Le passage d’une sécheresse extrême à des inondations sévères en Californie illustre comment le réchauffement climatique intensifie le cycle de l’eau. Après une sécheresse historique de 2012 à 2016, la Californie a vu son climat opérer un revirement total fait de précipitations extrêmes et d’inondations. Dans les montagnes de la Sierra Nevada, les précipitations en janvier et février 2017 ont dépassé celles de l’année la plus humide jamais enregistrée, à savoir 1982-1983.
La Californie a connu une sécheresse sans précédent de 2012 à 2016 en raison d’une crête anticyclonique persistante stationnée sur la côte ouest. Au cours de l’hiver 2016-2017, une dépression est apparue au même endroit, initiant à l’inverse des niveaux élevés de précipitations dans l’ouest américain.

Sur 2013-2015, le climat des Etats-Unis a été très contrasté avec la formation d’un dipôle d’hiver : chaud à l’ouest, frais à l’est. Ce dipôle coïncide avec les ondes stationnaires liées aux différences de pression de part et d’autre du continent. Toute perturbation de la crête anticyclonique se répercute sur l’est via les ondes de Rossby et vice versa, de sorte que les deux sont très anticorrélés.

Ces ondes Rossby comportent une crête anticyclonique où est logé de l’air chaud et sec et un creux dépressionnaire où stagne un air plutôt froid et humide. Plus ces ondes sont larges, plus le temps est susceptible d’évoluer vers les extrêmes. C’est sous cette forme que le courant jet est le plus susceptible d’amener des événements comme la canicule de 2003 en Europe ou celle de 2010 en Russie. Elles sont également impliquées dans les extrêmes climatiques et le dipôle observés aux Etats-Unis ces dernières années. Il arrive parfois que le puissant courant jet reste bloqué dans une configuration particulière. Plusieurs études ont déjà pointé le risque d’une augmentation de ce type de blocage météo avec le réchauffement climatique.

D’après une nouvelle étude publiée dans Nature Climate Change, sous la direction de Simon Wang (Utah State University), les inondations extrêmes de l’hiver 2016-2017 qui ont suivi la sécheresse record illustrent un cycle de l’eau intensifié sur la Californie. Les données relatives à la pression atmosphérique montrent un dipôle de plus en plus marqué avec une amplification des extrêmes en Amérique du Nord.
Reste à déterminer l’origine de ces ondes de Rossby. Le réchauffement dans l’ouest du Pacifique, le Pacifique Nord, la région ENSO et l’océan Indien peuvent amplifier la crête anticyclonique propice à la sécheresse. Les études basées sur les modèles ont permis de confirmer le lien entre le dipôle et les phases extrêmes d’ENSO, ainsi qu’à ses précurseurs, avec des projections montrant une intensification des épisodes de sécheresse et de précipitations. Certaines études précédentes se sont concentrées sur la crête anticyclonique seule, tandis que d’autres concernaient les ondes de Rossby elles-mêmes. D’autres encore ont insisté sur le réchauffement de l’Arctique qui interagit avec la circulation des moyennes latitudes. On a d’ailleurs vu des niveaux de glace record lors de l’année 2017.
Simon Wang et ses coauteurs penchent plutôt pour une origine tropicale des ondes de Rossby. Le réchauffement climatique anthropique pourrait amplifier ces téléconnexions tropicales: ils montrent sur les dernières années une intensification du dipôle. Notons que certaines études ont montré que les Tropiques et l’Arctique pouvaient conjuguer leurs effets pour modifier le jet stream.

Les téléconnexions tropicales ont un lien avec la variabilité naturelle : le « sens » du dipole dépend en effet de la région du Pacifique qui se réchauffe. El Niño et la Niña apportent respectivement précipitations et sécheresse dans l’ouest américain. En revanche, ce que Simon Wang et ses coauteurs ont observé, c’est que le dipôle est de plus en plus marqué depuis 1950, surtout depuis le début du XXIe siècle.
Mais il ne s’agit pas d’un jeu à somme nulle où la chaleur d’un côté du continent américain est exactement compensée par le froid de l’autre côté. En fait, le refroidissement qui devrait normalement découler d’une vague polaire est atténué : même si le réchauffement climatique peut favoriser des vagues de froid en ralentissant le courant jet, il tend aussi à rendre les masses d’air plus chaudes qu’auparavant. L’air polaire est de moins en moins froid. De l’autre côté, la sécheresse est exacerbée par le réchauffement climatique.
Dans une précédente étude, Jin-Ho Yoon et Simon Wang avaient déjà cherché dans les modèles des réponses à leurs questions concernant l’avenir climatique de la Californie. Ils ont pour cela fait tourner les modèles CESM1 et CMIP5 avec et sans El Niño pour évaluer l’impact des gaz à effet de serre.
Si les émissions de CO2 suivent la tendance actuelle, la Californie devrait connaître d’ici 2080 deux fois plus de sécheresses et trois fois plus d’inondations qu’au XXe siècle, selon les simulations réalisées.

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