L’année commence sur des bases plus fraîches que 2020. La température globale en janvier 2021 affiche une grosse baisse par rapport au mois de janvier de l’année dernière. On suivra cette année l’impact des conditions La Niña actuellement en vigueur dans le Pacifique.
La NASA a annoncé un record de chaleur en 2020, quasiment à égalité avec l’année 2016, marquée par des conditions El Niño exceptionnelles. Les choses devraient se calmer cette année sous l’influence du phénomène La Niña actuellement en cours.
Janvier 2021 confirme la baisse déjà entamée en décembre 2020. Avec +0,402°C au-dessus de la moyenne 1981-2010, la température observée en janvier 2021 est la 6e plus élevée depuis le début des mesures de la NASA en 1880. ERA5 a également annoncé le 6e mois de janvier le plus chaud avec +0,434°C.

Par rapport à la période 1880-1920, l’anomalie atteint +1,17°C en janvier 2021, d’après la NASA. Rappelons que l’objectif le plus ambitieux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est de limiter le réchauffement à +1,5°C au-dessus de la période préindustrielle.
L’épisode La Niña a émergé en août 2020 et fait désormais sentir pleinement son impact sur l’anomalie globale. La Niña a tendance à refroidir légèrement la température du globe, tandis qu’El Niño a tendance à l’augmenter. L’année 2021 devrait se situer une fois de plus dans le Top 10 des années plus chaudes des archives, comme l’illustre ce mois de janvier, mais il n’y a quasiment aucune chance d’assister à un nouveau record de chaleur.
Le graphique ci-dessous met en parallèle la température globale par rapport à 1880-1920 et les températures de surface de la mer dans la région 3.4 du Pacifique, représentatives des conditions La Niña ou El Niño. La tendance globale sur 12 mois (en bleu) chute habituellement sous la droite de régression linéaire (en rouge) sous l’influence de La Niña. Après l’accélération du réchauffement des dernières années, il reste à voir si La Niña parviendra à faire passer la moyenne sur 12 mois en dessous de ce seuil.

La plupart des modèles dynamiques et statistiques publiés récemment montrent des conditions La Niña modérées pour le reste de 2020, la plupart passant à des conditions La Niña faibles à la fin de l’hiver boréal et neutres au printemps. Le graphique suivant présente les prévisions faites par les modèles dynamiques et statistiques pour les températures de surface de la mer dans la région de Nino 3.4. La fiabilité des prévisions et la cohérence des modèles diminuent en fonction de l’éloignement de la cible.

Les cartes de la NASA et d’ERA5 expriment les conditions La Niña en vigueur dans le Pacifique Est. Les anomalies dans les régions tropicales sont en très nette baisse par rapport à janvier 2020, expliquant en grande partie la température globale moins élevée que l’année dernière. Les deux cartes ci-dessous montrent les anomalies relevées par la NASA et ERA5 au mois de janvier 2021. Leur accord est remarquable.


Autre phénomène important, un réchauffement stratosphérique soudain s’est produit entre fin décembre et début janvier. Comme cela se produit typiquement, le réchauffement stratosphérique a été suivi par une oscillation arctique et une oscillation nord-atlantique (NAO) fortement négatives pendant la majeure partie de janvier. Ces modèles sont généralement associés à des températures plus froides sur l’est des Etats-Unis et l’Europe. Ce qui s’est confirmé ce début d’année en Europe mais pas aux Etats-Unis. Les hautes pressions sur le Groenland se sont étendues vers le sud-ouest et ont amené des températures au-dessus des normales dans le nord des Etats-Unis. Les cartes ci-dessous montrent l’affaiblissement du vortex polaire stratosphérique et le changement de direction des vents à partir du 5 janvier, marquant le début de l’événement de réchauffement stratosphérique soudain.

Si La Niña et le réchauffement stratosphérique soudain ont retenu l’attention, on peut relever une statistique étonnante. Le graphique de la NOAA ci-dessous montre le pourcentage de la planète à un niveau record pour chaque mois de janvier depuis 1951 (chaud en rouge, froid en bleu). En janvier 2021, 5,93% de la surface mondiale a atteint une température record. Seuls les mois de janvier 2016 et 2020 ont connu des pourcentages plus élevés. L’Afrique a connu des températures inédites. L’Amérique du Nord dans son ensemble a connu son 2e mois de janvier le plus chaud.

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Le Berkeley calcule déjà une distribution de probabilité pour la température de 2021. Selon eux, il y a effectivement de fortes chances que cette année soit dans les 10 premières (avec une prévision centrale la plaçant en 5ème position), malgré une incertitude assez forte à ce stade de l’année: http://berkeleyearth.org/wp-content/uploads/2021/01/2020_Predictions.png
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Oui, ça reflète le spread des prévisions pour Enso. Le Pacifique pourrait revenir dans le neutre au second semestre. Mais neutre autour de -0.5C ou neutre à +0.2C (pour les SST de Nino3.4) c’est pas tout à fait la même chose. La prévision centrale au niveau de 2017 me semble une estimation assez raisonnable.
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Est-ce que vous savez pourquoi il demeure si compliqué de prévoir l’oscillation pacifique, au-delà de quelques mois? Je me rappelle d’un de vos articles rapportant une étude selon laquelle on pouvait s’attendre à une phase chaude entre 2019 et 2024, tirant la température globale vers le haut avec possiblement une première anomalie annuelle à +1,5°C. 2019 et 2020 ont été chaudes, certes, et 2021 devrait être en retrait de peu; mais on voit qu’anticiper le comportement du Pacifique (et donc, l’évolution à court/moyen terme de la température) demeure assez spéculatif, dans l’état actuel des connaissances.
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Les prévisions sont tentées sur 6-12 mois à l’avance mais restent difficiles avant le printemps. Je crois qu’une difficulté vient que c’est un phénomène à la fois océanique et atmosphérique. On tablait en 2014 sur un El Nino qui est retombé comme un soufflé puis les conditions atmosphériques ont créé la surprise, si je me souviens bien, pour mettre en place un El Nino extrême. Prédire les vents 9 mois à l’avance reste compliqué. Des progrès ont cependant été fait, notamment grâce aux données ingérées qui permettent d’initialiser plus finement les modèles.
Pour ce qui est des phases chaudes, je pense que c’est un peu différent, on parle de conditions plutôt chaudes lors de longues phases. Le gros El Nino de 2015-16 a été un tournant, d’après des études sur les transitions IPO froides-chaudes. On voit en tout cas que le réchauffement est plus important depuis 2014 qu’au début du siècle et le Pacifique n’y est sans doute pas étranger.
Une étude de 2017 a effectivement tablé sur le seuil 1.5C pour 2026 en cas d’IPO chaude. Ca paraît comme ça beaucoup mais si l’IPO est bien dans une phase chaude et qu’un gros El Nino émerge vers 2025, on pourrait a mon avis dépasser les 1.4C et approcher les 1.5C. Si on regarde 2016, avec 1.2C au-dessus de 1880-99 et qu’on ajoute un rythme accéléré de 0.25C/décennie, on peut atteindre 1.45C en 2026. Ca fait des conditions à réunir mais pas de la science fiction non plus.
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