Une nouvelle étude montre que le changement climatique affecte particulièrement l’Europe. Au-delà de la tendance moyenne, c’est le nombre de jours de chaleur extrême qui augmente, tandis que le nombre de jours de froid extrême diminue.
Au cours des deux dernières décennies, l’Europe a connu une série d’extrêmes de chaleur qui ont battu des records de température de longue date, et cela presque partout sur le continent. Les étés 2018 et 2019 constituent des exemples frappants. Les températures en Europe ont atteint des niveaux record cet été 2019, avec notamment 46 degrés Celsius dans le sud de la France, un record national.

Anomalies de température le 25 juillet 2019. Source : tropicaltidbits.com/GFS
L’Europe s’avère ainsi être l’une des régions qui a connu la plus forte intensification des extrêmes chauds depuis les années 1950. Dans le même temps, la fréquence des extrêmes froids a fortement diminué.
Une nouvelle étude publiée dans la revue Geophysical Research Letters se penche sur les épisodes de chaleur et de froid extrême et leur évolution dans le temps en Europe, avec un focus sur trois régions (Europe du Nord, Europe centrale, Méditerranée). On y apprend que le nombre de jours d’été avec une chaleur extrême a triplé depuis 1950 et que les étés se sont globalement réchauffés. Le nombre de jours d’hiver avec un froid extrême a diminué d’au moins de moitié, dans un contexte de réchauffement hivernal moyen.
L’auteur principal de l’étude, Ruth Lorenz (Ecole Polytechnique Fédérale de Suisse), et ses collègues ont utilisé les données d’observation recueillies par les stations météorologiques européennes de 1950 à 2018, puis ont analysé le 1% supérieur des extrêmes de chaleur, ainsi que le 1% supérieur des jours les plus froids sur cette période.
En moyenne, en Europe, les extrêmes chauds (au-dessus eu 99e percentile) sont passés d’environ 2 jours par an en 1950 à environ 6 jours par an en 2018.
L’étude montre qu’en moyenne, en Europe, le nombre de jours de chaleur extrême et de stress thermique (combinant température et humidité) a plus que triplé et que les températures extrêmes ont augmenté de 2,3°C entre 1950 et 2018. Les extrêmes prennent ainsi 0,33°C par décade.

La colonne de gauche montre les tendances de (a) TXx, (c) WBTx et (e) TNn aux stations valides. De plus, les autres sous-régions utilisées dans l’analyse sont indiquées sur la carte. La colonne de droite présente les histogrammes des tendances de (b) TXx, (d) WBTx et (f) TNn en rouge clair (toutes les stations) et en rouge foncé (uniquement les stations présentant des tendances statistiquement significatives), ainsi que des séries chronologiques amorcées de manière aléatoire en gris pour EUR. Source : Ruth Lorenz et al (2019), Geophysical Research Letters.
Alors que l’augmentation du nombre de journées chaudes est faible de 1950-1972 à 1973-1995, les journées de chaleur extrême ont doublé sur 1996-2018 et ont plus que triplé sur l’ensemble de la période. L’ampleur de l’augmentation est la plus grande pour les cellules les plus extrêmes (> 99%). La tendance est particulièrement marquée la nuit.
D’un autre côté, les nuits extrêmement froides (<1er percentile) ont été divisées par plus de deux, passant de plus de 5 environ vers 1950 à 2 jours par an en 2018. Là encore, la diminution est la plus forte pour les événements les plus extrêmes. Les températures extrêmement froides se sont réchauffées de plus de 3°C. La tendance médiane du réchauffement des extrêmes de froid pour toutes les stations est ainsi de 0,49°C par décennie.
Les extrêmes froids se sont donc réchauffés dans une grande partie de l’Europe à un rythme plus rapide que les extrêmes de chaleur et ont connu des tendances allant jusqu’à 1°C/décennie dans de nombreuses stations du Nord et de l’Europe orientale. Cette tendance au réchauffement marqué des extrêmes froids pourrait être liée à l’amplification arctique.
La fréquence des extrêmes chauds et froids montre des variations considérables d’une année sur l’autre et il y a toujours des hétérogénéités spatiales dues en partie à la variabilité interne. Cependant, en agrégeant les extrêmes dans toute l’Europe, un signal clair apparaît.
Il s’avère que certaines régions d’Europe se réchauffent plus rapidement que dans les modélisations climatiques. C’est notamment le cas dans la région baptisée « Europe Centrale », qui comprend la France, où les tendances modélisées sont environ deux fois moins élevées que les tendances observées. En Europe Centrale, le réchauffement a atteint 0,8°C par décennie dans certaines stations individuelles, soit plus de 5°C sur l’ensemble de la période. Les extrêmes chauds se sont réchauffés d’environ 50% de plus que les températures moyennes estivales correspondantes.
Les extrêmes chauds et froids se sont réchauffés dans près de 94% des stations. Un pourcentage trop élevé pour être uniquement dû à la variabilité naturelle du climat, selon les chercheurs. Ruth Lorenz et ses coauteurs y voient un signal clair du réchauffement climatique.
Les auteurs de l’article ont également examiné des données d’observation pour déterminer si les modèles climatiques utilisés pour les projections régionales pouvaient reproduire les tendances observées. Les observations montrent un réchauffement plus important des extrêmes chauds que les modélisations EURO-CORDEX. En revanche, le réchauffement des extrêmes froids est plus marqué dans les modèles que dans les stations étudiées.
Les modélisations EURO‐CORDEX ont donc tendance à sous-estimer l’intensité des extrêmes chauds et encore plus à surestimer le réchauffement des températures extrêmement froides.
Mais au final, selon les auteurs de l’étude, les étés et les hivers européens ne feront que se réchauffer au cours des prochaines années, à mesure que le changement climatique s’accélérera.
Catégories :Climat
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