Climat

Le réchauffement climatique ralentit la circulation des océans

Une zone de l’Atlantique Nord résiste au réchauffement climatique observé presque partout à la surface du globe. Ce « trou » serait dû à un affaiblissement du système océanique comprenant le Gulf Stream, le courant qui adoucit les températures en Europe. La circulation océanique dans l’Atlantique Nord aurait faibli à un niveau encore jamais vu ces 1000 dernières années.

Les modèles climatiques sur lesquels s’appuient les travaux du GIEC prévoient un affaiblissement du Gulf Stream, le courant qui amène à l’Europe un peu de la chaleur des eaux tropicales. Dans une étude parue dans Nature Climate Change, des chercheurs emmenés par Stefan Rahmstorf, du Potsdam Institute for Climate Research, estiment que le réchauffement climatique pourrait déjà avoir commencé à ralentir sérieusement la circulation océanique dans l’Atlantique. Le GIEC n’avait pas prévu que cela puisse se produire aussi rapidement.

Le Gulf Stream est une partie d’un système plus vaste, la circulation océanique méridionale de l’Atlantique (AMOC en anglais). Avec l’AMOC, les courants océaniques apportent de l’eau chaude des Tropiques vers l’Atlantique Nord. Aux abords du Groenland, cette eau se refroidit et devient plus salée grâce à la formation de glace de mer. Or l’eau plus froide et salée est aussi plus dense, ce qui tend à la faire plonger. Cette eau froide qui coule repart ensuite vers le sud. La boucle océanique peut-être plus ou moins dynamique. A certaines époques, elle s’est même déjà arrêtée,  faisant chuter les températures en Europe. On estime que les températures seraient inférieures de 5°C sans ce courant chaud venu des Tropiques.

Les modèles climatiques les plus récents prévoient que la fonte des glaces du Groenland apportera une quantité croissante d’eau douce dans l’Atlantique Nord, ce qui provoquera un ralentissement de la circulation océanique. Le dernier rapport du GIEC estime qu’il y a 90% de chances pour que l’AMOC ralentisse au cours du 21è siècle. Selon les scénarios les plus pessimistes d’émissions de gaz à effet de serre, le déclin pourrait atteindre 54% d’ici 2100.

En raison de mesures directes insuffisantes, il est cependant difficile d’évaluer l’évolution de la circulation méridionale océanique. Pour contourner cette difficulté, Stefan Rahmstorf et ses collègues ont utilisé les températures de surface de la mer. Elles leur ont permis d’évaluer la force de la circulation océanique. Ils ont ainsi mesuré la différence de température entre les régions les plus influencées par l’AMOC et le reste de l’hémisphère nord. Selon ces observations, le ralentissement est plus prononcé que dans les modèles climatiques. Ces derniers prévoient certes un affaiblissement significatif mais dans le futur.

Une région subpolaire de l’Atlantique Nord, au sud du Groenland, est quasiment la seule du monde à ne pas s’être réchauffée depuis le début du 20è siècle. Le dernier hiver dans cette région a été le plus froid jamais relevé alors qu’au même moment le reste de la planète connaissait un record de chaleur. Ce contraste serait l’une des manifestations de l’affaiblissement de l’AMOC, selon Stefan Rahmstorf. Les modèles prévoient justement que cette région située au sud du Groenland se refroidirait en cas d’affaiblissement du Gulf Stream.

Anomalies de températures entre 1975 et 2015 (par rapport à la période 1900-1950) : on voit une zone froide au sud du Groenland, une région clé du globe pour la formation des eaux profondes

Anomalies de températures entre 1975 et 2015 (par rapport à la période 1900-1950) : on voit une zone froide au sud du Groenland, une région clé du globe pour la formation des eaux profondes (Source : NASA)

Pour évaluer l’ampleur de la modification des courants océaniques, les auteurs de l’étude ont utilisé des reconstructions de températures pour les 1100 dernières années réalisées par Michael Mann, climatologue à l’université de Pennsylvania State. Conclusion : le ralentissement de l’AMOC depuis 1975 est unique pour les 1000 dernières années, avec un degré de certitude de 99%. Selon Michael Mann et Stefan Rahmstorf, c’est le signe que le ralentissement n’est pas dû à la variabilité naturelle mais au réchauffement climatique.

En raison de l’élévation des températures, la calotte du Groenland perd de plus en plus de glace et libère toujours davantage d’eau douce dans l’Atlantique Nord. Sur la base des calculs de Jason Box, éminent spécialiste du Groenland, les auteurs de l’article publié dans Nature Climate Change estiment que les pertes de glace auraient significativement contribué à diminuer la salinité de l’océan dans cette région subpolaire.

L’affaiblissement de l’AMOC pourrait provoquer une élévation du niveau de la mer sur les côtes du nord-est des Etats-Unis mais aussi des hivers plus rigoureux en Europe. On n’imagine pas encore un arrêt complet de la circulation qui n’a selon le dernier rapport du GIEC que 10% de chances de se produire au cours du siècle prochain. Mais les auteurs de l’étude préviennent que les modèles climatiques ont déjà sous-estimé l’état actuel de l’AMOC. En outre, des études récentes ont dévoilé que le Groenland était moins stable que prévu.

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