Climat

Les vents d’est du Pacifique ont masqué le réchauffement climatique

Les alizés se sont considérablement renforcés dans le Pacifique depuis une vingtaine d’années, ralentissant l’élévation des températures. En permettant à l’océan d’emmagasiner plus de chaleur, ces puissants vents d’est ont pu donner l’impression d’une pause dans le réchauffement climatique, selon une étude de l’université australienne New South Wales, publiée dans la revue Nature Climate Change.

Le relatif ralentissement du réchauffement climatique constaté depuis une dizaine d’années est peut-être en passe de trouver une explication. Les émissions de gaz à effet de serre ont bien continué à augmenter à un niveau soutenu au 21è siècle.  Pourtant, les températures n’ont pas suivi le même rythme que dans les années 90 et n’ont pas autant progressé que ce que les modèles climatiques prévoyaient. Malgré cette pause, les deux années les plus chaudes jamais enregistrées furent 2010 et 2005. Et 13 des 14 années les plus chaudes relevées l’ont été au 21è siècle.

Il faut dire avant toute chose que le réchauffement climatique ne se fait pas seulement sentir dans les températures de l’atmosphère. Plus de 90% du réchauffement induit par les activités humaines est emmagasiné par les océans  et la fonte des glaces arctiques atteste aussi d’un surplus d’énergie.

Il n’en reste pas moins que la pause suscite des questions et alimente le doute quand à la réalité du réchauffement climatique. Les modèles prévoyaient en effet une augmentation plus importante des températures. Ce hiatus pourrait en fait être dû à un renforcement important des vents qui soufflent entre l’Amérique et l’ouest du Pacifique, les alizés. Leur force est deux fois supérieure à la normale…

Les scientifiques ont longtemps suspecté qu’un surplus de chaleur emmagasiné par l’océan pourrait avoir ralenti la hausse des températures mais le mécanisme restait encore mystérieux, rappelle le professeur Matthew England, directeur de l’étude menée par l’université de New South Wales.

L’étude australienne montre qu’une accélération des vents d’est sans précédent a permis d’enfouir davantage de chaleur dans l’ouest de l’océan Pacifique, faisant remonter des eaux plus froides à la surface de l’autre côté, à l’est.  Ce renforcement des alizés aurait ainsi refroidi l’atmosphère de 0,1 à 0,2 degrés. Si l’on prenait en compte cette donnée, l’évolution des températures serait conforme à ce qui est prévu dans les modèles climatiques.

Cette pause ne signifie pas que le réchauffement climatique s’est arrêté, prévient Matthew England. Les alizés vont finir par faiblir  et leurs effets refroidissants vont cesser et même s’inverser d’ici une décennie, selon l’étude. Les températures augmenteront alors subitement.

Les vents sont actuellement vigoureux mais cela est probablement dû à une variabilité naturelle appelée oscillation pacifique décennale, dont les causes restent difficiles à établir.  Dans sa configuration actuelle, l’oscillation est marquée par de puissants alizés qui poussent la chaleur vers l’ouest et la font pénétrer dans l’océan Pacifique. Ce phénomène expliquerait  la période plutôt froide constatée entre les années 40 et 70. Depuis quelques années, la surface du Pacifique se refroidit mais la chaleur est stockée à seulement 125 mètres de profondeur. Matthew England note que les eaux du Pacifique se sont considérablement réchauffées ces 20 dernières années, jusqu’à 3°C à des profondeurs de 100 à 300 mètres.  Cette chaleur pourrait resurgir d’ici 5 à 6 ans, selon Matthew England, à la faveur d’un affaiblissement des alizés.

C’est alors que l’on peut parler d’El Niño… Quand il survient, les alizés faiblissent, l’eau chaude reflue vers l’est.  C’est justement cette configuration qui pourrait contrer l’effet refroidissant des vents d’est. Le dernier phénomène El Niño de grande ampleur, survenu en 1998, avait été marqué par un record de chaleur mondial. El Niño n’est cependant qu’un phénomène ponctuel et il faudrait une véritable inversion de l’oscillation pacifique décennale pour que les températures repartent durablement à la hausse.

Les dernières années ont été davantage influencées par des épisodes La Nina, marquées par des vents d’est plus puissants, donc propices, si l’on en croit l’étude de New South Wales, à un refroidissement de l’atmosphère. Quand l’oscillation pacifique s’inversera, et cela arrivera sans aucun doute, le rythme de l’élévation des températures atmosphériques pourrait repartir à un rythme encore plus élevé que celui constaté dans les années 90.

El  Niño serait d’ailleurs en passe de revenir, selon une étude publiée dans Proceedings of the National Academy of Sciences. L’Institut de recherche sur le climat de Potsdam a constaté qu’un an avant un épisode El Nino les températures de l’air au niveau de l’équateur et dans le reste du Pacifique semblaient se synchroniser. L’Institut estime ainsi à 75% les chances de voir survenir un épisode El  Niño cette année. L’année 2014 pourrait ainsi être la plus chaude jamais enregistrée.

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