Des scientifiques des universités d’Exeter et de Tasmanie ont peut-être découvert pourquoi les températures autour de l’Antarctique, sur le dernier million d’années, avaient été synchronisées avec les taux de CO2 atmosphériques. L’étude explique comment la modification de la circulation océanique a favorisé le stockage de carbone dans l’Océan Austral.
Les océans absorbent environ un quart des émissions de CO2 dues aux activités humaines et 40% de ce stockage a lieu dans l’Océan Austral qui entoure l’Antarctique. Une nouvelle étude parue dans Nature Geoscience confirme que cet océan a joué un rôle majeur dans la régulation du CO2 atmosphérique à travers l’histoire climatique de la Terre.
Dans l’hémisphère sud, températures et CO2 ont chuté de concert pendant les ères glaciaires et se sont rétablis durant les périodes chaudes interglaciaires. Inversement, les températures dans l’hémisphère nord sont moins corrélées aux concentrations de CO2. L’insolation a probablement joué un rôle de premier plan dans les glaciations et dans les déglaciations déclenchées dans l’hémisphère nord.
La relation plus étroite entre les températures de l’Antarctique et le CO2 semble suggérer que l’Océan Austral a un rôle clé dans la régulation du niveau atmosphérique de dioxyde de carbone, qui est avec l’insolation et la rétroaction liée à l’albédo de la Terre l’un des grands facteurs expliquant les fluctuations de températures sur le dernier million d’années.
D’après les auteurs d’une étude publiée dans la revue Nature Geoscience, les températures basses et l’extension de la glace de mer autour de l’Antarctique pendant les périodes glaciaires ont modifié la circulation océanique entre la surface et le fond, permettant à davantage de CO2 d’être extirpé de l’atmosphère.

Figure du haut : période chaude interglaciaire ; figure du bas : période froide glaciaire (source : Andrew Watson et al.)
Les scientifiques ont découvert que pendant les ères glaciaires, quand l’air était plus froid et que la glace de mer était plus étendue, les eaux profondes de l’océan avaient pu à certaines périodes remonter à la surface bien plus loin de l’Antarctique qu’aujourd’hui.
Cette configuration aurait permis aux nutriments venus du fond de l’océan de passer plus de temps à la surface. Le phytoplancton a ainsi pu se nourrir davantage, ce qui a favorisé un surplus d’absorption de carbone. A la mort du phytoplancton, le carbone absorbé entraîné vers le fond de l’océan, a été en quelque sorte séquestré.
D’après l’étude, les changements dans la circulation océanique et le développement de l’activité biologique ont retiré de 30 à 60 ppm de CO2 de l’atmosphère. Cela représente environ la moitié du changement survenu entre les ères glaciaires et interglaciaires.
Cependant, quand les températures s’élèvent au-dessus des régions antarctiques, les eaux profondes peuvent émerger plus près du continent. Les nutriments résident donc moins longtemps à la surface, ce qui donne moins de temps au processus biologique pour retirer le CO2 de l’atmosphère.
Lors de la dernière déglaciation, c’est avec l’ensoleillement lié à la position de la Terre par rapport au soleil que la fonte a commencé vers -21 000. Le scénario le plus probable est que ce réchauffement des hautes latitudes a dans un premier temps provoqué une fonte glaciaire dans l’hémisphère nord. Vers – 19 000, l’afflux d’eau douce qui s’en est suivi aurait ensuite provoqué un ralentissement de la circulation océanique car l’eau salée est un élément essentiel de la formation des eaux profondes. Avec un tel ralentissement, l’hémisphère nord aurait été coupé des eaux chaudes venant du sud tandis que l‘hémisphère sud se réchauffait. La nouvelle étude parue dans Nature Geoscience explique comment le largage de CO2 dans l’atmosphère s’est produit au nord de l’Antarctique vers -18 000. Le gaz à effet de serre, dont l’impact est global, a probablement achevé de sortir définitivement la Terre de la glaciation.
Citation : « Southern Ocean buoyancy forcing of ocean ventilation and glacial atmospheric CO2 » d’Andrew J. Watson, Geoffrey K. Vallis et Maxim Nikurashin, publiée dans Nature Geoscience.