Climat

Hiatus climatique : un rôle majeur de l’océan

Le ralentissement de la hausse des températures atmosphériques entre 1998 et 2013, plus connu sous le nom de « hiatus », ne fut pas vraiment un ralentissement du changement climatique. Ce hiatus traduit plutôt une redistribution de l’énergie entre l’atmosphère et l’océan. Une nouvelle étude souligne le rôle important que l’océan a joué lors de cette période en absorbant une partie du réchauffement de l’atmosphère. Sans ce rôle de soupape, l’élévation des températures aurait été plus importante.

Pour expliquer le hiatus, la recherche s’est particulièrement focalisée sur la séquestration de chaleur dans l’océan. Plus de 93% du réchauffement observé depuis les années 1970 a été absorbé par les océans. Mais il est compliqué de déterminer à quel point l’océan modère le réchauffement climatique sur de courtes périodes. La difficulté, c’est que les variations atmosphériques, converties en unités d’énergie, sont si modestes, par rapport aux variations océaniques, qu’elles se perdent dans le bruit des fluctuations. Le hiatus offre donc une occasion d’affiner la connaissance des interactions océan-atmosphère. Une étude publiée dans Earth’s Future fait le point sur les recherches dans ce domaine.

On peut constater ci-dessous à quel point le contenu en chaleur de l’atmosphère est modeste par rapport à celui de l’océan :

Anomalies annuelles de contenu en chaleur de l'atmosphère et de l'océan.

Anomalies annuelles de contenu en chaleur de l’atmosphère et de l’océan.

Il y a un phénomène indiscutable d’élévation du contenu en chaleur de l’océan. Mais par-delà cette tendance de long terme au réchauffement, il y a des fluctuations à court terme qui peuvent s’étendre sur quelques saisons, années ou décennies, sources de potentiels hiatus…

Le phénomène El Niño et l’Oscillation australe, à l’échelle interannuelle, est capable de transférer d’importantes quantités d’énergie thermique entre l’océan et l’atmosphère. Un exemple : l’émergence d’El Niño en 2009 a transféré 66 zettajoules (ZJ = 1021 joules) d’énergie thermique dans les 100 premiers mètres de l’océan pacifique équatorial, avec d’un autre côté une perte équivalente entre 100 et 300 mètres.

D’autres variations, comme la PDO ou l’AMOC, réorganisent la chaleur de l’océan à l’échelle décennale, impactant également les températures de l’atmosphère à plus long terme. Les effets les plus importants se sont faits sentir en hiver depuis les années 2000.

Des événements comme les éruptions volcaniques El Chichon en 1982 et Pinatubo en 1991, ont aussi eu un rôle en contrariant temporairement le réchauffement. Les aérosols liés à la pollution ont aussi eu un effet refroidissant en réfléchissant les radiations solaires vers l’espace.

Toute la question est de déterminer lequel de ces facteurs a le plus contribué au hiatus. Les auteurs de l’étude concèdent qu’il est difficile de parvenir à une conclusion définitive. Le refroidissement du centre et de l’est du Pacifique équatorial pendant la période du hiatus, impliquant un renforcement des vents d’est, est l’un des principaux modes suspectés d’avoir favorisé la séquestration de chaleur dans l’océan. Pour expliquer le hiatus survenu au début des années 2000, des scientifiques (England et al., 2014) ont en effet pointé le renforcement important des alizés au-dessus du Pacifique, une situation typique des conditions La Niña. Les alizés sont des vents qui soufflent fortement d’est en ouest pendant les périodes de type La Niña, ce qui contribue à l’enfouissement de chaleur dans l’ouest du Pacifique.

D’autres scientifiques (Lee et al., 2015) ont montré la chaleur enfouie dans le Pacifique depuis la pause climatique de 1998, se serait en fait frayée un chemin vers l’Océan Indien. Sang-Ki Lee a analysé les données et procédé à des simulations via un modèle, découvrant que la chaleur enfouie dans le Pacifique à la faveur des alizés s’était frayée un chemin vers l’Océan Indien, passant par l’archipel indonésien, comme on peut le voir sur le schéma ci-dessous :

Transfert de chaleur du Pacifique vers l'Océan Indien (Source : Sang-Ki Lee et al)

Transfert de chaleur du Pacifique vers l’Océan Indien (Source : Sang-Ki Lee et al)

D’autres études ont aussi pointé les effets des changements de l’ Oscillation décennale du Pacifique, la PDO, qui s’est manifestée depuis les 15 dernières années. La phase froide de la PDO est une sorte de La Niña qui se maintiendrait sur le long terme. Il existe aussi une phase chaude de la PDO, on l’a observé dans les années 90 et il se pourrait que l’on en revienne à ce régime dans les années à venir.

Il a aussi été suggéré que l’une des causes du hiatus était l’enfouissement de chaleur dans les couches profondes de l’Atlantique et de l’Océan austral dans le cadre de la variabilité multidécennale de la circulation océanique méridionale de l’Atlantique (AMOC en anglais). Ka-Kit Tung et son coauteur Xianyao Chen, de l’Université de l’Océan en Chine, ont utilisé en 2014 des observations des températures dans les profondeurs de l’océan jusqu’à 2000 mètres.

Les données montrent une augmentation de l’enfouissement de chaleur dans l’Atlantique aux alentours de 1999, quand le réchauffement rapide constaté à la fin du 20è siècle a marqué le pas. Des cycles récurrents conduits par la salinité permettent de stocker plus ou moins de chaleur dans l’Atlantique et les océans du sud. L’eau alourdie par le sel emporte la chaleur dans les profondeurs de l’océan. Les récentes observations à la surface de l’Atlantique Nord montrent une variation de la teneur de l’eau de mer en sel aux alentours de l’année 2000  alors que dans le même temps les eaux plus profondes emmagasinaient davantage de chaleur.

Si des explications convaincantes ont été avancées pour comprendre la période du hiatus, les auteurs de l’étude parue dans Earth’s Future appellent à renforcer le programme Deep Argo qui permet de collecter des données à des profondeurs plus importantes, ce qui permettrait d’améliorer la connaissance des redistributions de chaleur dans l’océan.

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