L’Arctique se réchauffe plus vite que le reste de la planète et devrait en conséquence devenir plus humide au cours du prochain siècle. Une nouvelle étude utilise les archives géologiques du Groenland pour préciser les causes de cette humidité accrue.
Depuis les années 1980, le réchauffement de l’Arctique est deux à trois fois plus important que la moyenne mondiale avec comme conséquence une forte réduction de l’étendue de la glace de mer, jusqu’à 40% en septembre depuis les années 1980 .
C’est un fait qu’une augmentation de la température signifie que l’air peut retenir plus d’humidité. Pour ce qui est de l’Arctique en particulier, les modèles indiquent que le réchauffement conduira à une intensification du cycle hydrologique, avec une augmentation des précipitations de 50 à 60% en 2100 avec un scénario de fortes émissions de gaz à effet de serre (RCP8.5).
Pour tenter d’en savoir plus sur les mécanismes de cette évolution attendue et apporter des éléments indépendants des modélisations, une nouvelle étude examine ce qui s’est passé au cours du réchauffement climatique survenu il y a quelques 8 000 ans. Car à cette époque, l’ouest du Groenland est devenu plus humide, avec une augmentation des précipitations.
Deux processus climatiques différents peuvent contribuer à une humidité élevée dans le grand nord. A mesure que l’Arctique se réchauffe, la glace de mer fond, exposant les eaux régionales au soleil. Cela augmente massivement l’évaporation, entraînant plus de nuages et de précipitations. D’ailleurs, la couverture de glace de mer dans l’Arctique est en chute libre depuis des décennies, et la région a souvent atteint des niveaux record ces dernières années.
A mesure que la planète se réchauffe, l’humidité augmente davantage dans les régions plus proches de l’équateur. Cela crée un déséquilibre et finalement, de l’air humide des basses latitudes est aspiré par l’Arctique plus sec.
Pour en savoir plus sur l’histoire climatique de l’ouest du Groenland, les scientifiques ont analysé la boue au fond d’un lac. Ces sédiments contiennent des matières organiques qui révèlent des informations sur le passé climatique de la région.

Elizabeth Thomas, professeure adjointe de géologie à l’Université de Buffalo, tenant un échantillon de boue lacustre. Ces échantillons contiennent de la matière organique qui peut être analysée pour en savoir plus sur le climat passé d’une région. Crédit: Douglas Levere / Université de Buffalo.
Les chercheurs ont utilisé ces données géologiques pour déterminer que les deux processus précités avaient probablement contribué à une augmentation de l’humidité dans l’ouest du Groenland lorsque la région s’est réchauffée rapidement il y a 8 000 ans.
Les conditions météorologiques influent sur le contenu chimique des cires de feuilles. Celles-ci contiennent de petites quantités d’une forme rare d’hydrogène appelée deutérium, et la concentration de deutérium peut augmenter ou diminuer en fonction de facteurs tels que l’humidité et les régimes de précipitations. Dans les cires de feuilles arctiques, les concentrations de deutérium fluctuent en fonction des précipitations locales ou des nuages ayant parcouru de longues distances à partir de basses latitudes pour arriver dans la région.
Des lipides complexes appelés alkyl tetraéthers de glycérol produits par des bactéries, ont également été utilisés comme marqueurs du climat passé. Leur composition varie en fonction de la température ambiante au moment où ils ont été produits. En conséquence, les scientifiques peuvent les utiliser pour reconstruire les tendances de la température préhistorique.
Ces indicateurs chimiques ont permis d’étudier les tendances anciennes en matière d’humidité et de précipitations dans l’ouest du Groenland, alors que la région se réchauffait il y a environ 8 000 ans.

Echantillon de matière organique extrait des sédiments lacustres. Crédit: Douglas Levere / Université de Buffalo
Ces indicateurs chimiques sont des outils relativement nouveaux, et ils permettent de faire des recherches sur le climat ancien d’une manière qui n’était pas possible auparavant. Les chercheurs peuvent utiliser ces outils pour étudier les fluctuations de l’humidité dans une région il y a des milliers d’années ou déterminer si les tempêtes dans une région ont une origine locale ou lointaine.
Comme le suggèrent les observations actuelles et les projections des modèles, les deux processus identifiés pourraient à nouveau jouer, contribuant ainsi à d’éventuelles augmentations futures de l’humidité dans l’Arctique et, en définitive, des précipitations.
A l’échelle mondiale, les précipitations devraient augmenter de 1,6 à 1,9% pour chaque degré de réchauffement de la planète, mais ce chiffre est plus que le double dans l’Arctique. En 2091, les précipitations totales dans l’Arctique augmenteront de manière spectaculaire. La majeure partie des précipitations ne sera pas sous forme de neige ; ce sera plutôt de la pluie, avait conclu une étude de Richard Bintanja en 2014. Les très hautes latitudes recevront toujours de la neige cependant.
Richard Bintanja estime que l’augmentation des précipitations de 50 à 60% dans l’Arctique devrait être causée par le retrait de la glace de mer. C’est ce qu’il avait tiré des simulations de 37 modèles climatiques utilisés pour prévoir les précipitations dans l’Arctique entre 2091 et 2100.
L’impact de l’augmentation des précipitations est difficile à prévoir. La pluie peut faire fondre la neige qui reflète habituellement la lumière, laissant la terre absorber plus de chaleur du soleil. Le ruissellement de la neige fondante peut altérer la salinité de l’océan Arctique, ce qui peut nuire aux espèces marines et affecter les courants océaniques.
Une salinité réduite et un écoulement de l’eau douce vers l’Atlantique Nord est susceptible d’affecter la formation d’eau profonde. C’est un élément clé de la force de la circulation océanique méridienne de retournement Atlantique, autrement connue sous le nom d’AMOC ou circulation thermohaline.
Les précipitations hivernales et la perte de glace de mer qui en résulte peuvent également menacer les populations d’ours polaires et de rennes, en raison de leurs effets sur leurs territoires de chasse et les espèces dont ils se nourrissent.
Bonjour Johan,
Une phénomène que j’ignorai, les « ouverture » de glace provoqueraient moins d’ennuagement bas : https://www.nature.com/articles/s41467-019-14074-5.pdf
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Merci Ghtuz,
C’est effectivement quelque chose d’inattendu puisque l’opinion dominante était jusqu’à présent que ces ouvertures étaient associées à plus de nuages bas pendant l’hiver. Apparemment c’est dû au fait que cela regèle rapidement après ouverture.
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