Climat

Les vents également à l’origine du hiatus de l’Antarctique

Malgré le réchauffement climatique, la surface couverte par la glace de mer a augmenté autour de l’Antarctique entre 1979 et 2013. Les modèles avaient plutôt prévu un déclin. Une étude publiée dans Nature Communications tente d’expliquer ce paradoxe.

D’après les modèles climatiques, la glace de mer était censé décliner autour de l’Antarctique. Mais sur les dix dernières années, c’est plutôt l’inverse qui s’est produit. L’extension de la glace de mer a augmenté depuis les années 1970 autour du pôle sud et a même atteint des niveaux record en 2013 et 2014. Une évolution à l’opposé de la tendance relevée au même moment en Arctique, où la baisse a été extrêmement rapide.

Extension de la glace de mer autour de l'Antarctique en janvier. Source : NSIDC.

Extension de la glace de mer autour de l’Antarctique en janvier. Source : NSIDC.

Les modèles CMIP5 avaient plutôt tablé sur un déclin de la glace de mer dans l’hémisphère sud. Ils se sont donc trompés quelque part. Mais pourquoi ? D’après une étude parue dans Nature Communications, c’est parce qu’ils n’ont pas anticipé le renforcement des vents d’ouest qui soufflent en haute altitude autour du continent blanc.

Parmi les auteurs de l’article figurent Wenju Cai du CSIRO (Australie) qui s’est distingué par une étude sur l’intensification du phénomène El Niño lié aux gaz à effet de serre, puis en 2015 par un papier sur la fréquence des phénomènes La Niña les plus intenses, qui pourraient  eux aussi se produire plus souvent. L’un des autres coauteurs est Matthew England, de l’université de New South Wales (Australie), auteur en 2014 d’une étude remarquée sur la pause du réchauffement climatique. Son analyse avait montré qu’un renforcement des vents d’est sans précédent avait permis d’enfouir davantage de chaleur dans l’ouest du Pacifique, faisant remonter des eaux plus froides à la surface de l’autre côté de l’océan.

Cette fois, les scientifiques se sont penchés sur le rôle des vents situés plus au sud. On savait déjà qu’ils s’étaient sans doute renforcés à la faveur d’un phénomène appelé oscillation de l’Antarctique. Ce mouvement décrit le déplacement nord-sud de la ceinture de vents d’ouest qui entoure l’Antarctique. Elle s’éloigne ou se rapproche du continent glacé selon qu’elle est dans une phase positive ou négative. L’oscillation naturelle dépend de la pression atmosphérique mais plusieurs études ont récemment montré que les activités humaines, qui ont conduit à la destruction de la couche d’ozone et aux émissions de CO2, avaient favorisé le déplacement de cette oscillation vers le sud.

Les aérosols émis massivement au 20è siècle ont détruit une part importante de la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique, exposant davantage la surface de la Terre aux rayons ultraviolets. La réduction de l’ozone stratosphérique s’est aussi accompagnée d’un refroidissement de la haute couche de l’atmosphère. Ce phénomène aurait renforcé la ceinture de vents d’ouest qui encercle l’Antarctique.

Selon Matthew England et Wenju Cai, avec ces vents décuplés, la remontée  d’eau froide (upwelling en anglais) est favorisée en été : elle conduit à une formation plus importante de glace de mer avec un déplacement vers le nord (en raison de la force de Coriolis) de l’anomalie froide à la surface de l’océan.

Remontée d'eau (upwelling) liée aux vents d'ouest. Les courants de surface se déplacent à la gauche des vents dans l'hémisphère Sud, donc vers le nord. Source : NOAA.

Remontée d’eau (upwelling) liée aux vents d’ouest. Les courants de surface se déplacent à la gauche des vents dans l’hémisphère Sud, donc vers le nord. Source : NOAA.

En hiver, l’eau est plus froide en surface qu’en dessous. Mais en été, l’upwelling a un impact plus important car en cette saison l’eau chaude se retrouve au-dessus d’une couche d’eau froide située à une profondeur de 20 à 150 mètres. Donc, à cette période de l’année, les vents renforcés par l’oscillation antarctique positive balayent la surface de la mer et entraînent la remontée de l’eau froide.

Les auteurs de l’étude ont constaté que les modèles qui prévoyaient le plus d’upwelling aux abords de l’Antarctique étaient ceux qui reproduisaient le plus fidèlement les températures froides à la surface de l’océan en été. Les modèles qui prévoyaient en revanche un faible upwelling conduisaient à un fort réchauffement des températures de surface de la mer.

En moyenne, il s’avère que les modèles CMIP5 ont sous-estimé l’intensification et le déplacement estival des vents associé à la remontée d’eau froide. Mais en fait, les modèles pourraient avoir raison au bout du compte, selon d’autres études. Car à plus long terme, ce n’est plus de l’eau froide mais de l’eau chaude qui pourrait remonter à la surface en été et provoquer un déclin plus important de la glace de mer.

Une autre cause possible d’extension de la glace de mer avait été évoquée en 2013 : la fonte des plateformes de glace. L’eau de fonte libérée par les plateformes de glace (les extensions des glaciers qui reposent sur l’eau) est en effet plus douce que l’eau de mer et moins susceptible de plonger. Richard Bintanja, du Royal Netherlands Meteorological Institute (KNMI), avait expliqué dans Nature Geoscience que le réchauffement des eaux profondes de l’Océan Austral, augmentait la fonte par le dessous des plateformes de glace et favorisait le maintien d’une couche d’eau froide et peu salée en surface, plus susceptible de geler.

La nouvelle étude publiée dans Nature Communications montre que sur la période 1979-2013, l’erreur des modèles est liée à la prise en compte insuffisante des vents d’ouest renforcés en été, ce qui conduit à une remontée d’eau froide et à la formation de glace de mer. Ils ne contestent pas forcément l’effet à long terme prédit par les modèles : émissions de CO2 et destruction de la couche d’ozone conduiraient finalement à une réduction de la glace de mer de l’Océan Austral. Ceci dit, la période étudiée par Wenju Cai et Matthew England est relativement longue (35 ans).

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