Les prévisions des modèles qui annonçaient un épisode El Niño des très forte intensité fin 2015 se sont vérifiées. Le phénomène a émergé début mars et n’a cessé de prendre de l’ampleur depuis. Il devrait au moins figurer parmi les trois épisodes les plus importants depuis 1950.
Les températures de surface de la mer dans la région 3.4, au centre du Pacifique, sont l’un des principaux indicateurs pour mesurer l’intensité d’El Niño. L’anomalie a grimpé à +1,5°C dans cette partie de l’océan au début du mois de juillet, ce qui est le seuil permettant de parler d’un épisode de forte intensité, si ce niveau perdure durant trois mois au moins. Comme le prévoyaient les modèles, les températures ont continué à grimper pour atteindre selon le dernier relevé hebdomadaire de la NOAA (le 28 octobre) +2,7°C, le niveau le plus élevé jamais relevé en octobre.
Si la dernière semaine d’octobre a été très chaude dans la région 3.4, la moyenne mensuelle l’a été également, dépassant de peu le niveau observé en octobre 1997, qui faisait jusqu’à présent figure de record absolu. D’après une étude publiée récemment dans Nature Climate Change, un phénomène aussi intense que celui de 1997-98 n’est censé se produire qu’une fois tous les 27 ans. Avec le réchauffement climatique, un El Niño extrême devrait se manifester une fois tous les 16 ans. Ce scénario est basé sur d’importantes émissions de gaz à effet de serre. Le scénario utilisé pour les simulations est le RCP 8.5, le plus pessimiste du GIEC. On peut voir ci-dessous que 18 ans après l’épisode de 1997, un épisode majeur est à nouveau en cours.

Anomalies de température de surface de la mer en octobre dans la région 3.4. Source : NOAA – OISST.v2 (base 1981-2010)
Les mesures du niveau de la mer prises par les satellites montrent que les phénomènes 2015 et 1997 sont comparables. Certains événements de moindre intensité sont marqués par un réchauffement limité à la partie centrale du Pacifique. On parle alors d’El Niño Modoki. On peut citer par exemple les cas de 2002-2003, 2004-2005 ou 2009-2010. Tel n’est pas le cas en 2015, où le réchauffement est particulièrement manifeste dans la partie orientale du Pacifique.
Si le niveau observé en octobre 2015 est à un niveau record, les températures de surface de la mer dans la région 3.4 n’ont pas encore atteint le pic enregistré en 1982-83 et 1997-98, où l’anomalie avait grimpé à 2,79°C et 2,67°C en moyenne mensuelle. Mais le phénomène 2015 n’a peut-être pas encore atteint son intensité maximum et le réchauffement pourrait se poursuivre dans la région 3.4 en hiver.

Anomalies mensuelles de température de surface de la mer dans la région 3.4. Source : NOAA – OISST.v2 (base 1981-2010)
Un événement El Niño « fort » est capable d’élever la température mondiale de 0,2°C sur la moyenne annuelle. Les température relevées à la surface du globe depuis le début de l’année 2015 sont les plus élevées depuis le début des observations de la Nasa et de la NOAA en 1880. D’après les modèles climatiques, la température moyenne devrait grimper d’un cran à la surface du globe en cette fin d’année et probablement au début 2016.