Climat

Encore un record de chaleur océanique en 2021

Le contenu en chaleur des océans a encore battu un record en 2021. Plus de 90% de l’excès de chaleur dû au réchauffement climatique est absorbé par les océans. Ces derniers fournissent actuellement la meilleure estimation du déséquilibre énergétique de la Terre.

D’après une analyse publiée sous la direction de Lijing Cheng, le contenu en chaleur de l’océan entre 0 et 2000 mètres a encore battu un record en 2021 pour atteindre un niveau sans précédent depuis le début de l’ère instrumentale. Le record avait été battu en 2017 puis en 2019 et en 2020. La hausse en 2021 est plus importante que les années précédentes et montre que le réchauffement pénètre toujours davantage dans l’océan.

Le réchauffement à long terme de l’océan est un indicateur de l’état passé et présent du système climatique. Il fournit également un aperçu des changements à venir en raison de l’inertie thermique des océans. La concentration accrue de gaz à effet de serre provoque un déséquilibre énergétique dans le système climatique terrestre de près de 1 W / m2.

Les données ERA5 de température de l’air à la surface de la Terre montrent que l’année 2021 a été la 5è plus chaude depuis le début de l’ère instrumentale. Mais c’est dans l’océan que se retrouve principalement l’excès de chaleur piégé dans le système climatique, avec une capacité calorifique environ 1000 fois supérieure à celle de l’atmosphère. Si les conditions La Niña ont donné l’illusion d’une accalmie en surface, la nouvelle étude montre que le réchauffement se poursuit à un rythme soutenu.

La nouvelle étude publiée dans Advances in Atmospheric Sciences fait office de référence pour le contenu en chaleur de l’océan avec deux ensembles de données internationales, celle de l’Institut de physique atmosphérique (IAP) de l’Académie chinoise des sciences (CAS) et celle du National Centers for Environmental Information (NCEI) de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA). Ce rapport a été rédigé par 23 chercheurs issus de 14 instituts.

Malgré les incertitudes et des différences dans les méthodes de calcul, l’IAP et la NOAA mettent 2021 sur la première marche du podium devant 2020. L’anomalie de chaleur océanique (0−2000 m) en 2021 a atteint 235 zettajoules (ZJ =1021 Joules) au-dessus de la moyenne de 1981−2010 d’après IAP ; 227 ZJ d’après la NOAA. Les différences entre les analyses du contenu en chaleur de l’océan reflètent les incertitudes du calcul dues à la qualité des données, aux différences de cartographie et à la couverture des données. Mais l’analyse conjointe montre sans ambiguïté que les contenu en chaleur a été en 2021 le plus important jamais mesuré par l’homme.

Le classement ci-dessous montre les cinq années les plus chaudes pour l’océan mondial depuis 1955. Les valeurs du contenu en chaleur sont des anomalies pour les 2000 m supérieurs en unités de ZJ par rapport à la moyenne 1981-2010.

RangAnnéeIAPNCEI
12021235227
22020221211
32019214210
42017202189
52018195196

Les analyses de IAP /CAS et de NCEI/NOAA sont basées sur les observations in situ disponibles provenant de divers dispositifs de mesure conservés dans la base de données mondiale sur les océans. Les données de tous les instruments sont utilisées, y compris les bathythermographes extensibles (XBT), les flotteurs Argo et divers instruments. Le réseau d’observation Argo a atteint une couverture quasi globale des 2000 m supérieurs depuis 2005 environ. Les erreurs d’échantillonnage sont estimées en sous-échantillonnant les données Argo aux emplacements des observations antérieures. Les données relevées par les instruments Argo aident ainsi les scientifiques à corriger et valider les relevés de température à partir de mesures plus anciennes et moins fiables, ainsi qu’à combler les lacunes géographiques et temporelles. L’incertitude dans les données du contenu en chaleur a été considérablement réduite au cours des dernières décennies grâce au  système d’observation des océans.

Depuis le début des mesures, chaque décennie a été plus chaude que la décennie précédente. Dans la couche supérieure des 2000 premiers mètres, le contenu en chaleur a augmenté à un taux moyen de 5,7 ± 1,0 ZJ par an pour la période 1958-2021 (IAP / CAS) et de et de 4,7 ± 1,0 ZJ par an pour NCEI/NOAA. Il y a une accélération depuis 1986, avec une augmentation annuelle moyenne de 9,1 ± 0,3 ZJ par an, presque huit fois plus que le taux de 1958 à 1985 (1,2 ± 0,6 ZJ). La hausse sur la période est de 8.3 ± 0.7 ZJ yr-1 pour NCEI/NOAA.

Le contenu en chaleur en 2021 est supérieur à celui de 2020 de 14 ZJ, d’après les données IAP / CAS et de 16 ZJ d’après NOAA / NCEI. Il s’agit de données préliminaires qui seront complétées par des données de profil océanique qui ne sont pas immédiatement disponibles à la fin de l’année et par des processus d’étalonnage et de contrôle de la qualité qui se produisent également sur des échelles de temps plus longues.  Les données de 2020 ont été ainsi légèrement revues à la baisse dans la présente étude par IAP mais restent inchangées pour la NOAA.

Sur la période 1960-2020, 40.3%, de la chaleur a été stockée entre 0 et 300 mètres, 21.6% entre 300 et 700 mètres, 29.2% entre 700 et 2000 mètres, 8.9% entre 2000 mètres et le fond de l’océan. Avant 1992, le réchauffement de l’océan profond peut être considéré comme négligeable.

Le réchauffement plus marqué des océans dans les couches supérieures par rapport aux eaux profondes a provoqué une augmentation de la stratification des océans au cours du dernier demi-siècle. Avec une stratification accrue, la chaleur du réchauffement climatique pénètre moins efficacement dans l’océan profond, ce qui contribue à un réchauffement supplémentaire de la surface. Le réchauffement de l’océan réduit l’efficacité de l’absorption du carbone océanique et laisse plus de dioxyde de carbone dans l’air. En outre, le réchauffement climatique entrave les échanges verticaux de nutriments et d’oxygène, ce qui a un impact sur l’approvisionnement alimentaire de l’ensemble des écosystèmes marins.

Les changements régionaux et mondiaux révèlent un réchauffement important de l’océan depuis la fin des années 1950. La variabilité naturelle et les changements de la circulation océanique jouent un rôle important au niveau local, mais les changements prédominants résultent des modifications de la composition de l’atmosphère liées à l’activité humaine. Le réchauffement océanique à long terme est plus important dans les océans Atlantique et Austral que dans les autres régions et est principalement attribué, selon les simulations des modèles climatiques, à une augmentation des concentrations de gaz à effet de serre anthropiques. Outre l’analyse du contenu en chaleur de l’océan, l’étude fournit une estimation de la contribution des différents moteurs des variations avec le modèle CESM1. Le réchauffement est principalement attribué à l’augmentation des concentrations anthropiques de gaz à effet de serre, compensée par l’impact refroidissant des aérosols.

La variation annuelle de l’OHC est principalement liée à ENSO. Dans les sept domaines maritimes de l’océan Indien, de l’Atlantique tropical, de l’Atlantique Nord, du Pacifique Nord-Ouest, du Pacifique Nord, de l’océan Austral et de la mer Méditerranée, un réchauffement important est observé, mais avec une variabilité interannuelle à décennale distincte. Quatre des sept domaines ont enregistré un contenu thermique record en 2021. L’enregistrement du contenu en chaleur présente des fluctuations interannuelles notables mais d’après Lijing Cheng, il faut quatre ans pour que le signal de la tendance à long terme dépasse significativement la variabilité interannuelle avec ENSO comme principal moteur des variations annuelles.

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6 réponses »

  1. Dommage que cette réalité ne soit pas plus montrée dans les médias, qui rapportent trop souvent que 2021 fut la 5ème année la plus chaude alors que c’est bel et bien la plus chaude de toutes. En tout cas, ces données permettent d’avoir une bien meilleure idée de la tendance, puisque la variabilité naturelle est dépassée au bout de 4 ans seulement contre 20 ans pour la basse troposphère. On a donc le droit de regarder sur des échelles de temps plus courtes (5 ou 10 ans) l’évolution de la tendance, pour savoir si le réchauffement se poursuit au même rythme, ralenti ou accélère. Manifestement, depuis 30 ans, on est sur un rythme quasi constant: +100 ZJ/décennie correspondant à +0,2°C/décennie. Il faudra suivre ça de près dans la décennie 2040, car c’est à ce moment qu’est prévue une divergence entre les scénarios retenus par le GIEC. Le contenu en chaleur des océans permettra de se rendre compte plus vite de la trajectoire prise par le climat.

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    • Un point assez étonnant dans cette étude, c’est le réchauffement du canal de Sicile, en Méditerranée (150-400 m) : +0.028°C par an de 1999 à 2021, soit 0.28°C par décennie, un rythme du niveau des température de surface.

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  2. es températures maximales relevées à New Delhi durant ce mois de janvier 2022 sont anormalement basses. Un froid qui fait craindre pour la vie des nombreux sans-abris de la ville.

    Une vague de froid inhabituelle s’abat ces derniers jours sur New Delhi, provoquant des décès chez les sans-abri de la métropole indienne de 20 millions d’habitants.

    La capitale de l’Inde est habituée aux variations météorologiques extrêmes, avec des températures dépassant souvent les 35 ou 40 degrés, des pluies diluviennes ou des pics de pollution en automne. Malgré cela, le vent et la pluie glaciale de ce mois de janvier sont vécus par beaucoup comme une épreuve.

    Jusqu’à 10 degrés en dessous de la normale

    Mardi, New Delhi a enregistré son jour de janvier le plus froid depuis 2013 avec une température maximale de 12,1 °C, soit dix degrés en dessous de la normale saisonnière. Les minimales ont parfois frisé zéro et sont restées sous 10 °C pendant plusieurs jours.

    Selon le bureau météorologique indien, les températures maximales à Delhi ont été inférieures de deux à six degrés à la moyenne pendant presque tout le mois de janvier.

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