D’après la NOAA, l’océan et l’atmosphère semblent s’être couplés dans le Pacifique tropical et répondent désormais aux critères applicables aux conditions El Niño. Les prévisionnistes s’attendent à ce que les conditions El Niño persistent au printemps.
Le phénomène aura été long à émerger mais les conditions El Niño sont enfin présentes, selon la NOAA. La nouvelle a été annoncée officiellement par l’agence américaine le 14 février 2019 puis confirmée dans un bulletin le 19 février. En raison de la faiblesse attendue du phénomène, les impacts globaux devraient être limités.

Depuis septembre 2018, les températures de surface de la mer étaient au-dessus du seuil El Niño mais il manquait un ingrédient essentiel, le couplage avec l’atmosphère.
Ce qui a changé récemment, c’est la convection dans le Pacifique et les vents, enfin compatibles avec El Niño. La NOAA s’attend à ce que des conditions El Niño faibles persistent au printemps 2019 (~ 55% de chance).
Après une période où l’on a vu la probabilité d’un événement El Niño revue à la baisse, depuis début février 2019, les anomalies de température de surface de la mer (SST) positives se sont légèrement renforcées dans le Pacifique équatorial.

Si l’on en croit la NOAA, les critères sont donc remplis pour déclarer officiellement El Niño. Mais il s’en est fallu de peu. Le Bureau of Meteorology (BOM) australien reste d’ailleurs en phase « El Niño WATCH » et n’a pas encore officiellement annoncé l’émergence du phénomène.
A y regarder de plus près, on peut constater en tout cas des STT supérieures à +0,5°C dans la région Niño 3.4 du Pacifique, une persistance de cette anomalie chaude et surtout l’élément qui manquait, une circulation de Walker affaiblie (ce qui se traduit pas davantage de nuages et de pluie dans le Pacifique central et moins de précipitations sur l’Indonésie).

En temps normal, la circulation de Walker est entraînée par une montée d’air au-dessus des eaux très chaudes de l’extrême ouest du Pacifique et de l’Indonésie. Cet air monte dans la haute atmosphère, voyage vers l’est, coule au-dessus du Pacifique oriental et retourne vers l’ouest près de la surface. Ce sont les fameux alizés qui soufflent d’est en ouest sur le Pacifique.
Avec El Niño, la force de la circulation de Walker diminue. On peut le mesurer avec l’indice d’oscillation australe équatoriale (SOI) qui mesure le différentiel de pression atmosphérique. Des valeurs négatives de cet indice traduisent une convection plus importante dans le centre-est du Pacifique et moins importante dans le Pacifique ouest. Ces changements atmosphériques réagissent au réchauffement de l’océan et l’amplifient dans une boucle de rétroaction.

Avec +0,6°C, le réchauffement de la surface dans la région de Niño3.4 est actuellement juste au-dessus du seuil d’El Niño (+0,5°C). La plupart des modèles climatiques prévoient que l’anomalie de température de surface augmentera légèrement dans un proche avenir et restera au-dessus du seuil d’El Niño jusqu’au printemps. On appréciera quand même l’amplitude des prévisions !

Comment on l’a vu précédemment, les vents soufflent normalement d’est en ouest, ce qui entraîne une accumulation d’eau chaude dans le Pacifique occidental. Un affaiblissement de ces vents entraîne la couche superficielle vers l’est et potentiellement la propagation de ce que l’on appelle une onde océanique de Kelvin. Il s’agit d’une vague sous-marine qui afflue vers les côtes américaines. Les coups de vents dans la zone équatoriale exercent une pression sur la surface de la mer, agissant ainsi à la fois sur le niveau de la mer et sur la profondeur de la thermocline. Ce déplacement entraîne une poussée vers le bas (downwelling Kelvin wave) alors que la vague se dirige vers l’est : il est plus difficile pour les eaux plus froides et plus profondes d’influencer la surface.

Depuis début janvier 2019, une « downwelling Kelvin wave » a accru les anomalies de subsurface vers le centre et l’est du Pacifique. Le phénomène sera donc intéressant à suivre au cours des prochaines semaines, car il pourrait fournir des eaux plus chaudes en surface.
Dans la moyenne, les modèles annoncent un épisode El Niño faible. Pour l’anecdote, on notera quand même que le modèle NCEP CFSv2 est l’un de ceux qui annoncent les SST les plus élevées dans les mois à venir, au-dessus de 1°C dans la région Niño 3.4. Ci-dessous, on peut notamment voir les projections en bleu qui correspondent aux toutes dernières prévisions.

Les prévisions sont plus qu’incertaines mais d’après ce modèle, les SST pourraient grimper à 2,5°C dans la région Niño 3.4, un niveau qui n’est atteint que lors des épisodes majeurs. On aurait alors un double El Niño, comme en 1986-1988 ? Le phénomène est très rare mais on peut rappeler qu’avant le double El Niño 1986-1988, il y avait eu un gros événement en 1982-1983, suivi de deux petits épisodes La Niña…



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