Avec le rebond de la production industrielle mondiale, la demande de charbon dans le monde devrait augmenter de 6 % en 2021, ce qui la rapprochera des niveaux records qu’elle avait atteint en 2013 et 2014. Le plafonnement de la consommation de charbon ces dernières années et la baisse en 2020 avaient suscité des espoirs de déclin de cette source d’énergie très émettrice de CO2. La demande mondiale de charbon avait ainsi diminué de 4,4 % en 2020, la plus forte baisse depuis plusieurs décennies. Mais selon l’Agence Internationale de l’Energie, la tendance repart à la hausse en 2021.
Un rebond de 6 % devrait porter la consommation de charbon à 7 906 millions de tonnes (Mt) en 2021, d’après le rapport « Coal 2021 » de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE). Soit une augmentation similaire à celle de 2010, qui a suivi la crise financière mondiale. Ce chiffre inclut la production d’électricité mais aussi l’utilisation du charbon pour la production de ciment et d’acier. Dans ses précédentes perspectives dévoilées en 2020, l’AIE prévoyait que la demande de charbon rebondirait fortement en 2021. Le rebond s’avère beaucoup plus fort pour trois raisons. Premièrement, l’économie mondiale s’est redressée plus rapidement que prévu, avec une croissance du PIB mondial d’environ 5,8 %. Deuxièmement, un hiver froid et un été chaud ont stimulé la demande d’électricité, tandis que de faibles précipitations et des vents faibles dans certaines régions ont réduit l’offre d’électricité. Troisièmement, certains problèmes d’approvisionnement ont poussé les prix du gaz à des sommets historiques, augmentant la demande de charbon pour la production d’électricité.
La majeure partie de l’augmentation de 2021 provient de trois pays : la Chine, l’Inde et les Etats-Unis. La consommation de charbon de la Chine devrait augmenter de 159 Mt (+4 %), celle de l’Inde de 125 Mt (+13 %), et celle des Etats-Unis de 74 Mt (+17 %). Bien que la demande de charbon devrait croître plus lentement après la forte reprise de 2021, l’AIE prévoit qu’elle dépasse en 2022 le record établi en 2013 et qu’elle atteigne un nouveau record à 8 031 Mt en 2024.
Au-delà de 2021, l’AIE estime que la consommation mondiale de charbon devrait ainsi retrouver le schéma observé au cours de la décennie précédente : des baisses dans les économies avancées compensées par une croissance dans certaines économies émergentes et en développement.

La consommation de charbon pour la production d’énergie a connu un rebond notable. La demande d’électricité dépassant l’offre à faible teneur en carbone, et les prix du gaz naturel étant en forte hausse, la production mondiale d’électricité à partir du charbon est en passe d’augmenter de 9 % en 2021 pour atteindre 10 350 térawattheures (TWh) – un nouveau record absolu. On notera quand même que la part du charbon dans le mix électrique mondial en 2021 devrait être de 36 %, soit 5 points de moins que le pic de 2007. Aux Etats-Unis et dans l’Union européenne, la production d’électricité à partir du charbon devrait augmenter de près de 20 % en 2021, mais n’atteindra pas les niveaux de 2019. Surtout, il est peu probable que cette « embellie » du charbon dans les pays occidentaux se poursuive. En revanche, une croissance estimée à 12 % en Inde et à 9 % en Chine portera la production d’électricité à partir du charbon à des niveaux records dans ces deux pays lors des prochaines années.
Le rebond observé en 2021 aurait pu être encore plus important car la production n’a pas réussi à suivre le rythme de la demande, en particulier au cours du premier semestre, ce qui a réduit le niveau des stocks et fait grimper les prix. En Chine et en Inde, où les pénuries de charbon ont entraîné des coupures de courant et des usines au ralenti, des politiques nationales visant à accroître la production et à réduire les pénuries de charbon ont rapidement été mises en œuvre, facilitées par la forte présence des entreprises publiques dans la production.
L’influence de la Chine sur le marché du charbon est considérable avec une consommation qui représente plus de la moitié du total mondial (53% en 2020). La demande de charbon en Chine est soutenue par la croissance rapide de la demande d’électricité et la résilience de l’industrie lourde. Et ce, malgré une décennie d’efforts soutenus pour diversifier le bouquet énergétique du pays – au cours de laquelle la Chine a augmenté ses capacités hydroélectrique, éolienne, solaire et nucléaire plus que tout autre pays au monde – et le passage intensif du charbon au gaz naturel dans les secteurs du chauffage résidentiel et de l’industrie légère.
Après son bref rebond aux Etats-Unis et dans l’Union européenne en 2021, la demande de charbon reprendra son déclin jusqu’en 2024, prévoit l’AIE. Cette évolution est principalement due à la faible croissance de la demande d’électricité et l’expansion rapide des énergies éolienne et solaire photovoltaïque. En outre, l’attrait du charbon par rapport au gaz naturel devrait diminuer quand les prix du gaz retomberont. En Europe comme aux Etats-Unis, les émissions de CO2 sont principalement le fait du pétrole et gaz.
Les tendances mondiales en matière de charbon ces prochaines années seront donc largement déterminées par la Chine et l’Inde, qui représentent les deux tiers de la consommation mondiale de charbon. En Chine, la croissance de la demande de charbon devrait être d’un peu moins de 1 % par an en moyenne entre 2022 et 2024. En Inde, la croissance économique plus forte et l’électrification croissante devraient entraîner une croissance de la demande de charbon de 4 % par an. Pour la plupart des usages industriels où le charbon est utilisé, comme la production de fer et d’acier, il n’existe pas beaucoup de technologies susceptibles de le remplacer à court terme.
Sur la base des tendances actuelles, la demande mondiale de charbon devrait atteindre 8 025 millions de tonnes en 2022, soit le plus haut niveau jamais observé, et se maintenir jusqu’en 2024 avec un possible pic à 8 031 Mt. Nous somme donc sur un plateau élevé pour le charbon, et cela ne semble pas compatible avec les objectifs climatiques annoncés.
Les engagements pris par de nombreux pays, dont la Chine et l’Inde, en vue d’atteindre des émissions nettes nulles sont censés avoir de très fortes répercussions sur le charbon pour être crédibles. Au niveau mondial, le charbon est la source d’énergie fossile qui émet le plus de CO2 chaque année, depuis qu’elle a devancé le pétrole au début du XXIe siècle. En Chine et en Inde, c’est de loin la principale source d’émissions avec respectivement 7,8 et 1,8 milliards de tonnes de CO2 prévus en 2021, selon le Global Carbon Project. Ces deux économies – qui dépendent du charbon et dont la population combinée atteint presque 3 milliards d’habitants – détiennent la clé de la future demande de charbon. Mais l’AIE doit bien constater l’écart important entre les ambitions et les actions.
Dans le World Energy Outlook 2021 de l’AIE, publié en octobre, le scénario « zéro émission nette d’ici 2050 », pour se concrétiser, devait se traduire par une chute rapide de la consommation de combustibles fossiles. La demande de charbon, en particulier, devrait diminuer fortement (-21 %) d’ici 2025 et continuer à baisser par la suite. Certains développements récents pouvaient susciter quelques espoirs. Le Japon et la Corée se sont engagés à ne plus financer de centrales au charbon à l’étranger. En septembre, le président chinois a également annoncé la fin des nouveaux projets de centrales au charbon à l’étranger. Pendant la COP26, 45 pays, dont certains sont de gros consommateurs de charbon, ont signé la déclaration sur la transition du charbon vers l’énergie propre.
Mais d’après l’Agence internationale de l’énergie, les données du monde réel indiquent que la direction suivie éloigne le monde de la trajectoire « zéro émission nette » d’ici à 2050. La consommation mondiale de charbon s’est certes contractée en 2020, la pandémie de Covid-19 ayant entravé l’activité économique, mais elle a rebondi en 2021 et a même dépassé le niveau de 2019. Cette augmentation résulte d’une reprise économique mondiale robuste, de conditions météorologiques défavorables et des prix élevés du gaz. L’économie mondiale a connu une forte croissance cette année, et notamment celle de la Chine, qui produit et consomme plus de la moitié du charbon mondial.
D’après l’AIE, même si les investissements mondiaux dans les énergies renouvelables seront importants à moyen et à long terme, l’offre de charbon devrait augmenter jusqu’en 2024. La Chine et l’Inde prévoient notamment d’investir dans leur capacité d’extraction nationale afin de renforcer la sécurité de leur approvisionnement énergétique, tandis que l’Indonésie et la Russie investiront dans de nouvelles capacités d’exportation afin de stimuler leur croissance économique, compte tenu des prévisions de demande de charbon.
En bref, tout indique pour l’AIE que le fossé se creuse entre les objectifs politiques et les réalités du système énergétique actuel. Ce décalage a deux conséquences évidentes : les objectifs climatiques sont de plus en plus hors de portée et la sécurité énergétique est menacée car, alors que les investissements dans les combustibles fossiles diminuent, le financement des énergies et technologies propres n’augmente pas assez rapidement. Cette situation devrait inquiéter non seulement les décideurs politiques et l’industrie, mais aussi toutes les parties prenantes, conclut l’AIE.
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Et quand tout sera électrique, jusqu’aux slips connectés (ha, on me dit que ça existe déjà)…
La fabrique à coupables, NIMBY, comme c’est pratique; on se serai presque plaint de la pénurie de biens avant nos festivités. Une belle boucle de rétroaction qui n’est pas prête de s’arrêter (sans compter le sursit des glaciers himalayens).
Une chose certaine est en train de se dessiner très clairement : les objectifs annoncés sont absolument incompatibles avec la croissance économique et sa demande croissante en énergie pour maintenir à flot ce rêve de délivrance sans alternative. On n’aura pas les deux, ni maintenant, ni dans un siècle. Au risque même de n’avoir ni l’un ni l’autre.
Combien faudra-t-il de yotta watt pour artificialiser totalement la planète et métastaser sur mars par exemple ?
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Intéressant article, comme toujours. J’apporte de l’eau au moulin (non, ce n’est pas une blague de glaciologue désespéré par le réchauffement – quand on sait ce qu’est un moulin) avec l’article que le site Carfree.fr a eu l’amabilité de publier récemment – lien ci-dessous. J’y parle en effet du rôle du charbon dans le mix énergétique et dans la production d’électricité appelée à bondir avec les véhicules électriques et l’usage du numérique tous azimuts, y compris pour ces derniers (voitures autonomes). J’y ai inclus des infographies que j’espère éloquentes pour visualiser l’échelle de nos consommation, les chiffres restant terriblement abstraits pour beaucoup d’entre nous – moi le premier, c’est bien pourquoi j’avais commencé à faire des visuels, pour comprendre ce que je lisais. Voilà le lien :
http://carfree.fr/index.php/2021/10/12/voitures-electriques-retour-vers-le-futur/
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