Climat

Vers une réconciliation entre modèles et observations ?

Une nouvelle étude s’intéresse à la sensibilité du climat pour revenir sur la différence entre les modèles et les observations. Les estimations dérivées des observations de températures mondiales historiques ont tendance à montrer un réchauffement moins important que les modèles climatiques. Mais pour les scientifiques, cet écart n’existe plus quand les deux méthodes sont homogénéisées. 

Modèles et observations ne mesurent pas tout à fait la même chose : voilà ce qui expliquerait la divergence entre les résultats des deux méthodes, d’après une étude publiée dans Nature Climate Change.

Entre 1990 et 1999, les températures ont augmenté à un rythme soutenu, de l’ordre de 0,25°C par décennie, d’après la Nasa. Mais entre 2000 et 2009, ce rythme s’est ralenti, retombant à 0,10°C par décennie, soit moins que les prévisions des modèles (0,20°C par tranche de dix ans).

L’enjeu, c’est l’évaluation de la sensibilité climatique, c’est à dire le réchauffement que l’on peut attendre suite au doublement de la concentration de CO2. Les modèles sont des représentations mathématiques du climat. Ils permettent de prédire l’évolution future des températures en fonction du forçage radiatif qui sera exercé. Le problème, c’est que ces simulations semblent induire une plus grande sensibilité climatique que les observations sur le terrain. Des chercheurs ont cherché à savoir pourquoi et se sont penchés sur les méthodes utilisées dans les deux cas.

On peut voir ci-dessous ce que donnent les simulations du projet CMIP5 à l’horizon 2100 :

Elevation des températures pour les 4 grands scénarios du GIEC. Source : KNMI.

Elevation des températures pour les 4 grands scénarios du GIEC. Source : KNMI.

Voyons donc quelles sont les principales différences. Les observations météorologiques historiques comprennent les températures de l’air mesurées au-dessus des terres et les températures de surface de la mer (dans les premiers mètres de l’océan). Mais ces mesures ont été possibles seulement là où il y avait des thermomètres et des navires. Il y a donc de vastes zones non couvertes, notamment en Arctique et en Antarctique. Le calcul de la température moyenne mondiale est ensuite effectué en mélangeant ensemble ces données incomplètes au fil du temps. C’est le cas pour le jeu de données examiné dans l’étude, HadCRUT4 du Met Office.

On peut voir ci-dessous les cartes d’anomalies montrant les données du Met Office en 1883 puis en 2016. La couverture spatiale s’est grandement améliorée mais il y a encore des zones non couvertes :

Anomalies de températures avril 1883 (HadCRUT4/Met Office).

Anomalies de températures avril 1883 (HadCRUT4/Met Office).

Anomalies de températures mai 2016 (HadCRUT4/Met Office).

Anomalies de températures mai 2016 (HadCRUT4/Met Office).

Considérons maintenant les modèles du projet CMIP5 présentés dans le dernier rapport du GIEC. Pour établir une température moyenne mondiale, la méthode privilégiée est différente : elle consiste à évaluer la température de l’air à la surface de toute la planète, terres et océans pris ensemble. Les scientifiques précisent que la moyenne est ainsi beaucoup plus facile à calculer.

En résumé, les observations sont établies en mélangeant températures à la surface des terres et température de surface de la mer (considérées comme représentatives de la température de l’air situé au-dessus) là où elles sont disponibles. Les modèles principaux du CMIP5, de leur côté, simulent la température de surface de l’air à la fois au-dessus des océans et des terres, et cela sur toute la planète. Est-ce que cette différence a une importance dans le niveau final obtenu ?

Une étude antérieure de Cowtan et al. avait déjà démontré que ces différences plus ou moins subtiles dans la production d’estimations de la température mondiale pouvaient induire une différence significative entre les observations et les simulations.

Pour pouvoir comparer de manière plus réaliste les modèles et les observations, les auteurs de l’étude ont donc décidé de revoir la méthode utilisée pour les modèles. Ces derniers ont subi deux modifications :

– Leur couverture spatiale a été réduite pour correspondre à celle des observations.

– Au lieu de prendre les température de surface de l’air partout, c’est un mélange qui a été utilisé, comme pour les observations, entre température de surface de la mer simulées, et températures de surface des terres simulées. Il existe en effet dans les modèles CMIP5 des simulations de température de surface de la mer (appelées tos) et ces données ont pu être utilisées par les auteurs de l’étude pour une meilleure comparaison. Elles montrent en effet un réchauffement moindre que les températures de surface de l’air simulées à la surface des océans.

Au final, lors de l’utilisation des températures de l’air simulées partout, les modèles ont tendance à montrer plus de réchauffement que les observations. Toutefois, lorsque la comparaison est effectuée conformément aux observations, cette différence disparaît. Environ la moitié de la différence est due au masquage et l’autre moitié au mélange.

Selon les simulations de CMIP5, plus de 0,2 ° C de réchauffement de la température de l’air a été caché en raison des observations manquantes et de l’utilisation des températures de surface de la mer historiques incomplètes.

Les modèles ont ainsi surestimé le réchauffement de 24% par rapport aux observations HadCRUT4 sur la période 1861-2009 en raison d’une couverture spatiale différente et parce que la température de surface de la mer se réchauffent moins vite que l’air au-dessus (dans les modèles). La correction des différences permet de rapprocher observations et modèles qui présentent ainsi la même sensibilité climatique.

L’étude n’aborde pas la question de la pause climatique des années 2000 précisément, mais on comprend bien que cela peut servir d’explication, puisque les observations ont particulièrement divergé des modèles à ce moment là. Des processus physiques et non pas seulement méthodologiques permettent aussi d’expliquer pourquoi les températures observées ont peu augmenté. Plusieurs études ont ainsi montré comment les oscillations du Pacifique rythmaient le réchauffement climatique sur le long terme.

Une phase chaude dans le Pacifique pourrait ainsi dans les prochaines années réconcilier les modèles et les observations, indépendamment des questions d’ordre méthodologique. Les températures de surface de la mer observées seraient dans ce cas plus élevées qu’au début des années 2000.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s