Pluies diluviennes en avril

La Suisse et le Nord de l’Italie ont subi des précipitations exceptionnelles, qui ne se produisaient avant qu’une fois par siècle.  Un courant du sud très humide est monté vers les Alpes où un front froid est arrivé mercredi (MétéoSuisse 14 avril). Une pluie torrentielle a suivi ce choc de masses d’air.

L’évaporation de gouttes de pluie a refroidi les vallées de montagne; il a donc neigé en Suisse et en Savoie, plus d’un mètre de neige en un jour dans le village d’altitude Zinal. La couche épaisse recouvrait tout et cassait les branches d’arbres.

De tels débordements sont de plus en plus fréquents en Europe, et particulièrement en Italie, le mois passé en Toscane (vidéo), et le mois précédent en Sicile. Je regarde avec effroi la beauté de l’Italie partir à la dérive, et je crains qu’elle ne s’effrite peu à peu dans les déluges croissants. 

Certaines régions du Nord de ce pays ont reçu jusqu’à 500 mm de précipitations mercredi, et des inondations s’en sont suivies. Un glissement de terrain a emporté une route, plusieurs autres sont apparents. Deux personnes ont disparu en Italie, emportées par les eaux dans leur voiture. En Suisse, un touriste a péri dans une avalanche. Le trafic entre la Suisse et l’Italie était interrompu, Certains villages ont été coupés du monde et privés d’électricité. Les dégâts des infrastructures sont importants.

Augmentation prévisible

L’Organisation Météorologique Mondiale annonce que l’Europe doit s’attendre cette année, à des inondations et des vagues de chaleur semblables aux événements de 2024, qui incluent l’inondation de Valence ou celle de la tempête Boris en Europe de l’Est. Les sociétés et les économies doivent s’y préparer.

Les précipitations extrêmes en Europe s’aggravent beaucoup. Ce terme concerne par exemple la journée la plus pluvieuse de l’année. Les scientifiques s’intéressent à la quantité d’eau qui tombe ce jour-là, et constatent qu’elle est en forte augmentation. 

Une étude de Zeder et Fischer (lien) a montré une augmentation de pluies extrêmes en Suisse de 13% de 1900 à 2013, et même de 20% pour une saison de l’année, alors que les températures planétaires avaient augmenté de moins d’un degré Celsius.  En Europe du Nord, les pluies extrêmes ont augmenté de 20% (Kotz et Levermann, 2023, lien), Konstali et al, 2022, lien)  et presque tous les modèles climatiques ont sous-estimé ce changement (Kotz et Levermann, Wu). 

Les pluies extrêmes pourraient alors augmenter de 40% à 2°C de réchauffement, seuil dont le passage James Hansen prévoyait en 2040 et le GIEC vers 2050. C’est une grande différence.  De plus, il peut être mathématiquement démontré, mais je m’en abstiendrai ici,  que l’eau déversée par des événements plus extrêmes ou plus rares augmenterait encore plus, les événements qui se produisent tous les dix ans ou tous les cent ans apporteront des précipitations beaucoup plus importantes que par le passé. 

Les événements plus rares, exceptionnels, augmenteraient encore plus.  Il faut peut-être, de façon très approximative, considérer un doublement des intempéries centennales, ou même plus. Les conséquences sont souvent très graves. La pluie s’écoule dans les vallées, les ruisseaux et les rivières et s’y concentre. Si les précipitations doublent, le débit des rivières est multiplié par cinq ou par six. Nos villes sont rarement prêtes à des tels aléas.

En 2021 à New York, une pluie deux fois plus forte que normale a entraîné des inondations de rues, des métros, des caves. A Jakarta, lors d’un tel événement, des maisons se sont effondrées. A Paris, des précipitations de 179 mm d’eau en 2016 ont provoqué le débordement de la Seine, les quais et les rues attenantes ont été inondés, alors qu’une pluie de 133 mm n’avait pas provoqué de dégâts.

De plus, nous avançons maintenant dans un climat qui n’a jamais existé de mémoire humaine. Un tel monde, ainsi que le changement rapide qui nous y mène, pourrait accoucher de nouveaux événements météorologiques, inconnus de l’humain. Une accélération du réchauffement est aussi possible. Pour toutes ces raisons, des inondations très graves pourraient nous frapper. Nous devons donc être très vigilants, et préparer nos villes à des événements exceptionnels.

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