Climat

La NOAA revoit à la hausse ses prévisions d’élévation du niveau de la mer

La NOAA et ses partenaires ont publié ce mois de janvier un rapport faisant le point sur les perspectives d’élévation du niveau de la mer au niveau global et régional (en l’occurrence, les Etats-Unis). Se basant sur les toutes dernières études publiées, le bilan de la NOAA revoit à la hausse ses dernières prévisions de 2012, tablant dans le pire des cas sur une augmentation moyenne globale de 2,5 mètres en 2100. Ce qui aura aussi un impact au niveau régional.

Le niveau moyen de la mer a augmenté de 21 à 24 centimètres depuis 1880, dont 8 centimètres depuis 1993. Bien qu’elle semble modeste, cette évolution a suffi à amplifier ces dernières années l’impact des tempêtes sur les régions côtières. Le rythme observé depuis 1900 est probablement le plus rapide depuis au moins 2800 ans, ce qui constitue une preuve de plus de l’impact des gaz à effet de serre sur la planète. Mais ce n’est qu’un début : l’élévation va se poursuivre au XXIè siècle et au-delà. Et même si les émissions de gaz à effet serre sont fortement limitées à l’avenir, le niveau de la mer augmentera encore probablement pendant plusieurs siècles.

La NOAA a commencé à travailler en 2015 pour réexaminer les perspectives d’élévation du niveau de la mer.  L’organisation américaine a passé en revue la littérature scientifique relative à la fonte des glaciers du Groenland et de l’Antarctique. Depuis le dernier rapport délivré en 2012, les scientifiques ont fait d’importants progrès : certaines études prévoient une possible élévation de 2 à 2,7 mètres à l’horizon 2100. Dans sa nouvelle analyse, la NOAA estime donc aujourd’hui qu’il est nécessaire de tabler sur un scénario extrême de 2,5 mètres en 2100, soit 0,5 mètres de plus que dans le rapport de 2012. La fourchette basse est également revue à la hausse, passant de 0,1 m à 0,3 m.

Probabilité de dépasser les scénarios d'élévation du niveau de la mer en 2100. Source : Kopp et al. (2014).

Probabilité de dépasser les scénarios d’élévation du niveau de la mer en 2100. Source : Kopp et al. (2014).

L’agence américaine a également révisé à la hausse les projections au niveau local. Pour les régions du nord-est (côte atlantique) et du Golfe du Mexique, l’élévation devrait être supérieure à la moyenne globale, environ 0,3 à 0,5 m de plus en 2100 (pour le scénario intermédiaire). Presque toutes les côtes américaines verraient l’océan monter davantage, excepté  le nord-ouest (côte pacifique) et l’Alaska. La situation serait aggravée si le pire des scénarios se réalisait : les côtes les plus à risque pourraient ainsi voir le niveau de la mer monter d’un mètre de plus que la moyenne globale en 2100.

Une étude récente a montré qu’une augmentation de 0,9 m inonderait de manière permanente des zones occupées actuellement par deux millions d’Américains. Avec 1,8 mètres, six millions de personnes seraient alors délogées.

On peut voir sur les cartes ci-dessous ce qui attend les côtes nord-américaines en 2100. Les anomalies sont calculées par rapport au niveau moyen de la mer au niveau global.

Evolution du niveau de la mer en 2100 par rapport aux différents scénarios. Source : NOAA.

Evolution du niveau de la mer en 2100 par rapport aux différents scénarios. Source : NOAA.

Le dernier rapport du GIEC prévoyait grâce aux modèles climatiques une élévation de 0,28 m à 0,98 m en 2100 selon les scénarios d’émission de gaz à effet de serre. Les prévisions de la NOAA sont assez proches si l’on retient comme base les hypothèses les plus probables, sur lesquelles se concentrent le GIEC. A noter que le GIEC n’excluait pas dans son dernier rapport que la hausse puisse excéder 0,98 m en cas d’une contribution plus importante de l’Antarctique. Ce qui change, dans le dernier rapport de la NOAA, c’est surtout le haut de la fourchette : bien que la probabilité soit faible, l’agence américaine n’exclut pas que le niveau de la mer puisse excéder 2,5 mètres si le pire des scénarios d’émission de CO2 se concrétise (le RCP 8.5, qui prévoit une hausse de températures de 3,2 à 5,4°C en 2081-2100 par rapport à 1850-1900).

Projections d'élévation du niveau de la mer selon les différents scénarios de réchauffement. Source : GIEC, 2013.

Projections d’élévation du niveau de la mer selon les différents scénarios de réchauffement. Source : GIEC, 2013.

Dans le rapport de la NOAA publié en 2012, la scénario le plus extrême prévoyait +2,0 mètres sur la base d’une évaluation de Pfeffer et al. (2008) misant sur une fonte massive au Groenland. Depuis, on a eu la preuve que l’Antarctique était lui aussi fragile. Les mesures satellitaires gravitationnelles de la mission GRACE et les mesures d’altimétrie ont montré que le Groenland et l’Antarctique voyaient leur fonte accélérer. Au cours de la dernière décennie, la calotte de l’Antarctique de l’ouest a perdu deux fois la quantité de glace gagnée par la partie orientale, d’où une perte nette.

Dans le dernier rapport du GIEC, le scénario RCP 4.5 prévoyait une contribution modérée du Groenland et un impact négatif de l’Antarctique, comme on peut le voir ci-dessous :

Contributions à l'élévation du niveau de la mer pour le scénario RCP 4.5. Source : GIEC, 2013.

Contributions à l’élévation du niveau de la mer pour le scénario RCP 4.5. Source : GIEC, 2013.

Dans la revue Nature, des scientifiques (DeConto et Pollard) ont estimé en mars 2016 que l’Antarctique avait à lui seul le potentiel pour conduire à une élévation du niveau des océans d’un mètre d’ici 2100 et de 15 mètres en 2500. D’après les deux chercheurs, dans les scénarios les plus pessimistes d’émissions de gaz à effet de serre, le réchauffement atmosphérique devrait supplanter l’océan comme le facteur dominant de la débâcle.

Des périodes chaudes antérieures marquées par un niveau de la mer nettement supérieur à celui d’aujourd’hui – jusqu’à 20 mètres – laissent en effet penser que la calotte glaciaire de l’Antarctique a dû être un acteur majeur de l’élévation. Parmi les épisodes chauds qui retiennent l’attention des scientifiques, on trouve le dernier épisode interglaciaire, il y a environ 125 000 ans, marqué par une élévation du niveau de la mer de 6 à 9 mètres. Les températures étaient alors semblables à celles d’aujourd’hui. Autre précédent inquiétant : le Pliocène, il y a environ 3 millions d’années. Le niveau de la mer était de 20 mètres supérieur au niveau actuel avec une concentration de CO2 d’environ 400 ppm, la même qu’en ce début de XXIè siècle.

Le timing de la fonte est ce qu’il importe le plus désormais de déterminer puisqu’il semble très probable que le niveau de la mer va augmenter en lien avec la concentration de gaz à effet de serre, comme le montrent les donnés paléoclimatiques. On peut voir ci-dessous les projections à l’horizon 2200 :

Scénarios d'élévation du niveau de la mer en mètres (moyenne de 19 ans centrées sur chaque décade) initialisés en 2000. Source : NOAA.

Scénarios d’élévation du niveau de la mer en mètres (moyenne de 19 ans centrées sur chaque décade) initialisés en 2000. Source : NOAA.

Le GIEC se concentre essentiellement sur ce qui va « probablement » arriver, c’est à dire ce qui 66% de chances de se réaliser. Mais, comme le note la NOAA, cela laisse de côté 33% de chances de voir un scénario autre se réaliser. Un pourcentage qui ne peut être écarté quand il faut planifier des activités aussi sensibles que les centrales nucléaires, par exemple.

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7 réponses »

  1. Je note quand même que la NOAA n’estime qu’à 1,3% de risque que le niveau des mers monte d’au moins 1,5 mètres d’ici 2100, avec le scénario RCP 8,5. Et seulement 0,1% de risque d’atteindre +2,5 mètres, toujours avec le pire scénario possible. On est loin des prévisions d’Hansen, par exemple.

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    • C’est vrai la probabilité est très faible, c’est pourquoi je précise dans l’article que les projections centrales du Giec ne sont pas si différentes. C’est la fourchette haute qui est revue à la hausse par la Noaa, avec une très faible probabilité il est vrai. Il y a encore beaucoup d’incertitudes sur le timing de la fonte, il me semble.

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  2. Bonsoir,
    J’ai lu ce compte-rendu intéressant… Et inquiétant. Mais heureusement, il faudrait un réchauffement des océans de six degrés pour que le phytoplancton cesse sa production d’oxygène, d’après cette étude. Ce qui serait un scénario vraiment extrême, donc pas le plus probable.

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    • Merci de la réponse. Oui il faudrait un réchauffement très marqué (il est probable qu’on ne connaisse pas le seuil précisément, cela pourrait être plus ou moins). Mais si l’on part d’une limite à 6 degrés, c’est une valeur assez probable en considération de la sensibilité climatique à long terme (après 2100, une fois que les inlandsis, l’océan ainsi que le cycle du carbone ont atteint l’équilibre).
      J’ai fait pas mal de recherches de mon côté et on trouve peu d’informations à ce sujet. La paléoclimatologie nous montre qu’il y’a déjà eut des baisses marquées du taux d’O2 dans l’atmosphère lors de certains changements climatiques passés, bien que ce fut surtout marqué dans l’océan. La bonne nouvelle pourrait résider dans le fait que ce n’est qu’un modèle et que la façon dont le phytoplancton va s’adapter est mal connue. Il pourrait trouver refuge dans le sud de l’océan austral selon certains, et/ou être stimulé sous forme de bloom par la débâcle antarctique et groenlandaise (actuellement on observe quasi-systématiquement des grandes traînées de plancton derrière les icebergs en dérive).

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