Une nouvelle étude publiée dans la revue Nature confirme le rôle clé qu’a joué le stockage sous-marin du CO2 dans les mers du sud pendant les ères glaciaires. Les échantillons retrouvés au fond de l’océan, à plus de 3 kilomètres sous la surface, près de l’Antarctique, soutiennent l’hypothèse selon laquelle plus de dioxyde de carbone a été dissous dans les profondeurs marines aux moments où les niveaux de CO2 dans l’atmosphère étaient faibles.
Aucun mécanisme ne peut expliquer à lui seul l’ampleur des variations de CO2 lors des cycles glaciaires-interglaciaires. Si l’on sait qu’une quantité importante de carbone a été stockée dans les profondeurs de l’océan lors du dernier maximum glaciaire, les causes de ces variations restaient pour l’instant difficiles à identifier.
Une étude publiée le 3 février dans la revue Nature apporte des preuves tangibles permettant de lever une partie du mystère. Ces indices montrent que pendant la dernière période glaciaire, les profondeurs de l’océan Austral contenaient des quantités d’oxygène beaucoup moins importantes qu’aujourd’hui.
Cela signifie que le phytoplancton captait sans doute de grandes quantités de dioxyde de carbone près de la surface et qu’en coulant, ces algues mortes ont été consommées par d’autres microbes. Ce processus aurait en effet provoqué une surconsommation d’oxygène. C’est ce qu’ont déduit les chercheurs après avoir trouvé dans les sédiments marins des empreintes chimiques de cette faible teneur en oxygène.
L’étude montre ainsi qu’il y a eu un stockage accru du carbone dans l’océan lors des épisodes de faible concentration de CO2 atmosphérique. Ce résultat serait une confirmation majeure du rôle qu’a pu jouer la captation du CO2 aux abords de l’Antarctique lors des ères glaciaires.
Cette nouvelle étude fournit une preuve que le carbone a été pris au piège dans la mer profonde suite à l’accumulation de matière organique en surface. Elle montre également que les variations dans le stockage de dioxyde de carbone dans l’océan Austral ont probablement été à l’origine d’une série d’oscillations naturelles des niveaux de CO2 atmosphériques d’environ 20 parties par million (ppm) lors des derniers millénaires. Ces variations ont probablement été causées par des changements dans la disponibilité de poussière riche en fer, une matière nécessaire pour fertiliser le phytoplancton.
Les niveaux de CO2 ont probablement été aussi influencés par les quantités variables de carbone relâchées par l’océan profond à la faveur de la modification des courants océaniques. L’étude montre que sur les 80 000 dernières années, le CO2 atmosphérique a évolué de concert avec l’oxygénation des abysses de l’Océan Austral.
Alors que les oscillations naturelles de 20 ppm ont pris des milliers d’années à se produire, les niveaux de dioxyde de carbone augmentent beaucoup plus rapidement aujourd’hui, en raison des émissions humaines. Les niveaux sont actuellement d’environ 400 ppm, contre environ 280 au début des années 1800. Les scénarios d’émissions les plus pessimistes prévoient une concentration de plus de 1000 ppm à l’horizon 2100.
Actuellement, les océans absorbent environ un quart des émissions de CO2 dues aux activités humaines et 40% de ce stockage aurait lieu dans l’Océan Austral qui entoure l’Antarctique.
D’après une autre étude parue dans Nature Geoscience en septembre 2015, l’Océan Austral a clairement joué un rôle majeur dans la régulation du CO2 atmosphérique à travers l’histoire climatique de la Terre. Les températures basses et l’extension de la glace de mer autour de l’Antarctique pendant les périodes glaciaires auraient modifié la circulation océanique entre la surface et le fond, permettant à davantage de CO2 d’être extirpé de l’atmosphère.
Les scientifiques ont découvert que pendant les ères glaciaires, quand l’air était plus froid et que la glace de mer était plus étendue, les eaux profondes de l’océan avaient pu à certaines périodes remonter à la surface bien plus loin de l’Antarctique qu’aujourd’hui.
Cette configuration aurait permis aux nutriments venus du fond de l’océan de passer plus de temps à la surface. Le phytoplancton a ainsi pu se nourrir davantage, ce qui a favorisé un surplus d’absorption de carbone. A la mort du phytoplancton, le carbone absorbé a été entraîné vers le fond de l’océan, où il a été séquestré. D’après l’étude, les changements dans la circulation océanique et le développement de l’activité biologique ont retiré de 30 à 60 ppm de CO2 de l’atmosphère. Cela représente environ la moitié du changement survenu entre les ères glaciaires et interglaciaires.