Climat

Un lien entre les canicules et la fonte de l’Arctique

D’après une étude du Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK), le réchauffement accéléré de l’Arctique ces dernières décennies favoriserait les vagues de chaleur dans l’hémisphère nord.

Le réchauffement de l’Arctique est deux fois plus rapide que celui du reste du globe. En raison de la fonte de la glace de mer, la surface de l’océan qui se retrouve directement exposée au soleil ne cesse d’augmenter. L’Arctique privé d’une partie de sa glace renvoie moins les rayons du soleil. La surface sombre de l’océan, ainsi découverte, absorbe la chaleur qui était auparavant réfléchie. C’est ce que l’on appelle l’amplification Arctique. Ce surplus de réchauffement s’ajoute aux gaz à effet de serre, expliquant les températures en forte hausse au Pôle Nord.

Le réchauffement de l’Arctique favoriserait certains phénomènes climatiques extrêmes en Amérique du Nord, en Europe et en Asie, selon certains scientifiques. Mais jusqu’à présent, les études pointaient surtout l’impact de l’amplification Arctique en hiver, avec notamment les épisodes de froid polaire qui se sont abattus sur l’est des Etats-Unis ces dernières années. Jennifer Francis, de l’Université de Rutgers, est l’un des principaux défenseurs de cette thèse liant l’affaiblissement de la circulation atmosphérique aux hivers extrêmes.

Une nouvelle étude publiée le 12 mars 2015 dans la revue Science montre que le réchauffement de l’Arctique risque surtout de conduire à des été caniculaires. Selon Dim Coumou, du Potsdam Institute for Climate Impact Research, l’augmentation des températures des  hautes latitudes peut aussi induire des vagues de chaleur plus au sud en favorisant les situations de blocage atmosphérique. En cause, la réduction de l’activité des tempêtes en été, elle-même liée à une modification de la circulation atmosphérique.

Normalement, la différence de température entre l’Arctique et les moyennes latitudes est telle que des vents de haute altitude extrêmement puissants, les jet streams, séparent la masse d’air polaire de celle du reste de l’hémisphère nord. Mais la différence de température s’amoindrit à la faveur du fort réchauffement de l’Arctique et les vents latéraux jouent moins leur rôle de barrière. Les jet streams sont moins rapides quand l’écart de température entre les deux masses d’air se réduit et tendent alors à onduler. De l’air polaire peut ainsi faire des incursions au sud tandis que de l’air chaud peut s’engouffrer dans le nord.

Dim Coumou et ses collègues de Potsdam ont constaté que la circulation atmosphérique s’était aussi affaiblie en été. Les scientifiques ont notamment observé un ralentissement des vents qui conduit à la stagnation des masses d’air. Ils ont aussi relevé des ondulations plus amples des jet streams.

Les vents de haute altitude ont un impact direct sur le temps qu’il peut faire à la surface du sol. Leur affaiblissement conduit à la persistance des systèmes météo dans les moyennes latitudes de l’hémisphère nord. Les jet streams qui ondulent se retrouveraient plus facilement en mode « bloqué ». Par exemple, lorsque le jet stream ondule fortement, il peut se retrouver au nord de l’Amérique sur la côte ouest et au sud de l’Amérique sur la côte est. L’ouest est alors chaud et sec tandis que l’est subit une descente de froid polaire. Si cette situation perdure à la faveur d’un ralentissement des vents, des épisodes de températures extrêmes comme des canicules sont davantage susceptibles de se produire.

Les études s’étaient plutôt focalisées, auparavant, sur les tempêtes hivernales. Mais les auteurs de l’étude parue dans Science estiment qu’en moyenne l’activité des tempêtes en hiver ne change guère. En été, en revanche, les chercheurs ont relevé un net affaiblissement des tempêtes, en fréquence comme en intensité. Ils ont pu le déterminer en mesurant la vitesse de certains tourbillons atmosphériques dont la vitesse a diminué d’un dixième depuis 1979.

Conséquence de ces vents moins rapides, le risque de canicule est accru. Les scientifiques précisent que les modèles climatiques CMIP5 (les plus récents) sont en accord avec cette analyse pour les prochaines décennies.

Les émissions de gaz à effet de serre favorisent l’élévation moyenne des températures mais ce sont les extrêmes qui font le plus dégâts. Or il s’avère que la perturbation atmosphérique risque de produire dans les prochaines années des situations de blocage météo et donc des épisodes d’extrême chaleur.

L’étude parue dans Science ne va peut-être pas faire l’unanimité parmi les scientifiques car il n’y a pas encore de certitude sur les causes des extrêmes climatiques. D’autres chercheurs, comme Simon Wang ou Tim Palmer, estiment que le grand responsable des extrêmes climatiques est plutôt à chercher du côté des Tropiques, où les oscillations de l’Océan Pacifique sont capables de perturber le climat de contrées très éloignées, une fois de plus en raison de l’impact sur la circulation atmosphérique.

Canicule de 2003 en Europe (source : Reto Stockli et Robert Simmon, basé sur des données MODIS Land Science Team)

Canicule de 2003 en Europe (source : Reto Stockli et Robert Simmon, basé sur des données MODIS Land Science Team)

Ce qui semble très probable en tous cas, c’est que le risque de canicule va aller en augmentant dans l’hémisphère nord. Les chances d’avoir des étés extrêmement chauds ont augmenté de façon spectaculaire en Europe depuis le début des années 2000, selon une étude du service britannique de météorologie, le Met Office, parue en décembre 2014. Les risques de voir des canicules comme celle de 2003 en Europe est passé de 1 tous les 1000 ans à environ 1 tous les 100 ans. Quelques années à peine après cette canicule 2003, il y a eu pire, celle de 2010 en Russie, considérée comme la pire jamais observée dans le monde, selon  une autre étude publiée en octobre dernier.  Selon un article de Christidis et al. de 2013, les chances pour qu’une canicule comme celle de 2010 à Moscou se produise sans l’influence humaine sur le climat sont quasiment proches de 0.

 

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