La fonte de la glace de mer arctique liée au réchauffement climatique pourrait augmenter le nombre de vagues de froid modérées mais ne devrait pas conduire à des hivers très rudes en Europe du nord, selon une nouvelle étude. Même si la circulation atmosphérique est perturbée par la diminution de la banquise, l’advection d’un air plus chaud réduira l’impact des vagues de froid.
La nouvelle étude publiée dans Nature communications examine comment la perte de glace arctique influence l’impact de l’Oscillation de l’Atlantique nord (NAO), un phénomène climatique intimement lié aux conditions hivernales en Europe du nord.
La NAO est une oscillation décrivant l’évolution de la circulation atmosphérique sur l’Atlantique nord. Elle s’accompagne de variations dans la position du jet stream (vents de haute altitude).
Plus précisément, la NAO est définie comme le différentiel de pression entre la dépression d’Islande et l’Anticyclone des Açores. Elle a deux modes : positif et négatif, dont les effets sur le climat en Europe sont opposés. Un indice négatif signifie que la pression associée à l’anticyclone des Açores est plus faible que sa valeur normale d’hiver, alors que la dépression d’Islande est à peine plus creuse. Par conséquent, les vents d’ouest ne sont pas très forts et les tempêtes sont rares. Quant au nord de l’Europe (dont la Grande-Bretagne et la moitié nord de la France), il passe sous l’influence de l’anticyclone de Sibérie : l’hiver est sec mais froid (source : Ifremer) avec l’advection de l’air glacial continental.

Source : Lamont Doherty Earth Observatory.
Une phase négative de la NAO est responsable d’hivers plus froids : -2,26°C par rapport à la moyenne. Il semble ainsi logique que si la fonte de glace de mer arctique entraîne davantage de phase négatives de l’Oscillation de l’Atlantique Nord, l’Europe du Nord connaîtra des hivers plus sévères.
Des études précédentes ont suggéré que la fonte arctique favorisera la phase négative de l’Oscillation de l’Atlantique Nord, avec des vents d’est renforcés qui apportent de l’air froid de la Scandinavie et de Russie vers le Royaume-Uni et le nord de la France. De tels vents d’est risqueraient en théorie de conduire à des hivers plus froids, comme celui observé au Royaume-Uni en 2009/2010.
Avec le réchauffement climatique, l’Arctique se réchauffe plus vite que les moyennes latitudes : c’est un phénomène que l’on appelle l’amplification Arctique. Certains spécialistes du climat comme Jennifer Francis, de l’université Rutgers, pensent ainsi que l’amplification arctique est susceptible de modifier le comportement du jet stream.
Une phase négative de la NAO est ainsi soupçonnée d’être le moyen par lequel la perte de glace de mer affecte les températures des moyennes latitudes. Mais la nouvelle étude, menée par James Screen (Université d’Exeter), suggère que la perte de glace arctique ne provoque par des hivers plus froids en Europe du nord.
James Screen a utilisé les simulations atmosphériques du Met Office pour examiner comment les événements NAO étaient affectés par la perte de glace de mer dans l’Arctique. En dépit d’une intensification de la phase négative de la NAO, caractérisée par un renforcement des vents d’est, la perte de glace de mer ne mène pas au refroidissement hivernal en Europe du Nord.
En fait, le refroidissement qui aurait normalement dû découler d’une NAO modifiée ne se produirait pas, compensé, voire dépassé par un effet thermodynamique dû à l’advection de masses d’air plus chaudes.
Même si la perte de glace favorise une NAO négative, apportant plus de jours de vents d’est froids, elle tend aussi à rendre ces vents plus chauds qu’auparavant. Ces effets contradictoires du réchauffement climatique s’annulent mutuellement.

Source : James A. Screen (Nature Communications).
En conséquence, la température moyenne Europe du Nord devrait rester relativement stable malgré la fonte de la glace de mer. L’étude précise qu’il y aurait moins d’anomalies de -3°C avec une glace de mer réduite. Il y aurait en revanche plus d’anomalies entre -3°C et 7°C. Cela veut dire que la perte de glace de mer augmenterait les anomalies modérément froides et chaudes mais que les vagues de froid sévères seraient diminuées. Au final, la variation de température moyenne serait très modeste.
James Screen avait déjà publié une étude en 2014 sur l’impact de la fonte arctique, sur les étés cette fois. L’étude apportait une explication aux six étés pluvieux constatés entre 2007 et 2012, un phénomène sans équivalent depuis 1900. Pour l’Angleterre et le Pays de Galles, l’été 2012 a été le plus humide et l’été 2007 le deuxième plus trempé depuis 1912.
James Screen affirmait alors que la perte de glace de mer en Arctique entraînait le courant jet vers le sud, amenant la pluie sur le nord de l’Europe. Or la banquise arctique n’a cessé de se rétrécir ces dernières années. Inversement, lors des étés les plus chauds depuis 1980, le jet stream se trouvait plus au nord.
Catégories :Climat
Très intéressant. Comme toujours, au reste.
A propos de l’amplification arctique et de Mme Francis, une brève intervention de cette dernière au sujet du rôle de la vapeur d’eau.
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Merci. Jennifer Francis souligne effectivement l’impact sous-estimé de la vapeur d’eau liée à l’évaporation accrue avec plus d’océan non recouvert de glace.
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