Une nouvelle étude publiée dans Geophysical Research Letters affirme que l’influence des bouleversements de l’Arctique sur les latitudes moyennes est probablement plus importante que celle d’ENSO (El Niño – oscillation australe) en hiver.
Au cours des trois dernières décennies, l’Arctique est la région du globe qui a connu les plus grands changements climatiques avec notamment une hausse rapide des températures, la fonte de la glace de mer et des modifications de la couverture neigeuse.
L’influence de l’Arctique sur la météo des moyennes latitudes est devenue un sujet chaudement débattu dans la communauté scientifique. Deux thèses principales s’affrontent pour expliquer les modifications de la circulation atmosphérique à l’origine des événements comme les vagues de froid dans l’hémisphère nord. L’une d’elles pointe le rôle majeur des Tropiques avec El Niño et l’Oscillation australe (ENSO). L’autre attribue les phénomènes extrêmes aux modifications en cours dans les régions arctiques. Plus récemment, des scientifiques ont tenté de concilier les deux points de vue.
La nouvelle étude menée par Judah Cohen penche du côté d’une origine arctique. Pour ce scientifique de l’Atmospheric and Environmental Research, les tendances météo sont étonnamment corrélés à la variabilité de l’Arctique, davantage qu’à la variabilité d’ENSO (El Niño et La Niña). Judah Cohen concède que les Tropiques ont aussi une grande influence, surtout sur les vents du Pacifique Nord. Mais pour lui, l’Arctique pèse davantage dans l’Atlantique nord.
L’article montre que la variabilité de la température est devenue plus extrême au niveau des moyennes latitudes de l’hémisphère Nord au cours des trois dernières décennies, une période qui a vu l’Arctique se réchauffer plus rapidement que toute autre région sur Terre.
L’expression « amplification arctique » fait référence à ce rythme plus rapide du réchauffement de l’Arctique par rapport aux régions situées plus au sud. Le phénomène est favorisé par la perte de glace importante qui a eu lieu dans le grand nord. Une étude publiée la semaine dernière a d’ailleurs montré que l’Arctique était sensible aux oscillations du Pacifique, qui pouvaient jouer un rôle d’accélérateur du changement climatique jusqu’au Pôle Nord. La Pacifique tropical a donc sans doute la capacité d’influencer le climat de régions très éloignées.
De son côté, on aurait pu penser que l’amplification arctique allait tempérer les vagues de froid des moyennes latitudes mais cela n’a pas été le cas au 21è siècle. C’est même le contraire qui s’est produit, suscitant la curiosité des scientifiques.
L’amplification arctique, avec la fonte de la glace de mer et l’augmentation de la couverture neigeuse en Eurasie (peut-être la conséquence de la fonte de glace de mer) auraient ainsi favorisé de surprenantes vagues de froid en hiver. Les incursions d’air arctique ont peut-être joué un rôle non négligeable dans la pause climatique des années 2000, précise Judah Cohen. La Niña n’est donc peut-être pas la seule explication.
Le réchauffement de l’Arctique a emmené la glace de mer à des niveaux d’extension record entre 2007 et 2015, les plus bas observés depuis le début des mesures. Dans le même temps, des hivers particulièrement rigoureux ont été relevés au-dessus des terres des moyennes latitudes de l’hémisphère nord. L’une des hypothèses les plus crédibles apparaît être celle de Jennifer Francis, de l’université Ruthers : le réchauffement de l’Arctique et la réduction du gradient de température avec les régions plus au sud favoriserait une ondulation prononcée du jet stream, le courant d’air qui sépare les masses d’air polaires des masses d’air tempérées.
Une autre explication a été popularisée par Judah Cohen lui-même, qui a observé un lien entre la couverture neigeuse en Sibérie et un phénomène majeur appelé oscillation arctique (l’indice de l’oscillation arctique mesure le différentiel de pression entre les moyennes latitudes et l’Arctique).
La fonte de l’Arctique est suspectée de favoriser des chutes de neige plus importantes dans cette vaste région de la Russie qu’est la Sibérie, habituellement occupée par un anticyclone quasi-permanent. Une importante couverture automnale de neige, en renvoyant les rayons du soleil, favoriserait des températures encore plus basses dans cette région et une densification de la masse d’air. L’anticyclone encore plus prononcé réchaufferait la stratosphère et affaiblirait le vortex polaire. D’où le développement d’une phase négative de l’oscillation arctique, accompagnée de vagues de froid aux Etats-Unis et dans le nord de l’Eurasie en hiver.
Comme le note Judah Cohen, la cause de la variation de la glace de mer et de la couverture neigeuse en Sibérie n’est pas encore déterminée avec précision. Les oscillations du Pacifique sont l’une des explications possibles mais de nouvelles études s’avèrent nécessaires pour déterminer avec précision le rôle respectif des Tropiques et de l’Arctique dans le phénomènes climatiques extrêmes.
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