Une nouvelle étude publiée par des chercheurs de la NASA indique que le potentiel de réchauffement de l’effet de serre a été sous-estimé à cause de biais dans l’évaluation de facteurs comme les aérosols, dont l’impact régional doit être davantage pris en compte.
Pour quantifier le potentiel du changement climatique, les chercheurs utilisent deux grands types de projections : la réponse climatique transitoire (Transient Climate Response, TCR) et la sensibilité climatique (Equilbrium Climate Sensitivity, ECS). Les deux valeurs sont des estimations des changements de température attendus suite à un doublement de la concentration de l’atmosphère en CO2, mais sur des échelles de temps différentes.
Plus précisément, la TCR correspond au réchauffement attendu avec une augmentation de la concentration en CO2 de 1% par an (on arriverait à un doublement au bout de 70 ans). La TCR est donc l’élévation atteinte au moment précis où a lieu le doublement. L’ECS représente l’élévation atteinte lorsque les températures se seront totalement stabilisées. Ce dernier chiffre est donc supérieur à la TCR puisqu’il se produit plus tard, notamment en raison de l’inertie des océans.
Il y a déjà eu de nombreuses tentatives pour déterminer les valeurs de TCR et ECS basées sur l’histoire des variations de température tirées des observations instrumentales (depuis 150 environ), les données paléoclimatiques et les modèles. Ainsi, le dernier rapport du GIEC (The physical science basis, 2013), indique que l’ECS se situe probablement entre 1,5°C et 4,5°C. La TCR se situerait dans une fourchette de 1°C à 2,5°C, selon la moyenne des estimations. Le GIEC publie en outre des scénarios baptisés RCP qui prévoient plus ou moins d’émissions de CO2 : le RCP 2.6 prévoit un pic du réchauffement vers 2050, le RCP 4.5 plafonne peu après 2100 et continue à augmenter légèrement par la suite. Quand aux scénarios RCP 6 et RCP 8.5, en raison du plafond tardif de croissance des émissions, le pic des températures est atteint nettement après 2100, voire plusieurs centaines d’années après pour le scénario le plus émetteur.
Une nouvelle étude publiée par des chercheurs de la NASA dans la revue Nature Climate Change, indique cependant que les estimations de la sensibilité climatique relayées par le GIEC s’appuient sur des hypothèses simplificatrices, notamment en raison d’erreurs dans la prise en compte d’un facteur décisif comme les aérosols. Ceux-ci peuvent refroidir la Terre, au moins temporairement, par réflexion du rayonnement solaire. Cela, on le savait déjà. Le problème de l’approche utilisée dans les projections du GIEC est qu’elle est très loin de capturer les impacts régionaux individuels des différentes variables jouant sur le climat, notamment les aérosols.
Les scientifiques de la NASA ont donc calculé l’impact régional sur la température des différentes variables – l’effet de serre, les aérosols naturels et artificiels, les concentrations d’ozone, et l’utilisation des sols – basées sur des observations historiques de 1850 à 2005 en utilisant un ensemble massif de simulations informatiques. L’analyse des résultats a montré que ces facteurs climatiques ne se comportent pas nécessairement comme le dioxyde de carbone, qui est uniformément réparti à la surface du globe et produit une réponse de température constante.
L’exemple le plus notable est celui aérosols sulfatés dus à la pollution. Ils contribuent de manière significative à la modération du réchauffement climatique. Le problème, c’est qu’ils sont plus ou moins confinés à l’hémisphère nord, là où se trouvent les principales sources pollution. Leur effet est davantage local que pour le CO2 et il y a en outre plus de terres dans l’hémisphère nord. Or la terre réagit plus vite que l’océan aux changements atmosphériques. Leur impact est donc plus important dans l’hémisphère nord, où il auraient refroidi davantage le climat que ce qui était supposé jusqu’à présent.
Les études antérieures ne représentaient pas suffisamment l’effet net de refroidissement pour les parties de l’hémisphère nord et les prévisions pour TCR et ECS ont donc été faussées. Cela signifie que la sensibilité climatique de la Terre au dioxyde de carbone a été sous-estimée, selon l’étude. Le résultat concorde avec une étude d’un autre chercheur du GISS, Drew Shindell, publiée l’an dernier, qui met la valeur TCR à 1,7°C au minimum. Cela signifie donc qu’un doublement de la concentration en CO2 aboutirait au minimum à 1,7°C de réchauffement.
Une étude publiée en février en 2015 dans Nature Geoscience, dans laquelle était déjà impliqué Drew Shindell, reconnaissait la difficulté d’établir la sensibilité climatique à partir des observations historiques. L’article visait cependant à montrer que l’incertitude allait décroitre dans les années à venir en raison du poids de plus en plus important pris par le CO2 dans l’évolution du climat alors que les aérosols pouvaient faire l’objet de mesures de réduction de la pollution. Drew Shindell et ses coauteurs estimaient que les incertitudes en matière de sensibilité climatiques seraient réduites de 50% d’ici 2030, même sans aucune avancée dans les connaissances scientifiques.
Une voix divergente s’est faite entendre le 18 décembre 2015, celle du docteur John Christy, directeur de l’Earth System Science Center de l’Université d’Alabama à Huntsville (UAH), réputé sceptique quand à l’élévation des températures due à l’effet de serre. Il est responsable des relevés de satellites UAH qui montrent une tendance au réchauffement moins importante que les stations au sol utilisées par la NASA , la NOAA et le Met Office. John Christy vient d’indiquer que si la tendance se poursuivait pendant 63 ans, le réchauffement serait de 1,1°C seulement soit bien en-dessous de l’objectif des 2°C.
Cette précision est faite alors que John Christy vient d’annoncer que les températures avaient atteint en novembre 2015 un niveau record et que les mois à venir pourraient être marqués par un réchauffement supplémentaire. Comparant l’épisode El Niño de 1997-98 à celui actuellement en cours, John Christy a fait remarquer que les Tropiques étaient moins chauds en novembre 1997 qu’en novembre 2015 (0,34°C contre 0,53°C par rapport à la moyenne 1981-2010). Or les Tropiques s’étaient réchauffés à +1,28°C en février 1998.
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