méthode d’interpolation est utilisée pour combler les données manquantes. HadSST, utilisée par le Met Office, utilise des sources similaires.

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  3. Avec une température globale de surface des océans aussi élevée, les prochains mois s’annoncent plus chauds que l’an passé avant même l’impact du probable el niño à venir. On verra, mais je ne serais pas surpris de voir cette année finir au niveau de 2016 et 2020. La dernière estimation du Berkeley va dans ce sens:

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