Climat

Les observations en 2015 rattrapent les modèles climatiques

Avec le dernier record de chaleur annoncé par la NOAA pour le mois d’octobre, la température moyenne observée sur la période janvier-octobre est désormais de +0,86°C. On peut d’ores et déjà annoncer que cette année 2015 collera parfaitement aux prévisions des modèles utilisés dans le dernier rapport du GIEC.

Le scénario climatique RCP6 prévoyait pour cette année 2015 une anomalie globale de +0,87°C par rapport à la température moyenne au 20è siècle. Or il s’avère que les observations de la NOAA sur janvier-octobre portent effectivement la moyenne à 0,86°C. Il n’y a donc quasiment aucune différence entre la prévision centrale des modèles et les observations sur le terrain – pour cette année 2015 du moins. Novembre et décembre devraient être plus chauds que la moyenne de 2015 et le bilan final de la NOAA devrait même excéder légèrement la prévision du modèle pour le scénario RCP6.

Ce dernier fait partie des quatre grands scénarios présentés dans le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publié en 2013. Le RCP6 prévoit un plafonnement tardif des émissions de gaz à effet de serre et une concentration de 720 à 1000 ppm de CO2 en 2100 (contre 400 ppm aujourd’hui). Il se solderait par une hausse des températures comprise entre 2 et 3,7°C par rapport à la période 1850-1900. A partir du scénario RCP6, des simulations climatiques ont été réalisées. La projection centrale est ci-dessous comparée aux observations de la NOAA :

Comparaison entre la température annuelle moyenne observée par la NOAA et la température calculée par la moyenne des modèles RCP6. Sources : NOAA et KNMI.

Comparaison entre la température annuelle moyenne observée par la NOAA et la température centrale calculée par les modèles RCP6 (écart à la moyenne du 20è siècle). Sources : NOAA et KNMI.

J’ai choisi ici la prévision centrale du RCP6 parce qu’elle se base sur des émissions de CO2 proches de la tendance actuelle. Comme les 3 autres grands scénarios, la concentration de CO2 se situe aux alentours de 400 ppm mais le RCP6 est celui qui est le plus proche du niveau actuel (d’autres estimations tablent sur une concentration légèrement supérieure en 2015). En outre, c’est celui vers lequel semblent tendre les projections pour le siècle en cours. Sauf catastrophe, on peut raisonnablement espérer que le RCP8.5 (qui prévoit jusqu’à 8°C de réchauffement) sera évité. Cela pourrait donc se jouer entre le RCP6 et le RCP4.5 et les modèles font pour les deux scénarios une prévision similaire : +0,87°C en 2015. Quand au RCP 2.6, on peut penser qu’il a peu de chances de se réaliser.

Les engagements pris par les gouvernements avant la conférence mondiale sur le climat de décembre, la COP21, ne seront pas suffisants pour limiter le réchauffement de la planète à 2°C, a récemment reconnu l’ONU en examinant les différentes propositions des Etats. Les émissions devraient donc continuer à augmenter au moins jusqu’en 2030, une trajectoire qui pourrait mener à +3°C en 2100 (par rapport à la période préindustrielle, c’est à dire avant 1900).

Scénarios d'émissions de gaz à effet de serre d'ici 2100 superposés à la projection liée aux promesses des Etats dans le cadre de la COP21 (pointillés rouges). Sources : GIEC, ONU.

Scénarios d’émissions de gaz à effet de serre d’ici 2100 superposés à la projection liée aux promesses des Etats dans le cadre de la COP21 (pointillés rouges). Sources : GIEC, ONU.

Si l’on reprend la comparaison entre le modèle et les observations, on constate deux décrochages : post-2005 et post-2010. On pourra aussi invoquer 1999 mais non : le réchauffement a été tel en 1997-98 que le refroidissement lié à La Niña a tout juste ramené la température globale au niveau des modèles. Les deux phases de hiatus post-2005 et post-2010 ont été marquées par une moindre augmentation des températures réelles par rapport à ce qui était prévu dans les modèles. Ce qui n’est pas  un hasard, c’est que le hiatus démarre vers 2005, année à partir de laquelle les simulations des modèles CMIP5 ont démarré. Les modèles n’ont pas pu prévoir la variabilité naturelle, ce qui a mené à des différences à court terme.

Température de surface de la mer dans la région 3.4 en décembre vs température globale, selon la NOAA (base 20è siècle). Source : NOAA.

Température de surface de la mer dans la région 3.4 en décembre vs température globale, selon la NOAA (base 20è siècle). Source : NOAA.

Donc après 2005 et après 2010, des conditions plutôt froides ont prévalu dans le Pacifique oriental, ce qui, on le sait, a tendance à tirer la moyenne globale des températures vers le bas. En revanche, lors du Niño 2009-2010 et plus encore celui actuellement en cours (2015-2016), les observations se sont rapprochées des modèles.

Le phénomène La Niña de 2010-2012 a été particulièrement marqué. Le pic 2010-2011 a été l’un des plus forts des annales. En octobre et décembre 2010, mais aussi en février et mars 2011, l’indice SOI qui mesure la différence de pression dans le Pacifique, s’est distingué par des niveaux records. Cela signifie que des vents puissants d’est en ouest ont balayé le Pacifique, favorisant une période froide. Après le deuxième pic observé en 2011-2012, des conditions neutres se sont mises en place puis à partir de 2014 un pseudo-El Niño a émergé.

Le réchauffement du Pacifique central et oriental depuis lors n’a cessé de faire monter la température globale. Finalement, nous nous trouvons aujourd’hui au même niveau pour les observations et les modèles. Si hiatus il y a, il semble surtout concerner le décalage constaté depuis la fin des années 90 entre El Niño et les températures globales : elles sont toujours corrélées mais la moyenne mondiale s’est clairement décrochée de la tendance pour passer à un pallier supérieur.

Autre élément à prendre en compte pour évaluer l’évolution récente des températures mondiales par rapport aux modèles : l’Oscillation décennale du Pacifique ou PDO. Celle-ci figure parmi les principaux candidats pour expliquer la pause. Il s’agit d’une variation de la température de l’océan Pacifique dont le cycle se déroule sur 15 à 30 ans.  Dans sa phase positive, l’oscillation favorise les phénomènes El Niño, ce qui tend à réchauffer l’atmosphère. Mais après une période marquée par le largage de chaleur par l’océan, une phase de refroidissement prend le relais, c’est la phase négative de la PDO.  Les conditions sont alors plus propices au phénomène La Niña. Cela ne veut pas dire que la PDO contrôle El Niño. Au contraire, il semble plutôt qu’El Niño devance la PDO. En fait, les deux phénomènes se renforcent mutuellement. C’est pourquoi leurs variations sont relativement similaires. En gros, on  peut dire qu’El Niño est capable d’amorcer une phase de PDO positive et que celle-ci en retour peut favoriser sur le long terme une phase chaude dans certaines régions du Pacifique.

Phase positive de la PDO (Source : Wikipedia)

Phase positive de la PDO (Source : Wikipedia)

La PDO était dans une phase négative avant 1976, puis dans une phase positive entre 1976 et 1998, une période qui a coïncidé avec une forte élévation des températures atmosphériques. Ensuite, une nouvelle phase négative a débuté en 1999, coïncidant avec la pause dans le réchauffement de la planète. Les dernières observations en 2014 et surtout en 2015 ont vu la PDO renouer avec des niveaux que l’on n’avait pas vu depuis la dernière phase « chaude ».

Evolution de l'indice PDO. Source : Jisao Washington.

Evolution de l’indice PDO. Source : Jisao Washington.

Il est encore trop tôt pour savoir si nous entrons véritablement dans une phase longue de PDO positive. Si tel était le cas, le rythme du réchauffement pourrait accélérer dans les prochaines années. Selon des scientifiques du Met Office et de l’Université d’Exeter, une brutale phase de réchauffement devrait succéder à la pause climatique. Ils ont pu déterminer que les périodes de hiatus climatiques d’une durée de 20 ans n’étaient susceptibles de se produire qu’une fois tous les 100 ans, les périodes de pause étant dues à la variabilité naturelle et à l’enfouissement de chaleur dans l’océan. Lorsque ce phénomène s’inverse, le largage de chaleur conduit à une phase de réchauffement rapide.

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