Climat

Un premier coup de chaud global au sortir de La Niña

La température moyenne sur les 12 premiers jours de mars 2023 a atteint les niveaux les plus élevés sur la période depuis mars 2016, l’année où un épisode El Niño exceptionnel avait conduit la température globale à des niveaux record.

Du 1er au 12 mars 2016, une anomalie globale de +0.94°C par rapport à la moyenne 1981-2010 avait été relevée. Sur les 12 premiers jours de mars 2023, l’anomalie approche +0.83°C/1981-2010, d’après la réanalyse ERA5. Ce qui correspond à 1.64°C au-dessus de la période préindustrielle, soit le 2e niveau le plus élevé observé sur la période. Nous sortons à peine d’un épisode La Niña qui s’est étendu sur trois années consécutives.

Les cartes ci-dessous montrent les anomalies relevées par ERA5 du 1er au 12 mars pour 2023 et 2016. Une énorme zone anormalement chaude s’étend en 2023 sur l’Eurasie, une autre entre le nord-est du Canada et le Groenland. Les océans sont chauds dans leur ensemble.

D’après le modèle NCEP GFS, l’anomalie devrait redescendre dans les prochains jours et mars 2023 sera sans doute en dessous du record de 2016. Il n’y a que 12 jours de données sur le mois en cours, on peut juste dire qu’il s’agira d’un des mois de mars les plus chauds des annales. Il s’agit surtout ici de souligner l’intensité du coup de chaud observé, qui dénote par rapport aux derniers mois marqués par La Niña.

D’après les données ERA5 du 1er au 12 mars 2023.

Sur la même période, en 2016, les anomalies étaient plus marquées dans l’est du Pacifique, traduisant l’épisode El Niño majeur alors en cours. Les températures étaient cependant en recul dans cette région du Pacifique après les sommets atteints entre novembre 2015 et janvier 2016. Durant un événement El Niño, caractérisé par des températures de surface de la mer (SST) plus chaudes que la moyenne dans l’est et le centre de l’océan Pacifique tropical, il y a généralement un décalage de quelques mois entre le pic des SST et le pic des températures de surface à l’échelle globale.

Pendant un fort événement El Niño, le pic des SST dans le Pacifique tropical peut se produire à la fin de l’automne ou au début de l’hiver, tandis que le pic des températures de l’air se produit généralement au début de l’année suivante. Les deux anomalies les plus importantes de l’histoire des relevés ont été observées en février et en mars 2016. La situation est inversée avec La Niña, qui a tendance à tirer la température globale vers le bas.

D’après les données ERA5 du 1er au 12 mars 2016

Les alizés sont des vents réguliers d’est en ouest soufflant le long de l’équateur dans l’océan Pacifique tropical. Quand ils faiblissent avec El Niño, la circulation océanique normale dans l’océan Pacifique tropical est perturbée, ce qui peut conduire à une accumulation de chaleur à la surface de l’océan. Cette accumulation de chaleur est ensuite transférée à l’atmosphère, ce qui entraîne une augmentation des températures de surface dans de nombreuses régions du monde.

Bien qu’El Niño puisse contribuer à une augmentation temporaire des températures, le changement climatique d’origine humaine est le principal moteur du réchauffement planétaire à long terme. Les températures de surface de la mer augmentent avec le réchauffement climatique. El Niño est un phénomène naturel qui produit des pics ponctuels de chaleur en surface mais la tendance de fond est liée aux SST globales qui s’élèvent au fil des ans.

Au niveau global, le pic de chaleur des STT se produit au mois de mars. Or on a observé le 16 mars 2023 un record de chaleur pour les océans dans leur ensemble entre 60S et 60N de latitude, d’après les données de la NOAA (OISST V2.1). Il s’agit d’un record absolu, ce qui signifie qu’à aucun moment, quel que soit le mois de l’année, un tel niveau n’avait été observé depuis le début des mesures. Ce niveau exceptionnel peut se voir sur le graphique ci-dessous avec la courbe en noir, qui opère un redressement marqué depuis le début du mois de mars, culminant le 16/03/2023 avec plus de 21°C de moyenne mondiale.

Source : Climate Reanalyzer/Université du Maine.

Dans le Pacifique Est, les SST sont revenues à des niveaux neutres après l’épisode La Niña de cet hiver. Si El Niño émerge en milieu d’année, comme le prévoient les modèles, la température globale sera tirée vers le haut. L’élévation des températures dépendra de l’intensité du phénomène (les modèles tablent pour le moment pour une intensité faible à modérée). Le coup de chaud observé en ce début mars a de quoi inquiéter quand au potentiel de réchauffement à venir.

Le tableau ci-dessous montre les SST dans la région clé Nino 3.4 utilisée pour déterminer l’état de l’oscillation australe. Le seuil La Niña est considéré comme étant à -0,5°C. Les données hebdomadaires OISST.v2.1 montrent une anomalie de -0,1°C pour la semaine du 8 mars 2023.

SemaineNino 3.4
04-janv-23-0,8
11-janv-23-0,7
18-janv-23-0,6
25-janv-23-0,6
01-févr-23-0,5
08-févr-23-0,5
15-févr-23-0,5
22-févr-23-0,3
01-mars-23-0,2
08-mars-23-0,1

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3 réponses »

  1. Bonjour Johan,
    Je remarque que sur la première carte des anomalies de températures, soit celle des températures du 1er au 12 mars 2023, il y a beaucoup plus de rouge sur l’Europe central, en particulier de l’Ukraine jusqu’à la Russie, par rapport à la deuxième carte des anomalies de température, soit celle de la même période mais en 2016. L’Ukraine et la Russie étant parmi les plus grands producteurs mondiaux de céréales, notamment de blé. Cette intensité du coup de chaud observée a effectivement de quoi inquiéter quant au potentiel de réchauffement à venir sur la production mondiale de blé. Je ne me souviens pas si en 2016, il y a eu une perte de rendement agricole de la production de blé dans cette partie du monde mais en 2023, la situation sera à surveiller de près en fonction de la sévérité du phénomène El Niño en cours.

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    • L’impact d’el niño est très faible en Eurasie. Nous ne pouvons pas savoir ce que sera l’été en Ukraine et en Russie. Mais le climat s’est assez réchauffé pour qu’il se produise des canicules sévères n’importe quelle année et n’importe où sur la planète. La menace sera toujours présente.

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  2. Ce ne sont pas les plus grands producteurs, mais la Russie est le plus grand exportateur, c’est finalement ça qui est important. Il n’y a pas eu de baisse de production en en 2016 malgré une vague de chaleur importante car celle-ci est restée localisée principalement en dehors des zones de production. En 2018 et 2019, par contre d’importantes vagues de chaleur en fin de printemps et été ont fortement impacté la production, ça reste donc un risque potentiel si ce genre d’épisode se reproduit en phase de culture.

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