La NOAA vient de publier son « Arctic Report Card 2019 » qui rapporte les nombreux changements survenus dans la région polaire. Voici quelques points importants du rapport compilé par 81 scientifiques venus de 12 nations :
Les températures de l’Arctique
Selon le Bulletin 2019 de la NOAA, la température à la surface des terres de l’Arctique entre octobre 2018 et septembre 2019 a été la deuxième plus élevée des annales. Le constat a été établi pour les régions situées au nord de 60°N à partir des stations météorologiques terrestres. La moyenne sur 12 mois se classe derrière 2015-16 sur une archive remontant à 1900.

Les températures de l’Arctique au cours des six dernières années (2014-19) ont toutes dépassé les records précédents. Sur octobre 2018-septembre 2019, l’anomalie a atteint +1,9°C au-dessus de la moyenne 1981-2010.
La température annuelle de l’air dans l’Arctique continue d’augmenter à un rythme deux fois plus rapide que le reste de la planète depuis le milieu des années 1990, un phénomène connu sous le nom d’Amplification arctique.
Bien qu’il n’y ait pas de consensus sur les raisons de l’Amplification arctique, les mécanismes suspectés en priorité sont la réduction de l’albédo lié à la perte de glace de mer et de couverture de neige, l’augmentation de la vapeur d’eau et des nuages dans l’atmosphère arctique, la rétroaction du gradient thermique adiabatique (diminution de la température troposphérique avec l’altitude), et les contrastes de pollution atmosphérique.
L’Alaska a connu des températures de l’air plus chaudes que la normale tout au long de l’année, en particulier en hiver, associées à des vents du sud inhabituels.

Des températures de l’air localisées particulièrement chaudes au printemps et en été dans l’ouest du Groenland ont favorisé de nombreux épisodes de fonte de la calotte glaciaire et une fonte des neiges régionales précoce.
Malgré la variabilité naturelle, l’ampleur, la persistance et les tendances à l’échelle de l’Arctique des récentes augmentations de température sont des indicateurs du changement climatique mondial résultant de l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre atmosphériques, d’après les auteurs de l’étude.
Les températures à la surface de la mer
Les températures moyennes à la surface de la mer (SST) en août 2019 ont été de 1 à 7°C plus élevées que la moyenne 1982-2010 dans les mers de Beaufort, Tchouktches, Laptev et Baffin. Une exception marquée en août est le nord de la mer de Barents.

Les températures de surface de la mer (SST) entre août 1982 et août 2019 montrent une tendance au réchauffement sur une grande partie de l’océan Arctique. La région de la mer des Tchouktches continue de se réchauffer de manière significative, avec des SST moyennes en août 2019 au deuxième niveau le plus élevé jamais enregistré.
La glace de mer
La couverture de glace de mer de l’Arctique poursuit la tendance à la baisse. En 2019, l’étendue à la fin de l’été a été la 2e plus réduite des archives avec 4,15 million km2. C’est 33% de moins que la moyenne 1981-2010. Les 13 plus faibles étendues ont été observées au cours des 13 dernières années (2007-19).

La mer des Tchouktches a connu un début de fonte très précoce et une perte de glace rapide au printemps 2019 et, à la fin de l’été 2019, a atteint l’une des plus basses étendues de glace du record satellite de la région.
L’étendue de fin d’hiver a été moins impressionnante en 2019 puisqu’elle n’a été que la 7e plus réduite des relevés satellites (1979-2019).
L’âge de la glace de mer est également un élément clé. Une glace plus ancienne a tendance à être plus épaisse et donc plus résistante aux forçages atmosphérique et océanique par rapport à une glace plus jeune.
La glace la plus ancienne (> 4 ans), qui dominait autrefois dans l’océan Arctique, ne représente désormais qu’une petite fraction de la banquise en mars, lorsque la couverture de glace de mer est à son maximum. En 1985, 33% de la banquise était de la glace de plus de 4 ans mais en mars 2019, cette glace ancienne ne représentait plus que 1,2% de la banquise dans l’océan Arctique.

La glace de première année domine désormais, représentant environ 70% de la banquise en mars 2019, contre environ 35 à 50% dans les années 1980. Etant donné que la vieille glace a tendance à être plus épaisse, la couverture de glace de mer est passée d’une masse de glace forte et épaisse dans les années 1980 à une masse de glace plus jeune, plus fragile et plus mince ces dernières années. La glace de première année est donc plus vulnérable à la fonte en été, augmentant ainsi la probabilité d’une extension minimale des glaces.

Un mot sur la répartition de l’âge glaciaire en mars 2019 par rapport à l’année précédente. Les changements les plus importants ont été une diminution de la couverture de glace de deuxième année (1-2 ans), de 21,4% en mars 2018 à 12,8% en mars 2019, et une augmentation de la glace de 3-4 ans de 1,3% à 6,3%. Cela pourrait reconstituer la catégorie des glaces de plus de 4 ans, mais ces dernières années, la glace a tendance à se perdre soit par fonte, soit par déplacement hors de l’Arctique.
Le Groenland
Les observations directes de la calotte glaciaire de l’automne 2018 à 2019 confirment le changement rapide et continu au Groenland. Ce changement se manifeste dans les observations de l’aire de fonte de surface, de la perte totale de glace, de l’albédo de surface, et du mouvement et des pertes des glaciers.
La fonte en surface a concerné près de 95% de la calotte glaciaire du Groenland au cours de l’ensemble de l’été 2019. La fonte de surface a commencé au début de 2019, vers la mi-avril, de 6 à 8 semaines avant la moyenne à long terme (1981-2010). Des conditions similaires se sont produites en 2012, l’année record, au cours de laquelle la fonte avait également commencé début avril. Sur 1981-2010, il n’y avait que 64% de la calotte qui connaissait une fonte de surface en été. On peut voir ci-dessous un graphique détaillé avec les pourcentages jour après jour (attention on ne peut comparer les pourcentages du graphe ci-dessous aux chiffres mentionnés précédemment qui sont valables pour l’été dans son ensemble).

Venons-en maintenant au bilan de masse du Groenland, sans doute le paramètre le plus important. Les missions satellites GRACE (2002-17) puis GRACE Follow-On ont révolutionné la surveillance de la perte de glace en fournissant des estimations des changements mensuels de la masse totale des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique.
GRACE mesure avec précision la distance entre deux satellites pour détecter les changements du champ de gravité terrestre causés par les mouvements de masse sur la planète.
A noter que la nouvelle mission GRACE-FO a été lancée le 22 mai 2018, si bien qu’il n’y a pas eu de mesures entre octobre 2017, date de fin de GRACE et mai 2018, date d’entrée en service de GRACE-FO.

La tendance actualisée de la perte de masse totale de glace pour la période GRACE (mai 2002-octobre 2017) a été de -282 Gt/an. La tendance pour la période GRACE-FO (mai 2018-mai 2019) est de -166Gt/an-1. Bien que cela soit une baisse significative, il y a donc une réduction du taux de perte de masse au cours des 11 premiers mois GRACE-FO, par rapport à l’ensemble des données GRACE mais cette période n’inclut pas l’été 2019, lorsque les pertes se produisent.
La tendance de perte de masse mise à jour pour les périodes combinées GRACE et GRACE-FO (mai 2002-mai 2019) est de -267 Gt/an, ce qui équivaut à environ 0,7 mm/an d’élévation du niveau moyen de la mer.
Ces pertes de masse au Groenland sur 2002-2019 dépassent tout ce que l’on a pu voir lors des périodes précédentes : +47 Gt/an sur 1972-80, – 51 Gt/an sur 1980-90, – 41 Gt /an sur 1990-2000.

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