Climat

Le changement climatique affecte bien le risque d’incendie en Australie

Avec le réchauffement climatique, le risque de voir des incendies comme ceux de 2019/20 dans le sud-est de l’Australie est au moins 30% plus probable, d’après une étude du World Weather Attribution. La comparaison entre les modèles et les observations semble indiquer que la probabilité pourrait être encore plus importante.

2019 a été l’année la plus chaude et la plus sèche en Australie depuis le début des mesures (respectivement en 1910 et en 1900). Dans ce contexte très favorable, les incendies de 2019/20 ont brûlé un pourcentage sans équivalent de forêt dans le sud-est du pays : 21% de la forêt de feuillus australienne a été incendiée en une seule saison. Une étude du World Weather Attribution (WWA) vise à déterminer quelle est la part du changement climatique dans la survenue de ce type d’incendies extrêmes. La WWA est une organisation internationale visant à analyser et à communiquer l’influence possible du changement climatique sur les phénomènes météorologiques.

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Indice de risque d’incendie en Australie publié au printemps 2019. Source : BOM.

Pour répondre à cette question le groupe de scientifiques du WWA a évalué les conditions génératrices d’incendies avec un indice, « le Fire Weather Index ». Il s’agit de mesurer le risque en prenant en compte les facteurs sous-jacents que sont la température, l’humidité, le vent et les précipitations. Les auteurs de l’étude se sont particulièrement penchés sur l’évolution des températures et des précipitations.

Le Fire Weather Index, la température et la sécheresse de la saison 2019/20 dans le Sud-Est de l’Australie ont été ainsi comparés au climat de 1900 à la fois dans les observations et les modèles.

D’après les modèles pour lesquels le Fire Weather Index a pu être calculé, la probabilité d’avoir un indice aussi élevé qu’en 2019/20 a augmenté d’au moins 30% depuis 1900 en raison du changement climatique. Mais les modèles tendent à sous-estimer les observations en matière de température pour l’Australie. La probabilité de survenue d’incendies majeurs pourrait donc être plus importante dans la réalité.

Si l’on prend en compte les observations, la tendance est encore plus alarmante. Par rapport au climat de 1900, la probabilité d’avoir un indice du niveau de celui de 2019/20 a été multipliée par quatre, et même d’un facteur neuf si on considère l’indice de sévérité mensuel. En comparaison, l’indice de sévérité mensuel n’est que deux fois plus important dans les modèles.

Pour le futur, les modèles indiquent que le Fire Weather Index rendra les épisodes de type 2019/20 encore plus probables.

Les chercheurs ont par ailleurs isolé le paramètre température. Les observations montrent qu’une vague de chaleur comme celle de 2019/20 aurait été de 1 à 2°C plus froide au début du 20e siècle. Une vague de chaleur aussi intense est aujourd’hui 10 fois plus probable qu’en 1900.

Dès le début de l’année 2019, des température record avaient été relevées en Australie. La chaleur a été encore plus extrême au cours du mois de décembre 2019 avec une anomalie de température moyenne de +3,21°C au-dessus de la période 1960-1990. C’est nettement au-dessus du précédent pic enregistré en décembre 2018 (+2,13°C). L’anomalie moyenne des températures maximales a atteint +4,15°C sur décembre 2019, largement devant le record de 2018 (+2,41°C). L’année 2019 a été la plus chaude observée en Australie depuis le début des mesures en 1910 avec une anomalie moyenne de +1,52°C, devant le précédent record de 2013 (+1,33°C).

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Anomalies annuelles de température en Australie. Source : BOM.

Les modèles simulent également une hausse des températures en Australie mais la tendance au réchauffement est moins importante que dans les observations et la variabilité climatique trop élevée. Il y a deux interprétations possibles à cette divergence. Soit les observations sont influencées par un facteur autre que le réchauffement climatique anthropique. Soit les modèles peinent à simuler la réponse au forçage externe sur les événements de sécheresse extrême. Les auteurs de l’étude soupçonnent que les modèles sous-estiment la tendance au réchauffement. Ce constat est renforcé par la tendance des modèles à produire une variabilité climatique plus importante.

Une estimation prudente basée sur les modèles montre que le réchauffement climatique a augmenté les chances de voir une semaine aussi exceptionnelle que la semaine record de décembre 2019 d’un facteur deux au moins.

Le World Weather Attribution s’est aussi penché sur la sécheresse. Si l’année 2019 a été à un niveau de sécheresse record, les observations ne montrent pas de tendance significative. Les 10 modèles climatiques étudiés sont conformes aux observations. Les scientifiques en concluent qu’il n’y a pas de tendance conduisant le sud-est de l’Australie à des sécheresses plus extrêmes que dans le passé.

L’article a enfin examiné le rôle de la variabilité naturelle dans l’épisode record 2019/20, un élément déterminant pour évaluer l’influence humaine. Sur des années individuelles, la variabilité naturelle peut avoir une influence aussi importante que la tendance.

A côté de l’influence de long terme des émissions de gaz à effet de serre, l’événement particulier observé en 2019 a été rendu plus intense par un Dipôle de l’Océan Indien (IOD) positif et par l’Oscillation de l’Antarctique (Southern annular mode). Avec l’IOD positif, des eaux chaudes ont provoqué des pluies plus élevées que la moyenne dans la région ouest de l’océan Indien, et à l’inverse des conditions plus sèches en Australie. L’Oscillation de l’Antarctique décrit le mouvement de la ceinture de vents d’ouest qui entoure l’Antarctique. Elle s’éloigne ou se rapproche de l’Australie selon qu’elle est dans une phase positive ou négative, influençant les précipitations. Ces variations naturelles expliquent la moitié de l’amplitude de la sécheresse dans la seconde moitié de 2019. La hausse des températures étant davantage attribuable au réchauffement climatique.

Il n’est en outre pas exclu que la variabilité naturelle soit elle-même influencée par le changement climatique. Comme on l’a vu, le Dipôle de l’Océan Indien a eu un rôle déterminant dans la sécheresse de 2019. Une étude publiée dans Nature vient de pointer des changements inquiétants à la surface de l’Océan Indien.

Le Dipôle de l’Océan Indien a privé l’Australie de pluies en hiver et au printemps, mettant en place des conditions chaudes et sèches qui ont déclenché la saison de feux record en 2019.

D’après l’article de Nature, les IOD positifs marqués sont devenus plus fréquents et intenses au cours du 20e siècle et la tendance pourrait s’amplifier avec la poursuite des émissions de gaz à effet de serre.

Les chercheurs ont exploité les coraux dans l’est équatorial de l’Océan Indien pour reconstruire la variabilité du Dipôle sur près de mille ans. Il apparait que l’événement de 2019 est extrêmement rare. Sur la reconstruction débutant en 1240, dix phénomènes majeurs ont été observés, dont quatre au cours des 60 dernières années.

Les chercheurs ont découvert qu’il y avait eu 1675 un IOD 42% plus fort que l’événement le plus important de l’ère instrumentale (en 1997). Un événement de ce type est donc possible sans l’influence anthropique. Mais compte-tenu de la tendance vers des IOD intenses et fréquents, les chances de voir un épisode de type 1675 semblent renforcées. Il serait donc possible de voir des conditions de sécheresse plus sévères encore qu’en 2019.

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La carte montre que lorsque l’IOD positif et El Niño coïncident, les précipitations moyennes hiver-printemps sont inférieures à la moyenne dans presque tout l’est et le centre de l’Australie. Source : BOM.

L’étude montre également un lien entre la variabilité du Dipôle de l’Océan Indien et l’Oscillation australe (ENSO) du Pacifique sur le dernier millénaire. Si le Dipôle et El Niño peuvent agir indépendamment, les périodes de grande variabilité dans l’Océan indien se produisent quand la variabilité d’ENSO est également importante dans le Pacifique. La relation entre les deux phénomènes est complexe mais lorsque l’IOD positive et El Niño coïncident, les précipitations moyennes hiver-printemps tendent à être inférieures à la moyenne dans presque tout l’est et le centre de l’Australie.

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