El Niño a « officiellement » émergé début mars et pourrait se maintenir au printemps et en été. Annoncé depuis un an, le phénomène tardait à véritablement se manifester. Le seuil n’étant dépassé que de justesse, l’épisode ne devrait pas avoir un impact majeur sur le climat de la planète.
En février 2015, les températures de surface de l’océan et les conditions atmosphériques ont permis d’atteindre le seuil de déclenchement du phénomène El Niño, selon le Centre de Prédiction du Climat (CPC) de la NOAA (agence américaine dédiée à l’étude du climat). Mais il s’en est fallu de peu.
Cela faisait plusieurs mois que les températures de surface de la mer dans le Pacifique tropical étaient au-dessus de la moyenne, notamment dans une zone clé, la région Niño 3.4, située au centre de l’océan. C’est l’un des indicateurs majeurs de l’oscillation. Quand l’anomalie de température atteint +0,5°C dans la région Niño 3.4 sur trois mois consécutifs, les conditions sont en place pour l’émergence d’El Niño.
L’indice Niño 3.4 a été au-dessus de 0,5°C depuis septembre, avec une baisse en janvier, puis une légère remontée depuis. Cet indice est désormais à +0,6°C, ce qui est suffisant pour mettre en place les conditions El Niño. On est cependant loin des valeurs enregistrées lors des gros épisodes, comme ceux de 1983 et 1998, avec une anomalie de +2,2°C, ou même du Niño plus modéré de 2010 avec +1,6°C.
S’il faut que le seuil de 0,5°C soit dépassé, cela n’est pas suffisant, il faut aussi une réponse atmosphérique coordonnée qui permette de véritablement déclencher la bascule des eaux chaudes en direction de l’est de l’océan Pacifique. C’était ce qui manquait jusqu’à présent pour qu’El Niño puisse se mettre en place.
Or il s’avère que depuis un mois et demi, la fréquence et la force des vents d’ouest ont augmenté à la surface de l’océan Pacifique. Dans le même temps, des vents d’est de haute altitude ont été observés au-dessus de centre-est du Pacifique. Ces deux phénomènes sont la manifestation d’une circulation de Walker affaiblie. Lors des périodes La Niña, la tendance est inversée : à la surface de la mer, les vents viennent de l’est et repoussent l’eau chaude vers l’ouest du Pacifique, entraînant une accumulation de chaleur dans cette région du monde. Lors d’un épisode La Niña, davantage d’eau chaude se retrouve enfouie dans l’ouest de l’océan Pacifique, c’est pourquoi la température moyenne mondiale chute. Quand il y a El Niño, c’est l’inverse. Les années les plus chaudes sont ainsi systématiquement des années El Niño, à l’exception notable de 2014, marquée par un record de chaleur dans une situation neutre tendant vers El Niño. Sans doute en raison des gaz à effet de serre qui tendent à prendre le pas sur la variabilité naturelle du climat.
Les vents d’ouest qui ont soufflé fin janvier et en février sur le Pacifique devraient se maintenir dans la première moitié du mois de mars, favorisant le déplacement d’une masse d’eau chaude de surface vers l’est avec la propagation de ce que l’on appelle une onde de Kelvin. Il s’agit d’une sorte de vague sous-marine qui afflue vers les côtes américaines, empêchant les remontées d’eau froide dans cette région du Pacifique.
Le niveau des précipitations est un autre élément clé de l’oscillation ENSO. Jusqu’à présent, au centre du Pacifique, les pluies n’étaient pas compatibles avec un phénomène El Niño, mais cela a changé récemment et les précipitations sont désormais à un niveau moyen. Il faudrait cependant que les précipitations au centre et à l’est du Pacifique soit plus importantes pour que l’on puisse parler de véritables conditions El Niño et que les pluies soient déficitaires vers l’Indonésie.