De nouvelles analyses des climats passés confirment les prévisions du GIEC en matière de sensibilité climatique au CO2. Il y a trois millions d’années, la Terre était plus chaude qu’aujourd’hui avec des niveaux de CO2 similaires.
Une équipe de recherche internationale emmenée par l’université de Southampton a dévoilé dans la revue Nature de nouvelles données permettant de préciser les liens entre niveaux de CO2 passés et températures. Les chercheurs se sont concentrés sur le CO2 atmosphérique et les températures d’une phase chaude du Pliocène, il y a 3 millions d’années. A cette époque, la géographie de la planète était semblable à ce que l’on peut voir sur nos cartes modernes. Les continents étaient à la même place, notamment l’Antarctique, qui était déjà isolé par l’océan.
Cette période chaude du Pliocène intrigue les scientifiques depuis de nombreuses années en raison des similitudes avec l’ère actuelle. Car en plus de la géographie, plusieurs études ont permis de montrer à quel point les deux époques étaient proches en matière de niveaux de CO2 atmosphérique. Sur la base de nombreux articles, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a ainsi pu dresser le profil du Pliocène : 400 ppm de CO2 et des températures 2 à 3°C plus élevées.
Aujourd’hui, les scientifiques de Southampton pensent détenir des preuves solides qui confirment les prévisions du GIEC en matière de « sensibilité climatique ». Grâce à l’analyse des coquilles des foraminifères, ils ont pu déterminer l’acidité de la mer à l’époque où ces minuscules organismes marins vivaient, obtenant ainsi un témoin indirect de l’évolution du CO2. Cette études des sédiments marins leur a permis de confirmer qu’il y a 3 millions d’années, le CO2 avait atteint 400 ppm. Soit exactement le niveau que l’on trouve en ce début de 21è siècle. Mais aujourd’hui la Terre est moins chaude qu’au Pliocène, d’environ 2°C. Il s’avère que le surplus de CO2 injecté par les activités humaines n’a pas encore pleinement exercé tous ses effets.

Evolution du taux d’oxygène 18 obtenu grâce aux foraminifères, qui permettent de retracer indirectement l’évolution des températures (Source : Wikipedia).
Ce n’est pas avant la fin du 21è siècle que l’on pourra observer la réponse du climat à un doublement des taux de gaz à effet de serre. Et cela pourrait se traduire par une importante élévation du niveau de la mer. Au Pliocène, celui-ci était entre 10 et 40 mètres au-dessus du niveau actuel, en raison de la fonte du Groenland, de l’Antarctique de l’Ouest et d’une partie de l’Antarctique de l’Est. Avec un scénario d’émissions soutenues de CO2, les prévisions du GIEC sont d’environ un mètre à l’horizon 2100 mais on sait déjà que les glaciers continueront à fondre au-delà. En outre, des études publiées récemment laissent penser que l’Antarctique et le Groenland sont peut-être plus fragiles qu’on ne le pensait en raison de leur topographie.
L’étude dévoilée dans Nature montre par ailleurs qu’un important changement s’est produit il y a 2,8 millions d’années, quand les niveaux de CO2 sont tombés à 280 ppm, un niveau semblable à celui d’avant la révolution industrielle. Cette chute a provoqué un refroidissement brutal et initié les cycles de glaciations qui se sont succédé depuis.
Les scientifiques de l’université de Southampton ont également étudié les effets du CO2 lors d’une autre période, celle du Pléistocène (entre 800 000 et 12 000 ans avant aujourd’hui). Celle-ci fut nettement plus froide que celle du Pliocène et que l’époque préindustrielle (moins 5°C). Les chercheurs ont pu montrer que le changement climatique en réponse à un changement du niveau de CO2 était deux fois plus important lors de la période froide que lors de la période chaude. Cette différence est due au fait que lors des périodes froides, le retrait ou l’avancée des glaces joue davantage sur le climat en raison des effets de rétroaction. Lors des périodes chaudes, les glaces pèsent moins dans l’évolution des températures.
Les scientifiques de Southampton ont ainsi pu constater que si l’on ne prenait pas en compte l’effet de rétroaction dû aux glaces, la réponse climatique au changement de niveau de CO2 était sensiblement la même au Pléistocène et au Pliocène. Ce qui confirme les précédentes estimations concernant la sensibilité climatique au CO2. Sur la base de ces dernières, le GIEC annonce une élévation des températures de 1,5° à 4,5°C d’ici 2100.
D’autres époques ont bien évidemment fait l’objet d’études ces dernières années à la faveur des progrès faits dans la collecte et l’analyse des données, ainsi que l’amélioration des modèles informatiques. Des chercheurs des universités de Southampton et de Cardiff avaient notamment publié en 2014 un article dans la revue Paleoceanography sur la période chaude du Miocène (entre 15 et 17 millions d’années avant aujourd’hui). Cet optimum climatique aurait été plus chaud de 2 à 4°C que l’époque préindustrielle. Les scientifiques avaient conclu que les niveaux de CO2 durant l’optimum du Miocène avaient atteint 500 ppm, un niveau que le GIEC prévoit pour la fin du 21è siècle. Ils avaient aussi pu montrer que le volume de glace de l’Antarctique variait davantage quand les niveaux de CO2 étaient faibles que lorsqu’ils étaient élevés, ce qui pourrait corroborer les conclusions de l’étude parue en février 2015 dans Nature. Une partie de l’Antarctique de l’Est serait plus sensible à des fluctuations de dioxyde de carbone dans la fourchette basse des niveaux de CO2. Quand les niveaux de CO2 sont plus importants, la calotte de glace de l’Antarctique ne fond pas davantage. Il y aurait ainsi une portion de l’Antarctique très sensible aux niveaux de CO2 et une autre plus résistante.
Catégories :Climat