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La glace de mer réduite aux deux pôles

Alors que la glace de mer arctique affiche un déclin inexorable, l’Antarctique nous avait habitué ces dernières années à des extensions assez importantes. Mais cette année, les deux pôles affichent les mêmes niveaux anormalement bas. Le déclin de la glace de mer autour de l’Antarctique est en effet rapide depuis le mois d’octobre. 

La phase d’extension de la glace de mer arctique débute traditionnellement en septembre pour s’achever vers mars. En ce mois de novembre, nous sommes donc dans une phase de croissance. Mais d’après les dernières données du NSIDC, cette croissance est bien poussive. Le 15 novembre 2016, l’extension de la glace arctique était à un niveau anormalement bas, avec 8,6 millions de km², soit moins que le précédent record établi en 2012 pour cette période de l’année (9 millions de km²). Ces dernières décennies, l’Arctique est la région du globe où le réchauffement climatique s’est fait le plus sentir avec un rythme deux à trois fois plus rapide que sur le reste de la planète.

Extension de la glace de mer Arctique jusqu'au 15 novembre 2016 (ligne bleue) avec moyenne en gris et année record 2012 en pointillés.

Extension de la glace de mer Arctique jusqu’au 15 novembre 2016 (ligne bleue) avec moyenne en gris et année record 2012 en pointillés.

L’Antarctique a connu un destin opposé depuis quelques années. Des niveaux exceptionnels d’extension de la glace de mer ont été observés en décembre 2013 et 2014. Et en 2015, l’Antarctique a renoué avec des valeurs plus proches de la moyenne.  Rappelons quand même que ces records n’ont jamais permis à l’Antarctique de contrebalancer les pertes au nord, si bien que le cumul des deux est marqué par une baisse depuis le début des relevés.

En cette fin d’année 2016, l’Antarctique affiche comme le pôle nord son extension la plus réduite depuis le début des relevés en 1979. Comme à l’accoutumée, le niveau le plus bas ne sera atteint qu’en février, mais pour une mi-novembre, l’extension est particulièrement réduite, dépassant même le record de 1986.

Extension de la glace de mer Antarctique jusqu'au 15 novembre 2016 (ligne bleue) avec moyenne en gris et année 2014 en pointillés (plus forte extension).

Extension de la glace de mer Antarctique jusqu’au 15 novembre 2016 (ligne bleue) avec moyenne en gris et année 2014 en pointillés (plus forte extension).

Il pourrait s’agir des effets des variations de températures dans le Pacifique, où il y a eu en épisode El Niño majeur en 2015-16. D’après une étude parue dans Nature Geoscience, la phase négative de l’oscillation interdécennale du Pacifique, une fluctuation naturelle marquée par un refroidissement de l’est du Pacifique, explique l’extension progressive de la glace de mer autour de l’Antarctique depuis les années 2000. Une phase positive, peut-être déjà engagée, serait donc susceptible d’inverser la tendance.

Le dernier rapport du NSIDC pour octobre a pointé le niveau particulièrement faible de la glace de mer des deux côtés de la Péninsule Antarctique. Cette tendance s’est renforcée en novembre. L’inquiétude est que la fonte dans cette région ne crée des conditions favorables à la dislocation des plateformes de glace de l’est de la Péninsule à la fin de l’été austral.

Une tendance similaire avait été observée en 2001 et 2002 avant des retraits importants de glace aux abords de la péninsule. La conséquence spectaculaire avait été la dislocation de la plateforme dite Larsen B. L’éclatement de la plateforme de glace avait pu être observé en détail en 2002 grâce aux images satellites quotidiennes de la NASA. L’événement suscita beaucoup d’attention en raison de l’ampleur de la plateforme, épaisse de 200 mètres, et de la rapidité avec laquelle elle se désintégra, en l’espace d’un mois. La zone concernée occupait une surface plus grande que celle du Luxembourg. Les scientifiques estiment qu’elle était présente depuis au moins 10 000 ans.

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Carte des plateformes de glace de l’Antarctique. Source : Ted Scambos, NSIDC.

Les plateformes de glace comme Larsen-B sont des masses flottantes d’eau gelée qui prolongent les glaciers assis sur le continent.  La disparition d’une plateforme n’élève pas directement le niveau de la mer puisqu’elle flotte déjà sur l’océan mais  elle le fait de manière secondaire en provoquant l’accélération de l’écoulement des glaciers en amont. Leur rôle est donc primordial pour stabiliser la calotte glaciaire de l’Antarctique qui elle repose sur la terre ferme.

L’inquiétude se porte maintenant sur la plateforme Larsen-C, quatre fois plus grande que Larsen-B. Elle a aussi montré des signes d’instabilité. Une grande  fissure a vu sa longueur augmenter de 22 kilomètres  en août 2016, portant la taille de la balafre à 130 km. Larsen-C est la quatrième plus grande plateforme de l’Antarctique avec une surface de 50 000 km². Les modélisations climatiques du projet Midas prévoient que cette fissure va poursuivre son élargissement et peut-être provoquer l’éclatement de 9 à 12% de Larsen-C.

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2 réponses »

  1. Ce qu’il y a de frappant, c’est que ces records de faible extension sont bien en deçà des précédents records pour cette période de l’année, et ce dans les 2 hémisphères. C’est particulièrement le cas pour la banquise antarctique: une superposition des courbes depuis 1979 montre très clairement que les fluctuations interannuelles sont très faibles à cette époque de l’année. Toutes les années ont connu une extension de la banquise antarctique proche de la moyenne en novembre, sauf… 2016. Le décrochage est clairement visible.

    Cela dit, vu le comportement de cette banquise ces dernières années, il est bien difficile d’en tirer une conclusion. Si ça se trouve, de nouveaux records de forte extension seront enregistrés dans les années qui viennent. Ce qu’on peut dire, c’est que le comportement de la banquise antarctique s’écarte de plus en plus souvent, et de plus en plus intensément, de la normale. Et ce n’est pas une bonne nouvelle, car ce phénomène est susceptible d’être à la fois un symptôme et une cause de la survenue de phénomènes météos extrêmes, favorables à la fragilisation des glaciers antarctiques.

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    • Effectivement, on est bien au-delà des précédents records. Je suis assez d’accord quand à l’Antarctique : les prochaines années pourraient connaître à nouveau de fortes extensions puisqu’il n’y a pas de tendance claire, contrairement à l’Arctique. En revanche, si une transition vers une IPO positive s’amorce, cela pourrait changer la configuration pour les années avenir, selon certaines études. De là y voir une tendance de très long terme, je ne pense pas.
      En revanche, pour les prochains mois, le modèle NCEP CFSV2 annonce du très, très, très chaud pour l’Antarctique. A l’inverse, l’Arctique est annoncé plutôt froid, ce qui est rare.
      Le risque pour l’Antarctique, c’est surtout de voir les plateformes de glace de la péninsule fondre, notamment la Larsen-C, avec un risque de fragilisation.

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