James Hansen, l’un des plus grands spécialistes du climat, vient de tenir une conférence au MIT, haut-lieu de la recherche universitaire aux Etats-Unis, pour appeler à la mobilisation contre le changement climatique. S’adressant aux étudiants américains, il les invite à franchir le pas de la science à l’action, estimant qu’ils devaient montrer à leur gouvernement qu’ils se préoccupaient de leur avenir. De plus en plus engagé en politique, James Hansen estime que l’objectif de limiter le réchauffement à 2°C est insuffisant.
James Hansen a été l’un des premiers à alerter le public sur la réalité du réchauffement climatique, témoignant devant le congrès américain en 1988. En tant que directeur de l’institut Goddard des études spatiales, le principal laboratoire de science climatique de la NASA, il a contribué dès les années 80 à établir les premières données relatives aux températures terrestres globales. Il a cependant démissionné en 2013 de son poste afin de se consacrer à une lutte plus politique.
S’il ne veut pas être considéré comme un activiste, James Hansen a quand même choisi de ne plus être un employé du gouvernement américain afin de formuler ses critiques en toute indépendance. Sous l’administration de George W. Bush, James Hansen, avait été un moment prié de ne plus s’exprimer dans les médias. Après avoir espéré une inflexion de la politique environnementale à la faveur des promesses de Barack Obama, il a affiché sa déception depuis, publiant même une lettre ouverte au président américain afin qu’il accélère la transition énergétique. Il travaille aujourd’hui comme professeur adjoint au département de la terre et des sciences de l’environnement de l’université de Columbia et ne rate plus une occasion pour attirer davantage l’attention du public sur les enjeux du changement climatique.
Le dossier de Keystone XL est aujourd’hui le principal combat de James Hansen. L’oléoduc Keystone XL doit permettre d’acheminer le pétrole issu des sables bitumineux de l’Alberta, au Canada, vers les raffineries du Golfe du Mexique. Les sables bitumineux de l’Alberta, un pétrole non conventionnel visqueux et lourd, nécessitent une extraction bien plus énergivore et consommatrice d’eau que les hydrocarbures traditionnels. Les écologistes déplorent l’impact de l’extraction sur les forêts boréales canadiennes. En outre, un baril de pétrole extrait des sables bitumineux génère trois fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que la production d’un baril de pétrole classique. Le gouvernement de Barack Obama a décidé en avril 2014 de reporter sa décision sur l’ouverture de l’oléoduc controversé.
Dans les colonnes du New York Times, James Hansen avait estimé en 2012 que l’extraction des sables bitumineux signeraient un « game over » pour le climat. Il affirme que les sables bitumineux du Canada, s’ils étaient utilisés, auraient un impact encore plus grand que le pétrole depuis le début de l’ère industrielle. Leur exploitation, combinée à la poursuite de l’utilisation des combustibles fossiles traditionnels, pourrait selon James Hansen conduire à des niveaux de gaz à effet de serre équivalents à ceux du Pliocène, il y a 2,5 millions d’années. Durant l’ère du Pliocène, les températures étaient plus élevées de 3 degrés par rapport à aujourd’hui et la mer était plus haute de 15 à 25 mètres.
James Hansen pense que l’océan pourrait se réchauffer suffisamment, avec les émissions humaines de gaz à effet de serre, pour conduire à une fonte rapide des calottes polaires et des glaciers, provoquant des catastrophes pour les régions côtières. Il invoque l’exemple de l’Eemien, la période interglaciaire qui a débuté il y a 130 000 ans pour s’achever 15 000 plus tard. A cette époque, les températures étaient similaires à ce qu’elles sont aujourd’hui mais le niveau de la mer était bien plus élevé, de l’ordre de 5 à 7 mètres. James Hansen avance même le chiffre de 9 mètres. Il pense qu’il pourrait y avoir un seuil de réchauffement au-delà duquel les calottes de glace s’effondrent.
Selon James Hansen, l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 2 degrés n’est pas suffisant pour éviter les dangers d’une hausse du niveau de la mer. Il estime que les Etats-Unis doivent rendre leur économie moins dépendante du carbone et réduire la consommation de combustibles fossiles de 30% à l’horizon 2025. Il ajoute qu’une collaboration avec la Chine est devenue indispensable pour espérer limiter l’élévation des températures.
Pour parvenir à diminuer la consommation de produits carbonés, James Hansen propose d’instaurer une taxe et d’en redistribuer le montant directement au peuple américain et non au gouvernement. Il espère ainsi décourager l’utilisation du pétrole sans toucher au pouvoir d’achat des ménages américains. Estimant que les énergies renouvelables risquent de ne pas être suffisantes pour fournir tous les besoins en énergie, le climatologue prône par ailleurs le développement de l’énergie nucléaire, citant l’exemple de la France.
Pour conclure son intervention devant le MIT, le climatologue a appelé les étudiants à montrer à leur gouvernement qu’ils se sentaient concernés par les enjeux climatiques. Pour aller plus loin, il espère la formation d’une troisième force politique aux Etats-Unis qui mettrait la lutte contre le changement climatique au centre des ses politiques publiques.
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