Climat

Les tergiversations américaines pourraient coûter 0,8°C

Pendant sa campagne, Donald Trump avait annoncé que les Etats-Unis ne respecteraient pas l’accord de Paris sur le climat s’il était élu président. L’occasion pour deux chercheurs de tenter de déterminer quelles seraient les conséquences d’un report de l’objectif américain de réduction des émissions de CO2.

Reporter de quelques années les engagements américains de réduction des émissions de gaz à effet de serre ne serait pas sans conséquences sur l’objectif de la COP 21, l’accord international trouvé à Paris fin 2015. Les Etats s’étaient alors engagés à limiter le réchauffement de la planète à +2°C par rapport à l’ère préindustrielle (et même à +1,5°C, si possible).

Certes, on sait que les promesses faites par les quelques 195 pays signataires de l’accord sont encore insuffisantes pour arriver à l’objectif des 2°C. Un organisme indépendant, le Climate Action Tracker, avait évalué le réchauffement qui déboucherait des contributions remises par les Etats. D’après cet organisme, les engagements aboutiraient à un réchauffement de 2,7°C en 2100. Les promesses faites en amont de la COP 21 constituent donc un progrès : sans ces engagements, la planète se dirigeait plutôt vers +3,7°C.

Les contributions doivent encore être améliorées pour parvenir à respecter l’accord. Mais qu’arrivera-t-il si les Etats tardent à mettre en oeuvre leur programme ? Dans un commentaire publié dans Nature Climate Change, on apprend qu’un report des engagements, même de quelques années, pourrait avoir d’importantes répercussions sur le climat. Car pendant cette période de latence, le CO2 continuera à s’accumuler dans l’atmosphère, approchant davantage du niveau requis pour atteindre les +2°C. Il y a un budget carbone à ne pas dépasser : plus les années passent, plus ce capital est entamé. Au rythme actuel, le budget serait même englouti en une vingtaine d’années. L’objectif de la COP 21 nécessite une réduction sans tarder.

Emissions annuelles de CO2 équivalent en Gt entre 2010 et 2100. Source : Climate Action Tracker.

Emissions annuelles de CO2 équivalent en Gt entre 2010 et 2100. D’après les chiffres du Climate Action Tracker.

Les auteurs du commentaire, Benjamin M. Sanderson et Reto Knutti, livrent les résultats des modèles climatiques basés sur différents types de scénarios, à la lumière des déclarations de Donald Trump, vainqueur de l’élection présidentielle américaine en novembre 2016. Leur conclusion est que l’accord de Paris sera difficile à respecter si les Etats-Unis font défaut.

Rien n’est encore certain : la nouvelle administration n’est pas installée (Donald Trump prendra ses fonctions le 20 janvier 2017) et n’a pas précisé dans le détail sa position par rapport aux engagements chiffrés soumis à la COP 21. L’administration Obama avait promis pour sa part une réduction de 26-28% des émissions d’ici 2025 par rapport à 2005.

Pendant sa campagne, Donald Trump avait dit vouloir enterrer l’accord de Paris. Il est ensuite revenu sur ces propos en novembre 2016. On sait quand même qu’il a choisi comme secrétaire d’Etat le PDG de la compagnie pétrolière ExxonMobil, Rex Tillerson. Sa volonté de relancer la production de charbon est un autre élément semant le doute quand aux éventuelles réduction des émissions aux Etats-Unis.

Donald Trump. Crédit : Gage Skidmore.

Donald Trump. Crédit : Gage Skidmore.

Comme on l’a dit, même les promesses de l’administration Obama et celles des autres Etats ne sont pas suffisantes pour rester sous les 2°C. Mais que se passerait-il si l’engagement était en outre repoussé de 8 ans (soit le temps de deux mandats présidentiels aux Etats-Unis) ?

Sanderson et Knutti estiment qu’une sortie des Etats-Unis de l’accord ou un échec à limiter les émissions pourraient gravement affecter la capacité de la communauté internationale à atteindre son objectif. Si la Chine a annoncé qu’un retrait américain ne modifierait pas son agenda, d’autres pays pourraient cependant suivre le chemin de l’administration Trump. C’est cette éventualité qu’ont voulu tester les deux scientifiques.

Si les autres Etats reportaient comme les Etats-Unis leurs objectifs de huit ans, 350 milliards de tonnes de CO2 seraient émises en plus au final, l’équivalent de +0,25°C.

Autre possibilité à prendre en compte, avec un impact similaire : l’augmentation du recours au charbon, qui pourrait provoquer une augmentation des émissions à court terme.

D’autre part, la nouvelle administration américaine pourrait couper les budgets de la recherche sur les énergies renouvelables, ce qui entraverait la capacité future à réduire les émissions.

Au total, le report de la réduction des émissions de 8 ans, le retard pris dans la recherche, et un développement du charbon à court terme pourraient considérablement alourdir la facture : l’équivalent de 350 à 450 milliards de tonnes de CO2 en plus pour chacun de ces trois facteurs.

De quoi doubler le cumul des émissions d’ici 2100. Les huit prochaines années pourraient au final peser lourd avec +0,8°C par rapport au scénario le plus sage consistant à limiter les émissions dès maintenant, estiment les deux scientifiques.

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1 réponse »

  1. Au point où on en était avant l’élection de Trump, je ne crois pas que ça change grand-chose par rapport aux dirigeants précédents… Non seulement, les promesses faites étaient insuffisantes pour parvenir à un plafond de +2°C _ or, comme on le sait, un cycle de rétro-actions positives impliquant un bouleversement des cycles du carbone et du méthane se mettrait en place à partir d’un tel seuil, et peut-être avant; mais en plus, les promesses n’engagent que ceux qui les croient, et on a l’habitude en Europe des menteurs qui s’empressent de marcher sur leurs soutiens dès qu’ils en ont l’occasion. Il me paraît déraisonnable de compter que les maigres engagements pris à l’issue de la COP21 eussent été tenus, quelle que soit la situation aux État-Unis.

    Par contre, l’élection de Trump me paraît quand même être une énorme défaite culturelle. Le climato-sceptiscisme a le vent en poupe. Les ignorants n’hésitent plus à clamer fort leurs séries d’idioties, et quand ils trouvent un soutien sur des sites qui se veulent sérieux comme LaChaîneMétéo, ça n’arrange rien. Le problème, c’est que c’est facile de dire des conneries; c’est plus long de les démonter. C’est un travail de fond à mener sans relâche.

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